Soyons lucides
C’est pas pour faire mon désagréable, ni me la jouer Pérec, mais je me souviens. Je me souviens de toutes les c…ries qu’on nous a dit dans notre jeunesse. On y croyait dur comme fer (ou plutôt on faisait semblant). Eh bien, soyons lucides. Je suis en mesure de le dire à présent : « c’était menti », comme disait cette vieille souche, alias Alain Souchon, extra-lucide à ses heures perdues…
- Aline, d’abord. Pendant 40 ans, on nous a dit qu’il suffisait de crier son nom sur la plage pour quelle revienne. A la rigueur, de dessiner son doux visage sur le sable mouillé. Faux.
Elle n’est jamais revenue. Il faut affronter en face cette réalité implacable, et ne pas se cacher derrière sa pelle et son râteau : elle ne reviendra pas. Inutile de se mettre la tête dans le sable comme les autruches, qui en profitent pour écouter les Pink Floyd au casque, en espérant que « ça passera crème » si on les prend pour des flamants roses.
Aline, je suis en mesure de le révéler aujourd’hui « Urbi et Orbi », n’a jamais été sensible au charme discret des anciens élèves de l’école Boule griffonnant sur le sable. Vous me direz, pour paraphraser Bashung (poète disparu, période fin 20 eme/ début 21 eme), « à quoi ça sert la frite si t’as pas les moules, à quoi sert le cochonnet si t’as pas les boules ? ». Hein ?
J’ai bien connu Aline moi aussi, je dois l’avouer. Je peux le dire, à présent que son premier amour, un certain Daniel Bevilacqua, a rendu sa copie. Les premiers temps, ça allait, je me prenais pour Rocco Siffredi : une nuit, dans notre 5 pièces de l’avenue Foch, encore toute en nage après nos ébats, elle m’avait confié (les yeux tout enamourés) que depuis ses vacances au ski l’année du Bac et les assauts de Bernard (moniteur de ski à Val torride), elle n’avait plus revu une telle vigueur dans le « planté de bâton » qu’avec moi.
Menteries.
Mon enquête approfondie menée depuis lors me permet de révéler qu’Aline, pendant que tout le monde la cherchait sur la plage, avait tout prévu depuis longtemps, et qu’elle s’est envolée en First aux Maldives avec la DRH de Roux-Combaluzier, de 20 ans son ainée, divorcée du PDG de Jacob et Delafon, et qu’elle vit de ses rentes du CAC 40 dans une paillotte sur pilotis dans le lagon bleu pétrole, ses amours saphiques gardés par les requins-citrons au pied de l’échelle de coupée. Le couple envisage d’organiser prochainement des cérémonies de mariages transgenre à 8 000 euros les 3 jours, vol compris.
Alors, le « planté de bâton », vous repasserez.
Faut être lucide, c’est tout.
- « Ce qu’il nous faudrait, c’est une bonne guerre », ça calmerai tous ces cons…
Dans mon enfance, on entendait souvent ça. On l’attend toujours cette guerre, sans la souhaiter évidemment. Même si des esprits chagrins disent qu’elle est là, qu’elle a déjà eu lieu le 13 novembre 2015, sur les terrasses parisiennes, ou encore au Bataclan, et le 14 juillet 2016 sur « La prom » (comme on dit chez les Nissart.)
Oui, soyons lucides.
- On nous avait dit (et on l’entendait dans la rue dans les années 80-90) que « quand l’essence sera à 10 francs ( NB : dix francs français) ; tout va pêter, les gens seront dans la rue (sic) ».
Eh bien, corrigé des variations saisonnières et du passage à l’euro, le litre de SP 95 est aujourd’hui à l’équivalent de (feu) 12 francs français. Et que se passe-t-il ? Quelques convois de retraités paisibles de l’Aubrac ou de Dordogne, bien bronzés mais un peu lassés de regarder le soleil descendre derrière la colline le soir venu en sirotant des gin fizz, sans doute en mal de frissons et de nouvelles relations sociales (pas de honte à cela), veulent « monter » à Paris. Ils le font pour certains avec des camping-car qui valent plus qu’une voiture de sport (celles qu’ils haïssent tant… ), en tous cas deux fois plus que la voiture des banlieusards franciliens qui bossent tous les jours à Paris et sont coincés dans les bouchons des dits-camping-car….
Ils le font (on peut comprendre) contre le racket du prix de l’essence. Mais ce faisant, ils vont faire plus de 1.500 kms aller-retour, avec l’essence à 1,80 euros/ litre, avec des camping-car qui « tètent » gentiment 15 litres au 100 kms.. Cherchez l’erreur.
Ils le font en fait parce que madame voudrait retrouver dans la ville lumière les frissons interlopes de « quand on était djeunes dans les concerts », et que monsieur s’est lassé de contempler l’ex. miss Rodez 1981, dont la pilosité jadis réduite à la bande brune du ticket de métro, dépasse aujourd’hui largement de la charrette, sans pour autant « mettre le feu à la garrigue ».
Bref, soyons lucides. Tout cela est « menti ».
- L’égalité hommes / femmes et le « quand on veut, on peut ».
J’ai jadis occupé des postes importants et « porteurs d’avenir » (sic) : directeur Export d’une marque de frigo chez les Inuits, importateur exclusif pour le Yemen de manteaux de vison sans vison. J’avais fini par me faire un nom dans le métier, j’avais « une réputation », comme on dit chez les Bac moins 12 des « rezosocio ».
J’étais un peu ce que Cahuzac était au classement de « Transparency international »sur la corruption, ou ce qu’Aquilino Morel était à la sauvegarde de la chaussure haut de gamme à Romans (pour ceux qui voient ce que je veux dire).
Et puis, comme souvent, j’ai fait « le coup de trop ».
J’étais cadre supérieur dans une société internationale de forage et d’exploitation de terres rares. Un marché porteur. J’ai tout gâché en acceptant bêtement ce marché de forage à la recherche de couches/ strates d’intelligence chez les maires de Grenoble et Lyon, et chez la candidate malheureuse de la primaire EEV.
Les campagnes de fouilles et d’explorations d’éventuels filons porteurs se succédaient sans résultat. Pas une trace, un embryon de filon. Seuls les déficits filaient, et ma société, à capitaux australiens et japonais, a fini par me rendre responsable de ce fiasco industriel et de R&D. J’ai eu beau plaider que si je ne trouvais pas, c’est peut-être qu’il n’y avait pas, on a fait de moi le fusible 20 ampères de cet échec.
Licencié sans toucher 2.000 francs…
La cinquantaine bien sonnée, je me suis retrouvé à rouler en Zoé, et j’ai décidé une reconversion comme gigolo.
Mais ça ne s’est pas passé comme prévu.
J’ai déposé un dossier de prêt à ma banque, considérant que je ne pouvais décemment pas exercer chez moi, une panthère noire aux yeux verts (Myrtille, ma chatte noire, jalouse comme une teigne), ne supportant aucune femme à mon contact. Elle en a plus éborgné que les LBD des Gendarmes mobiles pendant les gilets jaunes.
Donc je dépose un dossier à « la Société Particulière » (pour les particuliers, quoi…), pour financer un T2 discret et bien aménagé pour mettre ces dames en confiance, avec mobilier Stark, diffuseur automatique d’huiles essentielles et de papier d’Arménie et tout et tout...
Ma chargée de clientèle m’a reçu très courtoisement (ça aurait dû m’alerter), en fermant les stores vénitiens de son petit bureau vitré en retrait de l’open space. Au lieu de s’asseoir face à moi, elle a fait rouler son fauteuil à roulette de côté, très proche de moi. Elle m’a parlé très doucement, en détachant bien ses mots, comme on le fait pour les enfants, les simples d’esprit et les aliénés qu’on craint de fâcher.
Elle m’a dit que cela n’allait pas être possible pour le prêt, vu mon âge (un peu) mûr et l’activité professionnelle envisagée.
Le business plan n’était pas bon, il n’a pas passé la barre de l’audit d’implementation, des « feasability studies et du risk assessment », m’a-t-elle confié. Un homme au milieu de la cinquantaine, c’est pas un bon « buisiness model » pour faire gigolo. Une femme oui, au besoin en usant d’expédients peu couteux.
Un homme, non. Pas suffisamment rentable en nombre de clientes/ jour.
Comme je levais un sourcil circonflexe et semblait surpris, elle s’est lancée dans une démonstration osée avec son téléphone portable, le fil et le chargeur. Elle m’a bien parlé des temps de recharge, de la période réfractaire, du nombre de barres qu’il fallait pour remettre le couvert, etc…
Elle m’a raccompagné dans le hall comme un cancérologue raccompagne son patient dont les résultats du petscan sont vilains-vilains.
Et moi, j’ai voulu mourir.
Bref, il ne faut pas croire tout ce qu’on raconte, notamment sur l’égalité homme-femmes, le fait qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du boulot, ni que « quand on veut, on peut ».
Faut être lucide.
Epicétou.
J’ai alors voulu raconter mes malheurs dans une chanson, mais un mec gentil et doux, avec le cheveu rare mais hirsute, m’a tapé sur l’épaule en me disant de laisser tomber, qu’il l’avait déjà fait en son temps.
J’ai écouté son morceau, et j’ai hoché la tête gravement.
« Et toi tes mots d’amour au piano, est-ce que c’était tout du pipeau ? ».
Ce Souchon, il n’y a plus guère que lui pour poser les bonnes questions…
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Crédit photo
Getty images
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