Quelque chose ne tourne pas rond
Une circonférence du Bonimenteur
Le bon sens giratoire …
Nous avons une chance infinie. Notre pays est le recordman du monde des ronds points. L'avenir nous dira sans doute ce que cette modeste construction a apporté à notre culture urbaine tout en pompant les ressources de nos collectivités. En leur centre, trône ce qu'il y a de plus kitsch dans l'esthétique de comice agricole et de mauvais goût traditionnel. Un vrai bonheur pour les esthètes qui malheureusement n'ont pas le temps d'admirer ce décor si amoureusement concocté par une armada de fonctionnaires territoriaux.
Car les ronds points viennent entraver notre folle course d'urbains si pressés. Ils se dressent au milieu de notre progression, nous imposent tournis et circonvolutions. Ils réclament encore des trésors de perspicacité pour connaître le principe de priorité qui prévaut à son franchissement. J'en ai même vu qui s'offre le luxe de feux tricolores pour démontrer leur inutilité aux yeux de tous.
Il est aussi casse-tête pour les organisateurs des courses cyclistes. On a considérablement augmenté le suspens en promettant désormais aux amateurs de sensationnel et de sordide de belles chutes collectives dans ces chausse-trappes de la modernité débridée. Ils sont encore un impossible définitif pour le pauvre piéton qui n'a plus aucune chance de survivre dans une éventuelle tentative de traversée.
Mais si les ronds points se sont ainsi reproduits comme des petits pains, depuis le premier inauguré à Quimper, c'est qu'ils ont contribué à de bien douteux montages financiers. Ils sont nombreux à avoir profité de la manne magnifique de cette nouvelle mode. Au point, vous n'en reviendrez pas, où il est désormais impossible de les dénombrer. On propose une fourchette allant de 30 000 à 60 000 de ces petits ronds dans l'eau du marigot.
Tout le monde a fait son beurre sur le dos des vaches à lait. C'est le principe de la force centrifuge adapté aux finances publiques. On met les citoyens en mouvement de droite à gauche, en suivant le sens trigonométrique, communément désigné par giratoire par nos bons gaspilleurs de subventions. La vitesse de rotation grise les usagers qui en réclament d'autres et les margoulins profitent de l'aubaine pour détourner au profit des grands partis, quelques dessous de table ronde.
C'est pure médisance. Les élus nous jurent, une main sur le cœur, ne pas tremper dans une magouille indigne d'eux. Quand ils démentent fermement, j'ai désormais l'habitude de me méfier et l'observation du phénomène chez nos voisins ne peut que confirmer ma coupable perplexité. Il n'y a que 5 000 ronds points en Allemagne, qui pour une fois, ne sert pas de modèle économique à nos champions du plagiat et de la référence permanente pour ce qui se passe au-delà du Rhin. Quelque chose ne tourne pas rond en ce domaine précis.
Nos chers experts, qui au passage bénéficient de primes dans la propagation de ces chantiers d'intérêts collectifs, avancent naturellement l'argument sécuritaire. Le rond point permet de ralentir le flux de la circulation et d'accélérer celui des dépenses publiques. Il y avait certainement méthode moins onéreuse pour nous mettre au pas que ces magnifiques monticules qui coutent un demi-million d'euros en moyenne.
Il serait temps qu'une enquête soit diligentée par des citoyens ordinaires pour examiner au plus près cette épidémie mystérieuse. À qui profite le crime ? Quelles sont les entreprises qui ont le plus bénéficié de ce délire circulaire, de ce cirque si onéreux ? Quels sont les répercutions d'un rond point sur les finances du parti politique du décideur en chef ?
On sait que jamais la lumière ne sera faite sur ce scandale tranquille, ce petit manège enchanté de la corruption quotidienne. Rares sont sans doute nos chers responsables qui ont trouvé un intérêt personnel dans cette martingale de la sécurité routière. Mais ce n'est pas une raison pour justifier une pratique délirante qui a permis de gonfler artificiellement le carnet de commandes d'entrepreneurs devenus obligés reconnaissants.
Enfin, s'il est désormais impossible de revenir en arrière, pourrait-on au moins cesser de dépenser des sommes certes dérisoires mais totalement insupportables pour la décoration et l'entretien de ces verrues stupides. Qu'elles deviennent friches minables pour exprimer de la plus éclatante manière la vacuité de notre classe politique. Des orties, des ronces et des herbes folles, voilà qui leur irait si bien !
On pourra me rétorquer que mes circonvolutions cérébrales sont totalement injustifiées. Pourtant, on nous a fait si souvent tourner en bourrique que je ne vois pas pourquoi, sur ce coup-là, encore, il en irait autrement. Le bon sens, celui qui est si souvent dans la bouche de nos décideurs, se matérialise de façon spectaculaire dans nos merveilleux ronds points à la française, nés pourtant en Angleterre et à contre sens !
Circonfinancement leur.
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