Un nouveau pas est franchi
La seule taxe qui puisse marcher
L’état avançant toujours d'un grand pas, refusant de réduire son train et roulant pour des valeurs qui ne sont pas celles des citoyens, une idée a germé dans les allées du pouvoir. Fort de ces constats, une nouvelle proposition commence à faire son chemin. Gouverner c’est sans cesse trouver de nouvelles idées pour mettre au pas les individus récalcitrants, ceux qui refusent de se mettre en marche au pas de l’oie qu’on déplume tout en alimentant le trésor public.
Il se trouve dans les cabinets ministériels des individus, sortis naturellement des grandes écoles et qui cogitent sans cesse pour trouver de nouvelles sources de revenus fiscaux. La voiture est devenue à ce titre et paradoxalement une idée fixe chez ces grands personnages qui confondent l’automobiliste et les vaches à lait qui le regardent passer sur nos routes.
Le coup de pompe cependant menace les plus pauvres, cette catégorie sociale gagnant progressivement du terrain tant le citoyen ordinaire ne cesse d’être victime de ces coupe-jarrets fiscaux qui en veulent exclusivement à nos bourses. L’augmentation conjointe des taxes sur les carburants, du nombre des amendes qui s’envole de manière exponentielle, des futurs péages urbains, le coût du montant du stationnement et des amendes qui ne manquent jamais de récompenser un arrêt prolongé, tout ce train de mesures va pousser le quidam à descendre de voiture et à battre la semelle sur le pavé.
Les experts ont envisagé ce changement radical en anticipant d'ores et déjà. La bicyclette sera la prochaine petite reine fiscale. On va immatriculer les vélos avant que d’exiger une vignette et d’imposer des stationnement payants et des péages sur les pistes cyclables. Il est vrai que le refus des cyclistes de passer à la pompe prive les finances d’un grand bol d’air. Pour maintenir une part des ressources issues du déplacement, le vélo électrique sera d’ailleurs fortement encouragé et d’ici quelques années, la seule traction humaine risque d’être jugée incivique. Il convient de conserver notre formidable avance dans le domaine de l’énergie nucléaire.
Fort de ces perspectives, une nouvelle idée progresse lentement, pas à pas dans les esprits retors et pervers de ceux qui nous gouvernent par le mépris. Pour honorer Freluquet premier et son mouvement intitulé dans une formidable prémonition : « En Marche ! », une taxe sur les chaussures est dans les cartons. Toutes les chaussures à une seule exception près. À lacets, à scratch, les sandales, tongs, bottes, chaussures à crampons et sportives, les chaussons, les pantoufles... ; une liste exhaustive est en cours de constitution par les fonctionnaires du ministère du budget.
La mesure serait particulièrement radicale selon les analystes conjoncturels, les statisticiens de la grivèlerie d’État, les princes du coup tordu. La chaussure permettrait de ratisser plus large encore que tous les autres moyens de locomotion. Personne sauf les culs de jatte, n’échappe à la chose. Une commission a d’ailleurs été créée afin de se pencher sur le cas des individus privés de jambes. La taxation des fauteuils roulants pourrait faire partie de ce nouveau train de mesures.
Bien sûr, il convient dans un pays comme le nôtre d’envisager des niches fiscales pour pantouflards et autres privilégiés. L’escarpin artisanal, fait main, en cuir véritable pourrait échapper à cette nouvelle fiscalité tout comme les individus ayant les pieds bots, une mesure de justice sociale pour faire passer la pilule. Les porteurs de brodequins, pourvu qu’ils puissent attester d’un mandat parlementaire, seront eux aussi exonérés de ce nouvel impôt.
D’autres s’interrogent sur l’opportunité d’envisager des mesures d’accompagnement visant les chaussures qui ont besoin d’une aide extérieure. Refusant la logique d’assistanat des gouvernements précédents, le bon premier ministre a demandé un taxe complémentaire pour les utilisateurs de canne, parapluies, béquilles et autres systèmes qui occasionnent une usure plus importante des trottoirs. Tout comme une surtaxe a été envisagée pour les personnes titulaires d’une pointure supérieure à 45 à l’exception de celles qui peuvent attester d’un contrat de basketteur professionnel. Il ne faut pas décourager l’immigration choisie.
Nous n’avons pas à ce jour d’informations supplémentaires sur ce sujet. Nous menons une filature intense dans les allées du pouvoir pour en savoir plus. D’après certaines fuites, la loi interdirait désormais de marcher nus-pieds. Quant à la taxe, elle serait prélevée à la source, les bottiers, chausseurs, marchands deviendraient des auxiliaires de l’administration fiscale. Interrogée sur cette piste de réflexion, ouverte par son mari, la première dame de France aurait répondu : « Voilà une idée qui me botte ! »
Pédicurement vôtre.
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