Longes ou rallonges
Passer les bornes, il n'y a plus de limite
Alors que dans leur merveilleuse naïveté les enfants envoient à Libourne de longues listes exprimant leurs vœux pour la nuit de Noël, ils ignorent le cas de conscience qui agite simultanément Saint-Nicolas et Santa Claus (celui qui a fait son trou dans l'imaginaire sous le sobriquet de Père Noël).
Nos deux compagnons se sont spécialisés dans la livraison à domicile, bien avant Amazon et Chronopost et autres pourfendeurs du commerce local. Ils avaient alors le souci de l'environnement, usant pour le premier d'un âne pour tirer sa charrette tandis que le second mit à contribution huit rennes pour emporter dans les cieux son traîneau.
Jusqu'à il y a peu, ces modes de livraison ne posaient aucun problème dans des sociétés qui voyaient d'un bon œil ces contributions animales qui donnaient un charme fou à la chose. C'était encore un temps où l'enfance aimait à se confronter à la nature et trouvait plaisant de nommer les quadrupèdes qui se mettaient en quatre pour les satisfaire.
Ainsi Babalou, l'âne de Saint Nicolas ou Tornade, Danseur, Fringant, Furie, Comète, Cupidon, Tonnerre et Éclair, les rennes du bonhomme à la pelisse, entrèrent dans la grande tradition de la nativité. Ils pensaient du reste y rester sans que nul ne vienne leur tirer les oreilles ou se mettre en travers de leur chemin. C'était hélas faire bien peu de cas de l'âme humaine…
Les ennuis pour leurs deux maîtres commencèrent en France avec la législation qui impose d'une part que les animaux de halage doivent être pourvus de feux jaune orange visibles dans toutes les directions, ce qui nuit grandement à l'effet de surprise pour la livraison. D'autre part le code du travail animal limite la durée de travail des animaux de trait, ce qui met en péril la desserte de toute la Planète.
Devant ces obstacles législatifs et le poids de plus en plus important des défenseurs de la cause animale et du parti animaliste, nos deux livreurs nocturnes ont songé un temps cesser leur activité jusqu'à ce qu'ils obtinssent de la Commission Européenne de grosses subventions pour passer à l'énergie électrique.
Il est vrai qu'outre les problèmes de code du travail des animaux, les flatulences de ces derniers étaient pointées du doigt pour expliquer le réchauffement climatique, réchauffement qui du reste mettait grandement en cause l'utilisation des rennes pour desservir les balcons. C'est ainsi que Saint-Nicolas et Santa Claus cédèrent aux sirènes des batteries de lithium pour équiper qui sa charrette, qui son traîneau.
Si le folklore en fut pour ses frais, la cause environnementale connut un premier succès qui du reste en appelle d'autres. Le lobby des fabricants de batteries mène actuellement une grande campagne afin qu'aucun jouet fonctionnant avec des moyens archaïques comme le ressort ou l'air comprimé, le vent ou la vapeur ne soit désormais dans les listes officielles remises à nos deux livreurs.
Il se murmure aussi que les jouets à pile sont également dans le collimateur tandis que l'âne et les rennes coulent désormais des jours heureux dans des centres d'accueil des bêtes de réforme. La magie de Noël en prend un sacré coup certes mais ceci est pour le plus grand bien d'une humanité qui ne considère pas que la montagne de jouets que livrent nos deux vieillards cacochymes est de nature à courir au désastre écologique avec la matière plastique omniprésente, les monceaux d'emballage et l'obsolescence certaine de jouets qui ne seront même jamais utilisés tant les enfants croulent sous les cadeaux.
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