Remaniement au Gouvernement Laval V, Le téléphone décroche, Radio Nationale Inter (7 septembre 1940)
Ceci est une parodie
- Bonsoir, chers auditeurs de Radio Nationale Inter, merci d'écouter nos émissions depuis votre meuble de radio, au coin du feu dans votre salon. Ravi de vous retrouver ma chère Margaret ; les habitués de notre antenne sont toujours enchantés d'entendre causer dans le poste une personne du sexe, ce qui est fort rare, à mon goût !
- Ce cher Philippe, l'esprit, c'est lui... Bonsoir à toutes et tous ! Comme vous le savez, après une épuisante boucle de Tours à Bordeaux, en queue du peloton gouvernemental, la Radio Nationale Française est désormais provisoirement décentralisée au Casino de Vichy. Je me permets de souligner que notre ville-hôte, bien que ne disposant pas de toutes les commodités parisiennes, est une charmante bourgade provinciale, certes peu courue par la gent fashionable, qui, cependant, gagnerait à accueillir à nouveau le Tout-Paris chaque saison estivale. Trève de bavardages déplaisants : chers auditeurs, vous ne pourrez point admirer mes atours que j'ai fleuris en perspective d'une longue soirée... Mais après tout, la radiophonie, c'est l'imagination qui fuse au bout de l'antenne, la fantaisie dans le bouton que l'on manipule religieusement, le haut-parleur que l'on caresse rêveusement...
- Cette chère Margaret, le corps, c'est elle.... Les auditeurs sont, j'en suis sûr, déjà sous le charme de votre voix incomparable et maintenant qu'une atmosphère familiale s'est installée sur les ondes, venons-en à notre sujet du jour : le remaniement ministériel en date d'hier. Comme la plupart d'entre-vous l'ont appris par la presse matinale, le vice-Président du Conseil, Monsieur Pierre Laval a procédé à plusieurs renvois de ministres, aussitôt remplacés. Au delà, nous allons réfléchir à l'avenir de l'Europe, à la construction de cette nouvelle Europe que souhaite Monsieur Laval ; et à laquelle le Maréchal Pétain, qui rappelons-le est Président du Conseil, a montré un intérêt bienveillant. Et bien sûr, nous attendons les questions de nos chers auditeurs pour aborder les sujets d’actualités brûlants qui les préoccupent au quotidien.
- Et pour nous aider dans cette tâche, mon cher Philippe, nous avons l'immense plaisir d'avoir, à nos côtés, notre fin connaisseur des allées du pouvoir, Mondamoiseau Antoine Bérangère, à nul autre pareil pour écouter aux portes des cabinets ; notre fameux expert en relations internationales, Maître Barnabé Gueuttard, que la radiophonie belge nous réclame sans succès ; notre économiste du dimanche, Monseigneur Dominus Cieux, qui prie quotidiennement pour notre bas de laine et enfin, notre spécialiste avisé du Reich allemand, Docteur Edgar Lekrampf, et sa populaire rubrique matinale « ce que l'on sait », rebaptisée depuis la nouvelle législation antiterroriste, « ce que l'on doit savoir ».
- Comme c'est joliment introduit, ma chère Margaret. Nous nous retrouverons avec nos invités apres un bref préliminaire musical...
- Chers auditeurs, vous allez entendre un extrait de Anima sana in corpore sano, interprété par l'Orchestre philarmonique de la radio suisse romande, un 78 tours édité chez Mondenbern.
[quelques minutes plus tard]
- Vous êtes à l'écoute de Radio Nationale Inter, en direct du Casino de Vichy. Cet extrait du chef d'oeuvre de Franz-Ludwig Von Apfestrudel n'était-il point assourd... hum.., ravissant, cher Philippe ?
- La musique adoucit les Allemands qui, certainement, nous écoutent ! Avant de poser quelques questions à nos invités, ma très chère Margaret, vous allez nous expliquer en quoi consiste notre nouveau système : le téléphone décroche...
- Eh bien, rien de plus simple, nos auditeurs souhaitant poser une question peuvent composer le numéro suivant : CASino 22.22 ; nos charmantes standardistes choisiront ensuite les communications les plus pertinentes, en s’enfichant avec ardeur pour établir une connexion audiophonique ; et nos invités pourront ensuite y répondre, avec courtoisie, cela va de soi. Je rappelle à nos auditeurs que toute manifestation d'intempérance pourra être sanctionnée car la nouvelle loi contre les farceurs et les agitateurs est entrée en vigueur la semaine dernière ...
- Et trois mois à la prison centrale de Riom, ce n'est pas une sinécure, n'est-ce pas, ma chère Margaret ?
- Non, en effet. Mais on ne peut pas tout accepter. La critique s'arrête là où le gouvernement légitime de la France est en péril.
- Il est donc bien évident que nous n'accepterons pas de questions sur un certain général traître, agent d'une perfide puissance toute proche ; encore moins sur cette innommable entité euro-asiatique qui ne rêve, le couteau entre les dents, que de la destruction de notre monde civilisé européen...
- D'ailleurs, mon cher Philippe, nos compatriotes ont d'autres préoccupations bien plus urgentes : le sort de nos prisonniers, l'application des conditions de l'Armistice, le ravitaillement des villes et les coupons alimentaires ou encore les attributions régaliennes négociées avec l'occupant.
- Certes, mais tout d’abord, vous serez tous d’accord pour souligner l’importance du renvoi de Monsieur le Général Weygand et de son remplacement par Monsieur le Général Huntziger... Maître Barnabé, nous dévoilerez-vous votre célèbre science infuse ?!
- De l’infusion de camomille romaine, toujours à cette heure-ci ; car le thé londonien me ballonne affreusement. Monsieur Weygand ? Le ci-devant ministre de naguère paie la désastreuse défense élastique entre Somme et Loire dont l’aboutissement fut cette humiliante armistice. Il nous manqua un Chevalier Bayard ; nous cherchions la gloire comme à Bouvines, lors que nous avons subi un nouveau Sedan ; plus infâmant que le premier, un terrrriiiible Azincourt mécanisé !
- Antoine Bérangère, votre avis ?
- J’abonde dans votre sens, avec un bémou cependant ; le Général Weygand n’aurait pas exclu, en comité restreint, dans un salon capitonné du Thermal Palace, siège du Ministère de la guerre, d’ envisager une possible revanche militaire. Il aurait même prononcé quelques jurons contre nos perfides voisins d’Outre-Manche - ce qui est tout à son honneur - mais aussi contre nos occupants si courtois - ce qui est plus préoccupant - même après deux ou trois cognacs... Je pense ainsi que le gouvernement gardera avec raison un oeil sur Monsieur Weygand, dès son départ de Vichy et son éloignement de métropole, afin qu’il ne compromette pas la future nouvelle Europe en construction...
- Docteur Edgar Lekrampf, vous, pour qui l’art de la guerre n’a plus de secret, que signifie la nomination du Général Huntziger ?
- Je crois pouvoir affirmer sans détour que l’armée française est de retour. Nous avons certes perdu la guerre ; à nous de préparer la paix avec le Reich et ses alliés, chaque jour plus nombreux. Monsieur Huntziger est l’homme de la situation. Il saura nous épargner les errements estivaux des revanchards, qui sont pour la plupart hors-jeu.
- Bien, nous voila amplement rassurés. Ma chère Margaret, avons-nous déjà une première communication ?
- Oui, mon cher Philippe, je vous lis la première question : Monsieur Dugras, de Charenton, signale que Monsieur Piétri a perdu son poste de Secrétaire d’Etat aux communications ; lors même qu'il semble être à l'origine du choix de Vichy pour son excellent central téléphonique, duquel nous nous servons présentement. Son commentaire est le suivant : Autant en emporte le philosémite. Je crois qu’il n’est pas besoin de commenter… ce commentaire ? Monseigneur Cieux, vous désiriez ajouter quelque chose ?
- Il se dit sous-soutane qu’il serait nommé ambassadeur à Madrid. Je n’en dirai pas plus.
- Vous soulignez ainsi à nos auditeurs qu’il prendrait la suite du Maréchal à ce poste capital ? Serait-il un maréchaliste de la première heure ?
- Jamais de la vie ! Un indécrottable dreyfusard, pensez-donc.
- Mais encore ?
- C’est à y perdre son latin ! Les voies des relations franco-espagnoles sont présentement impénétrables...
- Hum, votre père-plexité, Monseigneur, nous étonnera toujours. Avons-nous un nouvel auditeur au bout du fil, ma chère Margaret ?...
- Oui, et grâce à la nouvelle technique, dite du soixante-neuf saucissonné, microphone plaqué contre écouteur grâce à des élastiques, nous pourrons entendre directement notre auditeur. Monsieur, bonsoir, parlez sans crainte dans votre combiné en bakélite...
- Bonsoir ! Voilà : la Noël approche à grands pas de l'oie. J'ai un petit commerce de lingerie à Lyon, récemment réouvert, après quatre mois d’auto-confinement dans le Midi, et l'incertitude quand au tracé de la ligne de démarcation, au-dessus-en-dessous, la zone interdite, les laissez-passer sans retour, les passe-droits en tous genres, les incessantes quenell... querelles entre démobilisés d'arrière-garde et revanchards de la dernière heure qui se réquisitionnent en froufrous et dentelles chez nous...
- Nous avons parfaitement saisi vos interrogations, Monsieur... Monsieur ?
- heu, je préfère rester anonyme, si cela ne vous peine point...
- D'accord, pour cette fois, mais il ne faudrait pas que cela devienne un habitude dans notre nouvelle émission ! De l'anonymat à la délation, il n'y a qu'un pas et loin de nous l'idée de pratiquer cette... cette activité déshonorante.
- Vous me l'ôtez de la bouche, mon cher Philippe !
- Vous parliez donc de lingerie, Monsieur,... Monsieur l'anonyme... ?
- C'est cela, qu'elle soit fine ou corsetée, Monsieur De Beaulieu, on ne vend plus, ni caleçon à poche verticale bien droite, ni soutien-gorge à pigeonnier aérofuturiste...
- Monseigneur Cieux, votre avis d’expert en petits porteurs et portefeuilles garnis ?
- C'est bien normal, nos compatriotes privilégient l'alimentation à l'habillement ; sauter des pommes de terre à la poële, plutot que d’exhiber des seins en poire. Dès que le ravitaillement fonctionnera mieux, tout s'arrangera, vous verrez ; vos culottes disparaîtront comme des petits pains...
- Ben justement...
- Que voulez-vous dire ?
- C'est à cause de ces zazous, descendus de Paris avec la débacle ; si vous les voyiez : affreusement fagotés de couleurs criardes, la mèche rebelle, ricaneurs et invertinents, qui se promènent avec leurs disques de musique nèg...
- Vous n'allez pas nous dire qu’ils ont la main leste...
- Si, si...
- Maître Gueuttard, que pensez-vous de l'oisivité de notre jeunesse ? de cette nouvelle forme de délinquance juvénile ?
- Hum ! J'espère, enfin j'ose espérer, que le gouvernement, le nouveau cela va de soi, se penchera sérieusement, et je ne crois pas le dire trop fort, on ne le répétera jamais assez, de se pencher donc sur cette question : désormais livrée à elle-même, et ô combien ! cette jeunesse, tant chérie, que jadis le monde nous enviait - Apollinaire, Péguy, vous, jeunes soldats, à peine pubères lors de vos glorieux exploits héroïques, m’entendez-vous ? Cette jeunesse sacrifiée à Verdun, dont le sang abreuve encore notre glorieux drapeau, cette jeunesse n'est plus ou ne semble plus...
- Maître Barnabé, nous vous sentons ému. Avez-vous perdu un proche durant le Grande Guerre ?
- Mon petit frère, Davidounet, qu'on surnommait à Nogent, je ne vous apprendrai rien : le roi de la giguette détraquée. La nuit de Noël 1916, dans un esprit de paix et de réconciliation avec les Fridol...hum, hum ! avec l'ennemi, il mit en perce un fût de “fée verte” enterré après le décret antialcoolique du 16 mars puis découvert par hasard dans une écurie en ruine. Il venait de placer sur son grammophone à manivelle un disque de la symphonie industrielle de Pussiraïotoff, interprétée par la fanfare anarcho-idiom-neutraliste du Creusot, quand un tir adverse l'a fauché !
- C'est inexplicable : les Boch... heu... les Allemands sont pourtant de grands mélomanes !
- En effet, 24 ans après, je ne comprends toujours pas. L'on dit que son sacrifice dionysiaque provoquât un vent d'ire sur le front ouest, puis celui de l'est, lequel aboutit en définitive à la prise du Palais d'Hiver ; mais ça c'est une toute autre histoire que je vous conterai dans une prochaine chronique...
- Voyons une autre question, ma chère Margaret ?
- Certainement ; un auditeur de Marseille nous demande s'il est vrai que le gouvernement prépare une loi visant les Israélites, comme celles qui existent dans le Reich ?
- Antoine Bérangère, avez-vous eu vent d'une telle loi ?
- Les ragots vont toujours bon train ! Surtout du côté du midi… Bien évidemment que non. Le Maréchal a toujours dit que les israélites sont nos compatriotes ; d'autant plus que nombre sont d'anciens combattants. Il ne faut pas voir des complots partout.
- Mais peut-être la loi concernerait-elle uniquement les Israélites étrangers ? Docteur Edgar Lekrampf ?
- Ecoutez, le gouvernement français a toute latitude pour les Francais israélites. C’est rassurant de savoir que les Allemands ne nous écrivent pas toutes nos nouvelles lois. En cas contraire, nous ne pourrions plus nous prévaloir de neutralité dans la guerre en cours. Le Reich exige cependant la remise de tous ses ressortissants, actuellement internés ou réfugiés en zone non-occupée. Il n'y a là rien d'extraordinaire. Nous avons fait de même par le passé, au cas par cas. D’autant que nombre de ces familles sont certainement contaminées par les idées bolcheviques. Et personne ne voudrait voir arriver les Rouges sur les Champs-Elysées, n’est-ce pas ? Si les Allemands se proposent gentiment de les rapatrier chez eux, pourquoi diable nous y opposerions-nous ?
- Mais qu'entend le gouvernement allemand par ressortissants, là est la question ! Maître Gueuttard, votre analyse ?
- C'est à la fois simple et compliqué. Il y a d'abord les citoyens du Reich stricto sensus, donc de l'Allemagne, de Dantzig, de l'Autriche et des Sudètes depuis bientôt deux ans, ne l'oublions pas ! Ensuite, il faudrait y inclure les Tchèques du Protectorat de Bohême-Moravie, mais encore les Polonais de l’Ouest, puisque actuellement sous gouvernorat militaire. Ajoutons encore notre infortunée Alsace. En passant par la Lorraine occupée, je salue le nouvel ambassadeur du Reich, Monsieur Otto Abetz, que j’ai eu l’honneur de rencontrer avant-hier à l’Opéra pour la Première de Faust, un homme exquis, qui maîtrise parfaitement notre langue et qui, après trois verres de champagne, pleurait sincèrement avec nous le rattachement de ces départements au Reich. On l’avait injustement accusé d’espionnage par le passé, alors que c’est un ami sincère de la France et un Européen convaincu. A ce propos, je signale, à nos auditeurs de la zone non-occupée, qu'à Paris la situation est tout à fait retournée à la normale : Sacha guitry dîne à la Coupole, tandis qu'Arletty a été aperçue au Théâtre de la Porte Saint-Martin.
- Maître, tout cela est fort intéressant, mais...
- Heu... oui, pardonnez-moi, pour en revenir à nous moutons… heu… à nos moutons, du Reich, sont exclus les Polonais orientaux, soumis, comme vous ne l’ignorez pas, à l’inique loi bolchevique. En revanche les Slovaques, qui ne sont pas des Tchèques, faut-il le marteler, ne seraient pas concernés ; bien qu'il subiste un doute à ce sujet. Et, bien entendu, et j’en finirais avec eux, les Israélites – je n'ose dire Juifs, terme insatisfaisant à bien des égards - de ces différents pays sont concernés eux-aussi. Les apatrides restent un souci sans solution présente, mais je crains que nous n'ayons pas ce soir le temps de développer plus profondément. Je me réserve pour une chronique matinale ultérieure. En attendant, rien de tel, quand on est goutteux, que de se lover dans ses chaussons chauffants... voici déjà le droit....
- Maître, je vous interpellerai directement : le gouvernement peut-il s 'opposer à ces exigences ?
- En principe oui, mais comme nous avons signé la convention d'Armistice dans les conditions que l'on sait... heu, en fait c'est difficile. Il y figure un obscur alinéa qui aurait échappé à la vigilance du gouvernement réfugié à Bordeaux et englué dans ses tonnes d’archives décentralisées ; alinéa, disais-je, qui permettrait au Reich – simple hypothèse d’école - de trancher tout contentieux en sa faveur. C’est fâcheux, mais un compromis insatisfaisant est toujours mieux que pas de compromis, n’est-ce pas ? Et puis, avouons que le sort de ces individus qui ne sont pas français n'est pas la priorité du gouvernement. Ce n'est pas être trop trivial que de souligner qu'il faut d'abord songer au ravitaillement, ainsi qu'au retour de nos trois millions de prisonniers. Ceci dit, je cherche toujours mon chausson gauche...
- Antoine Bérangère, vous vouliez ajouter une précision ?
- D'après mes indicateurs bien invertis dans les alcôves des hôtels de Vichy, il paraîtrait que le chargé d'affaires des Etats-Unis auprès du gouvernement aurait promis de voir ce qu'il pourrait faire au sujet de l'évacuation vers les Amériques, des ressortissants exigés par le Reich, réfugiés en zone sud. Il y a bon espoir qu'une solution se fasse jour de ce côte-là. Sans nul doute, l'optimisme fait vivre toute une ville d'eau. Fort heureusement, nous gardons d’excellentes relations avec Washington, puisque nous partageons cette position de neutralité, si malaisée, en ces temps difficiles.
- Par une coïncidence extraordinaire, ma chère Margaret, Maître Guettard nous évoquait, il y a quelques instants, le chef-d’oeuvre de Gounod ; étant bien sis dans votre fauteuil, chers auditeurs, oyez-en cet extrait, l’air des bijoux, interprété par la célèbre cantatrice Bronca Catâstrofia, dit le Rouge-gorge poldévien et l’Orchestre de Radio-Cherchella...
- J’en frétille d’avance, cher Philippe ! Et j’imagine que nos auditeurs de Shanghaï, qui nous écoutent sur ondes courtes, en prenant leur bol de riz au lait matinal, la baguette en l’air, seront tout autant émoustillés par la voix suave de cette grande dame.
[quelques minutes plus tard]
- Vous écoutez toujours Radio Maréch... Nationale Inter, en ondes courtes. Que n’ayons-nous joué cette aria française plus souvent, ma chère Margaret !
- Votre choix est divin, cher Philippe ; vous n’avez pas votre pareil pour connaître mes plus secrets désirs. Encore une fois, je fus dardée au coeur et portée aux anges. Je ne doute pas que nos auditeurs de Callao, qui nous écoutent en sirotant leur cacao lovés dans leur hamac, ont été pareillement touchés par le Sieur Gounod. »
- Avons-nous une nouvelles question, ma chère Margaret ?
- Oui, un auditeur de confession israélite, Monsieur Vidalis, s’inquiète de la nomination de Monsieur Peyrouton en place de Monsieur Marquet, au poste de Ministre de l’Intérieur...
- Antoine Bérangère, pourriez-vous éclairer Monsieur... l’Israélite ?
- Je rassure Monsieur Vidalis René, Charles, Isaac, Nicophore, résidant 4, Rue Max Confiant, à Nîmes, enseignant de profession, marié à Jacquerin Lucienne, Marie, Adèle, au foyer, père de deux enfants, Eric et Thierry. [aparté] On n’arrête pas le progrès dans le fichage [/aparté]… Les Israélites n’ ont rien a craindre de Monsieur Peyrouton ! Bien au contraire, une fois écarté l’ancien maire de Bordeaux, lequel ne cachait pas son aversion pour votre… les… heu… enfin bref, vous pourrez dormir sur vos deux papillottes ! Je suis la personne la mieux renseignée, ici à Paris, sur les bruits de cour à Vichy, et je vous affirme que tout désigne Monsieur Peyrouton, à l’image du maréchal Pétain, comme un père protecteur des Israélites, pourvu qu’ils soient français depuis quelques générations ; en tout cas depuis Saint-Louis, assurément…
- Ce Monsieur est sans nul doute rassuré. Aurions-nous, un dernier auditeur en ligne, ma chère Margaret ? Peut-être sur les projets de reconstruction d’une nouvelle Europe, industrieuse et en paix ?
- Je crois que ce sujet ne passionne guère les foules, particulièrement en ces jours difficiles ; mais je lis sur mon petit carton que voici une auditrice, cher Philippe ; ce qui devrait vous enchanter !
- Parlez sans crainte, Madame ! Toute la France occupée et non-occupée, ainsi que nos colonies diverses et colorées, sans oublier les manchots des îles Kerguelen, vous écoutent...
- Eh bien, je m’appelle Louisette Pipelet et j’ai 20 ans. Je suis étudiante en archéologie. Etant encore mineure, je voudrais savoir si je peux m’asseoir au cinéma à côté d’un soldat allemand. Ou bien, si je puis lui adresser la parole dans l’autobus. Il faut dire qu’on en rencontre souvent de bien charmants et très polis. Ils n’ont pas la main leste des démobilisés en guenilles. Pourtant, mes parents et mes amis me grondent si j’ose les regarder. Je ne sais plus quoi penser… Dois-je acquérir quelques rudiments de la langue de Goethe ? Ah oui, j’oubliais... je ne porte pas de lunettes et je suis tous les après-midi à la bibliothèque de l’école du Louvre, près du rayon sumérien ; j’aime caresser de ma main droite de rugueuses tablettes en argile encore résistantes au déchiffrement, tout en plongeant ma main gauche dans mon cors...
- Ma chère Louisette, pardonnez moi cet interromptus, quelle enchantement, n’est-ce pas ? que d’écouter votre troublante voix. Le Docteur Edgar Lakramp s’est redressé subitement de son fauteuil, tel un ressort, pour vous écouter attentivement, son cornet collé à son oreille… et je crois qu’il désire ardemment vous faire partager ses vues...
- Mademoiselle Lucette, vous n’ignorez pas que j’enseigne la science cunéiforme dans cette enceinte que vous honorez de votre présence quotidienne ! Permettez-moi de vous inviter, dès mon retour dans la capitale, après-demain ; disons... à 16 heures, dans mon bureau !? J’y collectionne quelques artefacts babyloniens, d’une sublime beauté, à faire rougir un escadron de lanciers. En attendant de vous baiser la main, ma chère Suzette, je vous conseillerais de ne point trop fréquenter les forces d’occupation, ignares de nos us et coutumes et habituées à la rudesse prussienne. Préférez plutôt conter fleurette à nos fières unités de gendarmerie, qui méritent un chaste réconfort après ces éprouvants mois à gérer l’exode et le retour des Parisiens. Aujourd’hui, exténués par ces incessants chassés-croisés, ils n’ont même plus le courage de s'astiquer les bottes et le ceinturon. Cependant, ne vous précipitez point avec brosse et chiffon, et attendez mes conseils discrétionnaires pour agir en ce sens, tout patriotique.
- Merci Docteur, vous restez un exemple pour la jeunesse. Nous allons clôre cette émission, qui fut passionnante, par un extrait de La Symphonie pathétique de Tchaïkovski, qui rappellera à certains la beauté de la Russie, avant qu’elle ne sombre dans les mains de vandales athéistes et criminels.
- Merci à toutes et tous, à bientôt et surtout restez à l’écoute sur Radio Nationale Inter, coûte que coûte !
Articles précédents :
Prague Inter (21/08/1969) Le telefoničko sonne : « un an après, quelle normalisation ? »
https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/prague-inter-21-08-1969-le-219412
Francois Asselineau à la matinale de France Inter (03/04/2019)
https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/francois-asselineau-a-la-matinale-213995
Edouard Philippe au Téléphone sonne, France Inter (09/03/2019)
https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/edouard-philippe-au-telephone-213291
Emmanuel Macron invité à la Matinale de France Inter (24/10/2018)
https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/macron-invite-a-la-matinale-de-208843
Peut-on rire de tout ? Le Téléphone sonne, France Inter (18/11/2016)
https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/peut-on-rire-de-tout-le-telephone-186650
La matinale de l'été (les attentats, ce que l'on sait), France Inter (15/09/2016)
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/la-matinale-de-l-ete-france-inter-184608
La Norvège, 22 ans après le non à l’Europe, Le téléphone sonne, France Inter (13/07/2016)
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/la-norvege-22-ans-apres-le-non-a-l-182766
Géopolitique II, Poutine et le Caucase, France Inter (11/04/2016)
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/geopolitique-ii-france-inter-179805
Boomerang - France Inter (22/03/2016)
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/boomerang-france-inter-179088
La Russie, le grand jeu dangereux, 7/9 de la semaine, France Inter (27/02/2016)
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/la-russie-le-grand-jeu-dangereux-7-178176
7/9 du dimanche, France Inter (8/02/2016)
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/7-9-du-dimanche-france-inter-177412
Sarkozy invité de la Matinale, France Inter (19/12/2015)
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/sarkozy-invite-de-la-matinale-175603
Valls invité de la Matinale, France Inter (24/11/2015)
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/valls-invite-de-la-matinale-france-174526
Géopolitique I, France Inter (27/10/2015)
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/parodie/article/geopolitique-france-inter-173390
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