Reopen2012
Et si François Hollande n’était pas le Président de la République ? Et si l’individu qui nous gouverne n’était qu’un pantin téléguidé par des forces occultes ? Au premier abord, cette affirmation peut prêter à la franche rigolade. Pourtant, la toile bruisse de cette folle rumeur depuis plusieurs semaines. Une pétition circule depuis peu, Reopen2012, invitant les autorités à invalider la dernière Election Présidentielle. Fin limier à mes heures perdues, j’ai fini par identifier le citoyen à l’origine de cette agitation, puis ai recueilli ses arguments que je vous livre ici.
C’est à son domicile de Gujan-Mestras (33) que Kevin Pupier me reçoit. D’emblée, le jeune homme m’exhorte à ne pas le photographier. « Je ne recherche pas la gloire, mais uniquement la vérité », soutient-il, droit dans ses bottes en cuir de vachette, et droit dans ses convictions. Cet étudiant en musicologie de 19 ans martèle ses arguments d’un ton vigoureux. « Le François Hollande du printemps 2012 n’est pas le même que celui de l’été suivant ! Voyez comme son physique s’est transformé, à une vitesse telle que c’est humainement impossible. Et puis vous avez pu constater les différences énormes entre ses engagements de campagne et la politique appliquée depuis sa prise de fonction. C’est sûr, il s’agit bel et bien de deux individus distincts ! »
La rapide évolution anatomique du Président est l’un des éléments qui suscitent le plus la perplexité. Kevin n’est pas le seul à l’avoir relevée, d’autres se sont penchés dessus attentivement. Ainsi, le spécialiste en morphologie faciale Bernard Molcock se montre formel : « Ces deux photos ont été prises à quelques semaines d’intervalle. Voyez comme les différences sont flagrantes : à gauche, on a affaire à un quiquagénaire obèse, mais bronzé et très en forme, coiffé comme un jeune zazou ;
A droite nous avons un sexagénaire amaigri, dont le grain de peau présente un aspect curieux. En agrandissant l’image, on constate au niveau du cou la présence d’écailles grossièrement dissimulées par du maquillage. De toute évidence, c’est un imposteur qui a été élu Président, très certainement un Reptoïde originaire de Draco. »
L’hypothèse de Molcock ne surprend guère Kevin. « Voyez comme François Hollande était résolu à lutter contre la finance pendant sa campagne électorale. Comment expliquez-vous son revirement une fois élu ? ». En effet, le moins qu’on puisse dire est que les décisions du Président contredisent le discours du candidat. Ainsi n’a-t-il aucunement dénoncé le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG) signé le 12 mars 2012, et entré en vigueur le 1er janvier dernier. L’article 3 stipule que le déficit structurel d’un état membre ne doit pas dépasser 0,5% de son PIB ; autrement dit, l’austérité budgétaire est imposée à l’Union Européenne dans son ensemble. Exigence imposée par les marchés financiers et par leurs gendarmes, les agences de notation, qui crée une spirale déflationniste appauvrissant les peuples. Notons que les économies en matière de dépenses publiques sont réalisées enbaissant les dotations aux collectivités locales, auxquelles ont échu une multitude de compétences suite au désengagement progressif de l’Etat ces dernières décennies (entre autres : RSA, aménagement du territoire, etc).
Une fois sa tirade achevée, Kevin se redresse vivement et s’en va quérir une bouteille au contenu incertain. « Ca c’est un alcool citoyen – fabrication secrète ! », glisse-t-il malicieusement. Le jeune homme en ingurgite une lampée à même le goulot, puis reprend le cours de son argumentation. « Le vrai Hollande avait assuré qu’il empêcherait les ménages les plus modestes d’être submergés par les dépenses énergétiques. Mais son clone n’a strictement rien fait pour eux ! ». Kevin a raison. La TIPP flottante, qui permet de baisser la taxation de l’essence à mesure que son prix augmente, n’a pas été rétablie. Le blocage des prix du carburant a été temporaire, et depuis novembre, les défavorisés ont encaissé la hausse des cours du pétrole de plein fouet. Quant aux augmentations successives du prix du gaz, elles ont été supérieures à l’inflation, en totale contradiction avec les propos tenus pendant la campagne électorale. Gaz que mon hôte produit en quantité industrielle par voie gastrique, à mesure qu’il écluse les verres de sa gnôle maison.
De même, le candidat Socialiste s’était engagé à ce que neuf contribuables sur dix ne soient pas concernés par la hausse de la fiscalité. « Tombant cyniquement le masque, le pseudo-Hollande s’apprête à augmenter la TVA », s’indigne Kevin. La TVA est l’impôt injuste par excellence, puisque l’effort est équitablement réparti sur toutes les classes sociales. Hausse de la TVA qui compense l’allègement des cotisations patronales, selon le principe de la « politique de l’offre » : on table sur une augmentation de la productivité des entreprises afin que le surcroît de bénéfices profite à la collectivité (recettes fiscales supplémentaires, embauches, investissements). Or, le bien-fondé de cette option est pour le moins discutable, autant du point de vue de l’efficacité que du point de vue éthique.
Le candidat Hollande avait également formulé une promesse peu coûteuse, mais essentielle d’un point de vue symbolique : la délivrance obligatoire d’un récépissé lors d’un contrôle d’identité. Mesure qui aurait limité les contrôles au faciès, dont la répétition rend la population non-Blanche méfiante à l’égard de l’autorité publique (deux grands principes républicains sont ainsi foulés au pied, Egalité et Fraternité). La mesure est écartée par le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, le 27 septembre dernier. « Cette date est significative », précise Kevin. « Quand on aditionne les chiffres (2+7+9), on trouve 18, soit 6+6+6, autrement dit le Nombre du Diable. La mainmise d’une secte sataniste sur notre pays ne fait dès lors plus aucun doute ». Le jeune homme ajoute alors une précision capitale : « Manuel Valls, le Ministre de l’Intérieur, est connu pour ses opinions ultra-sécuritaires. Il va directement chercher ses ordres auprès du Groupe Bilderberg, auquel il appartient ». Subitement, le regard de mon hôte s’assombrit. Il extirpe d’une sacoche un schéma nébuleux qu’il me décrypte et m’autorise à reproduire. « Voilà comment fonctionne la conspiration. On s’aperçoit que l’Elysée est tout en bas de la chaîne de décision. », dit-il fébrilement.
Kevin va même plus loin. D’après lui, d’autres institutions Françaises ont été infiltrées par le complot. « En octobre dernier, contre l’Espagne, l’équipe de France de Football a très bien joué, a fait preuve de cohésion contre une forte adversité et a même frôlé la victoire. C’est tout à fait invraisemblable si on regarde leur parcours depuis des années. D’ailleurs, je me suis livré à plusieurs simulations sur FIFA et PES avec des amis experts, et les Espagnols ont toujours gagné par au moins trois buts d’écart. C’est bien la preuve que les joueurs Français ont été remplacés par des sosies à la crédibilité douteuse ».
« Faut pas compter sur les journalistes pour évoquer tout ça… », émet Kevin, d’une voix basse. « Ils sont encore choyés, leur niche fiscale a été maintenue, contrairement à ce qui figurait sur le programme de Hollande ». Cette corporation n’est toutefois pas la seule à conserver un traitement de faveur. Les propriétaires d’oeuvres d’art d’une valeur supérieure à 50 000 euros sont concernés, de même que les constructeurs de logements dans les DOM-TOM. Autant de catégories de population auxquelles on ne demande pas d’efforts supplémentaires, en dépit de leur aisance matérielle.
Malgré cette accumulation de preuves troublantes, il se trouve encore des sceptiques pour contester la théorie du complot.Bernardin Jemlachaa est l’un d’eux. « On est en présence d’une banale conjonction deux phénomènes habituels », affirme-t-il. « A chaque élection, les candidats multiplient les promesses déraisonnables afin de drainer un maximum de suffrages. Ca s’appelle la démagogie. En outre, ce ne sont pas tant les convictions d’un candidat qui déterminent la politique appliquée, que la marge de manoeuvre dont il dispose. Celle-ci est la même que pour son prédécesseur, la conjoncture économique est tout aussi défavorable, et les forces de résistance au changement tout aussi puissantes. Il est donc obligé de transiger avec ses principes. Ca s’appelle le pragmatisme ». Depuis sa chambre de bonne du 77, ce socio-anthropo-egologue conclut l’entretien par une tirade teintée de misanthropie. « Quand le réel est source de tristesse, on a tendance à se tourner vers le surnaturel, les forces occultes. On change sa perception des choses, mais pas les choses en elles-même. Du coup rien n’évolue jamais en profondeur… », grommelle-t-il, énigmatique, entre deux quintes de toux.
article initialement paru ici : http://spermufle.wordpress.com/2013/02/03/reopen2012/
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