On ne prend pas les mouches avec du vinaigre
Au royaume de l'œuf mayo, les poules sont sur les dents.
Il se peut que ce soit la moutarde qui me monte au nez chaque fois que je constate que le set électro sort de sa coquille vide pour attirer les mouches lors des animations locales. Il convient de prendre pour acquis que déjà en 1429, la jeune Johannette de Vouthon avait tout naturellement un penchant pour ce type de musique, la seule capable de couvrir les acouphènes qui ne cessaient de la tourmenter. Mais que penser alors de ce fameux vinaigre dont les traces remontent à plus de cinq mille ans, en une époque où la musique en boîte ne connaissait pas son essor contemporain.
Si le set électro est la mère de tous les vices locaux, il n'y a pas lieu d'espérer que la chose finisse par tourner au vinaigre. L'accompagnement semble des plus précieux pour accommoder les cornichons et autres condiments dans un bain de sots murs. Si la mayonnaise ne prend pas, il y a alors tout lieu de s'interroger sur l'endométriose comme rendez-vous mensuel des festivités locales.
Cette fois c'est donc le vinaigre et non pas le vit aigre qui ouvre ses bras à cette musique électronique de la transe et du décibel réunis. Coller le tout dans un bocal qui fut jadis un Aître, un cimetière médiéval enclos au pied d'un lieu de culte. Le culte a changé, le sang du christ tournant au vinaigre depuis quelques incidents notables en terre sainte.
Est-ce aussi pour faire oublier le passé peu glorieux du commerce local avec le sucre des Antilles blanchi d'abord au sang de bœuf puis au vinaigre, que l'on tente ici d'obtenir le pardon en déchaînant les jeunes générations au son endiablé d'une rythmique scandée par des basses surpuissantes ? Le flot sonore n'effacera sans doute pas le goût amer d'un passé jeté aux oubliettes.
En attendant le vinaigre sort du flacon pour être célébré au grand jour. Il a même droit à un festival qui pousse le bouchon un peu loin en faisant de l'œuf mayo le paradigme de la quintessence du vin aigre. Nulle coque dans mon propos, le coq du capitaine Haddock n'entend pas être tenu responsable d'avoir pondu une telle ânerie.
Pour corser l'affaire et célébrer le festival comme il se doit en Orléans, il a plu des seaux combien même Martin n'y pourrait rien. Les natifs de Dijon réclamant alors leur part du gâteau avec une cerise napoléon sur celui-ci pour célébrer leur antériorité en la matière. Mais revenons aux sources historiques :
« Vinaigrier et moutardier se sont depuis fort longtemps donnés la main. Il n’y a pas de quoi en faire une salade. Tout a commencé le 28 octobre 1394 à Paris lorsque furent homologués les premiers statuts : passage obligé pour fédérer une profession au Moyen-Âge au sein d'une guilde. Le roi de France tarda cependant à donner à ces artisans leurs lettres de noblesse, hésitant sans doute à mettre les pieds dans le plat. C’est en 1594 que notre brave Henri IV mit un peu d’acidité dans le vin de messe en reconnaissant la corporation. Peu de temps après, les Vinaigriers d'Orléans obtiennent alors la reconnaissance de leur métier par les lettres patentes royales.
Bon Prince, Henri IV offrit une roue de secours aux viticulteurs de notre Val en faisant d’eux, les spécialistes mondiaux du vinaigre. Au XVIIIe siècle, Orléans comptait encore plus de 300 producteurs pour un produit apprécié dans toute l’Europe. Deux méthodes, en effet, existent pour fabriquer ce précieux nectar à transporter de préférence sur une rivière d’huile. La méthode traditionnelle, communément appelée d'Orléans : on fabrique le vinaigre à partir de vin. La méthode allemande, faite à partir d'alcool, auquel on ajoute des copeaux de hêtre et de l'acide acétique. L'ensemencement étant assuré par la mouche à vinaigre, la célèbre drosophile bien connue des élèves de terminale. »
Nulle trace de set électro dans tout ça, mais une fois encore, je persifle. Je sais très bien que certains risquent de pendre la mouche pour un billet qui tourne au vinaigre.
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