Un temps d’eux
Une Poule, un canard et un chien, porte-paroles de leurs congénères qui se désolaient de l'ingratitude des humains, vinrent tenter l'aventure de faire entendre leurs voix. Ils avaient à se plaindre de ce fameux dérèglement climatique que les médias nous vendent plus aisément pour un réchauffement, afin de se concilier les éternels touristes et les hédonistes du mélanome solaire. Cette manipulation les laissait pantois et néanmoins vindicatifs. Ils regrettaient amèrement la belle époque où le temps se mettait de la partie pour faire parler d'eux.
La poule, bien en chair, en dépit du risque de redondance, monta en chaire un soir de messe de la nativité. Profitant de cette formidable chambre d'écho, elle se rengorgea, tout d'abord pour protester véhémentement contre l'absence de ses congénères dans la crèche de Noël. Il est vrai que les tenants de la laïcité auraient vu d'un mauvais œil de bœuf la présence de la compagne du coq, emblème national, dans cette parabole des crises énergétiques et du logement. De plus, la grippe aviaire aurait certainement mis son grain de blé ukrainien dans la chose pour interdire pareille éventualité.
Le canard entra dans la danse. Il prit le relais, fort opportunément juste après le concert d'orgue. Il entendait enfoncer le clou de sa collègue, ce qui en ce soir si particulier était un peu précipité et fort mal venu. Naturellement le brave animal se fit voler dans les plumes et clouer le bec par un officiant qui n'entendait pas bousculer le protocole. La maison commune du côté de la gente ailée était strictement réservée aux anges pourvu qu'ils fussent asexués.
Poule et canard virent dans cette posture, une prise de position de la doctrine catholique en faveur des mouvements transgenres. Le chaos régna un temps dans la pieuse assemblée d'autant que de vilaines rumeurs salissaient un vicaire qui revenait d'Égypte. Nous n'épiloguerons pas sur ce point, ne voulant pas risquer une fois encore, le bûcher de l'hérésie alors que dans quelques jours, le 28 décembre, nous commémorerons le millénaire dans un silence de cathédrale des martyres du premier feu de foi en Orléans en 1022.
Le chien qui justement venait de cette cité, jusqu'alors silencieux, vint se mêler à la controverse liturgique. Comment expliquer la présence de moutons dans la crèche concomitamment à l'absence d'un représentant de son espèce. Il y avait là manœuvre manichéenne pour ne confier les ovins qu'à la seule responsabilité d'un berger qui allait les mener par le bout du nez. La suite de l'histoire prouva qu'il n'avait pas tort tandis que les moutons demeurent toujours la cible des idéologies de toutes sortes. Accusé de cabotinage, l'animal avait assez de mordant pour ne pas se laisser tenir par la bride.
Toutes ces remarques liminaires avaient eu le don de déplacer la plainte des trois amis sur un terrain imprévu. Ils poursuivirent du reste en prenant à partie le pauvre bœuf qui n'était plus en mesure de prétendre qu'il se les gelait. Le chien surtout qui avait une dent contre lui, lui affirma qu'il devait sa présence dans l'étable à son absence de virilité. Il rentrait ainsi en symbiose avec ce pauvre Joseph qui était manifestement le dindon de la farce. Ses cornes ayant ainsi double valeur.
De telles insanités horrifièrent la foule des fidèles, qualité du reste habituellement réservée au plus proche compagnon de l'humain. Ils eurent l'intention de jeter le pauvre animal à ceux de son espèce qui demeuraient à leur place, serviles gardiens de la doctrine de l'ordre et de la discipline. L'excommunication guettait un cabot qui à vrai dire n'en avait cure.
Le tumulte passé, il fut demandé à ces trois intrus d'expliquer l'objet véritable de leur intervention aussi inopportune que déplacée. La première implora l'assistance de ne jamais oublier que parfois, ceux qui vont debout peuvent avoir la chair de poule. Le second leur demanda de toujours évoquer le froid de canard tandis que le dernier, la bave aux lèvres, aboya que le temps de chien demeurerait d'actualité.
Tout ça pour ça se dit l'âne qui avait envie de braire sans se rendre compte que c'est précisément un de ses homologues qui a pondu une telle insanité. À cette évocation de l'œuf, la poule et le canard voulurent reprendre la parole quand les cloches sonnèrent à la volée pour annoncer l'heureux événement. Le petit Jésus en personne arriva vêtu d'une culotte de velours pour affirmer à la Terre entière, que le froid avait toujours sa place dans la création de son père.
À contre-étoile.
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