Se casser la tête
Le bec dans le vin…
À force de la creuser en cherchant la petite bête, il était probable qu'un jour je finisse par en toucher le fond. C'est ainsi que ce que j'y vis fut un vide sidéral, une terrible révélation. Tout ceci n'était que du vent, rien de plus hélas ce qui explique sans doute que je me payais la tête des autres simplement par jalousie, désir inconscient de la remplir de ce qu'il y avait de mieux chez eux tandis que le rien était mon triste lot.
Mais revenons en arrière sur le cas de cette mauvaise tête qui ne cessa de tourmenter mes jours. Non seulement elle aimait à jouer les filles de l'air, s'offrant quelques séjours dans les nuages où dans des ailleurs qui m'interdisaient alors de garder les pieds sur terre, mais pire encore, ceci ne se passait pas sans des migraines carabinées.
Ma tête filait un mauvais coton. On ne peut attendre mieux quand elle fréquentait ainsi les cumulus ou les stratocumulus, mes préférés. Fort de ce constat, j'aurais pu revenir sur terre en me mettant un peu de plomb dans celle qui ne cessait de s'élever dans l'éther. Le plomb en confusion provoqua un effet contraire. J'avais désormais une tête brûlée qui refusait désespérément de revenir sur mes épaules.
Il me fallut signaler sa disparition. Le ciel me l'avait enlevée, je déposai une main courante dans un commissariat. Le fonctionnaire, excédé, me demanda si par hasard, je ne me payais pas sa tête. J'eus la terrible maladresse de lui répondre que la sienne ne me revenait pas, ce qui me valut un petit séjour au trou.
Je m'entêtais à réclamer mon dû, cette tête qui a défaut d'être bien faite, était la mienne. Je me faisais des cheveux quand dans le même temps, le policier y cherchait des poux. La situation prenait une curieuse dimension surtout quand on me qualifia de forte tête, affirmation dénuée totalement de fondement.
Je finis par être élargi un jour où le plafond était si bas que je pus récupérer celle qui me manquait tant. C'est alors que je me la pris dans les mains pour être certain qu'elle ne me joue pas un mauvais tour. Pour renforcer la chose, je la revêtis d'un couvre-chef pour limiter son horizon et lui couper l'herbe sous le pied.
Ma tête m'en voulut. Manifestement elle ne supportait pas l'image que j'entendais donner d'elle. Elle se libéra bien vite de ce béret ridicule pour s'offrir de nouvelles fugues. Elle avait de la suite dans les idées ce qui me poussa à entendre un lavage de cerveau pour la rappeler à plus de modération.
Ce fut le début de la fin. Je me trépanai pour trouver un petit passage à ce grand ménage. C'est ainsi que je découvris que j'avais la tête vide ce qui loin de m'effrayer me conforta quelque peu. Nombreux étaient ceux qui me pointaient du doigt en déclarant que j'avais la grosse tête. Sa vacuité démontrée à tous devait les réduire au silence.
Pour leur en faire démonstration, je me la creusais toujours plus afin qu'ils puissent tous voir en moi qu'une outre vide, un pauvre berlaudiot sans mauvaises pensées. C'est à force d'aller toujours plus loin dans cette introspection qu'elle finit par se casser en laissant des milliers d'éclats sur le sol. Plus moyen de recoller les morceaux, il me fallait pourtant trouver un usage pour la recycler.
C'est alors que patiemment, avec une colle forte, je lui trouvais un nouvel usage. J'assemblais tant bien que mal les émaux de tête pour en faire un magnifique pichet qui n'avait rien d'une cruche. Ma tête avait ainsi, pour la première fois de son existence, un peu de contenance et c'est alors, qu'enfin de son bec, en sortait quelque chose d'utile et d'agréable.
Tableaux de Bruno Aimetti
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