Une cravate pour tous et...
Le château est en ébullition. Encore un raté. « Tonnerre de Brest ! Mais qui est-ce qui m’a foutu une équipe de branquignoles pareil ? ! Tudieu ! Il faut que je m’occupe de tout ici ! » entend-on crier dans le salon Murat. Car le bonhomme, il a de la voix et même quand il tape un SMS. Avec ses six cerveaux il fait mieux que Bonaparte qui dictait huit lettres en même temps. Lui il hurle et envoie un texto dans le même mouvement.

Pourtant l’idée était affriolante. Elle venait de l’amateur de havane et de correctionnelle. Il est vrai qu’il s’y connaît en la matière, lui et ses amis du solide. Il avait déclaré péremptoire : « ces députés son vénaux comme un arbitre de foot de l’époque Tapie. Il faut leur faire un petit cadeau et ils nous mangeront dans la main. » L’assureur était de son avis, lui, il connaît les coups tordus, oui devant, non derrière. Et les cadeaux d’entreprise, l’agenda de fin d’année, le calendrier Pirelli, le voyage aux pyramides, enfin tout ce qui fidélise la clientèle. Et de ce côté, il en connaît un rayon. Quant au premier d’entre eux, lui pas de souci. Depuis qu’il a fait le voyage de Latran, il pratique la charité. Celle qui, bien ordonnée, commence par soi-même, ce qu’il assaisonne du principe que l’on est jamais mieux servi que par soi-même. Alors les petits cadeaux de début d’année, il se les fait : + 172 % ou se fait offrir sans passer par les croisières Costa, un saut de puce à Malte ou chez Séthi the first.
En résumé, les bouillants communicants, suivant la ligne présidentielle qui veut que le gouvernement est une entreprise comme une autre avec ses cadres notés par le cabinet Mars, ont décidé de faire un cadeau d’entreprise en l’honneur de l’accession du guide au poste de phare de l’Europe, aux élus du peuple afin de leur montrer que la séparation des pouvoirs était une illusion du temps des lumières et que Montesquieu n’était définitivement plus d’actualité. Le problème dans toute machine dont l’huile ne sert qu’à déféquer des slogans et de la forme, que le fond pour elle ne vaut que dans l’expression "toucher le", est qu’elle déraille parfois. Comme l’Assemblée nationale n’a plus aucun rôle, si ce n’est de trouver une solution chaque fois que le prince pond - étrange pour un coq dressé sur ses ergots - une nouvelle initiative à laquelle personne ne s’attendait et qu’il faut d’urgence aveugler une voie d’eau, elle ne représente aux yeux de la cellule conseillère et de son leader qu’un magma informe et uniforme. Il y a bien quelques râleurs, mais ils ne pèsent pas lourd.
Donc, à l’aide de quelques petites mains des nouveaux engagés par l’Elysée (+10,9 % de personnel dans une période faste pour le château, mais nettement plus maigre pour les faubourgs) on a préparé ce qu’au Moyen Âge on appelait un don car il imposait un contre-don à tout chevalier qui se respecte. Une manière de s’attacher par l’honneur ceux qui placent le leur avant leur intérêt, en somme de les maintenir en laisse. Après un brainstorming digne de l’agence média qui avait trouvé le nom de Solide pour le Nouveau Centre, nom décoiffant selon Maurice Leroy, celui qui glisse du PC à Sarkoland, on allait offrir : une mallette noire, un crayon, un bloc-notes, un porte-serviette... et une cravate gris clair ! D’un coup d’un seul les 577 députés sont tous devenus masculins - après l’étude par le Sénat d’une loi pour les mères porteuses, il s’attaquera à ce nouveau cas de changement de sexe instantané. La parité gouvernementale qui selon les mathématiques de Darcos était respectée par 30 % de femmes (ce à quoi Attali a répondu comme une femme vaut deux hommes on est dans la cible) en prenait un coup.
Ce fut donc la grande colère du chef des armées. Cette colère ne s’est développée que dans le cénacle des 7 mercenaires, et transparence oblige, en secret. Comme il fallait un coupable, l’assureur rassurant a susurré, puisqu’elle ne faisait pas partie de l’aréopage, que l’idée devait venir de la garde des Sceaux. Avait-elle imaginé que comme dans une Cour de justice tout magistrat porte une robe et une cravate blanche, la mode devenait unisexe, la cravate était l’idée du siècle pour réconcilier les opposés et faire de l’Assemblée le seul lieu de l’égalité parfaite homme-femme ? Il ajouta taquin, que cela ne pouvait venir de l’idée d’une cravate de chanvre car d’une part la peine de mort était abolie et qu’ensuite la culture du chanvre indien était interdite. Le guide fumait comme une cheminée les bras au ciel (enfin au plafond). Sourire carnassier il rageait. « Moi qui ai toute la presse contre moi, moi dont l’épouse tellement qu’elle était mannequin se fait étriller par une presse qui du Point, à L’Express, de Paris-Match à Libé, la néglige alors que ses chansons sont la crème de la country soul franco-mélodique à texte inspiré, moi qui me démène pour mon pays et mes amis héritiers, moi qui use mes glandes salivaires à bavasser dans le poste, à serrer des pognes dans les usines, moi qui ai si peu d’espace dans les médias que je suis obligé de demander à Saussez d’expliquer ma politique tellement elle est bonne qu’elle sert de modèle à Science Po (afin de comprendre les mécanismes d’une élection gagnée par la tromperie, et comment on gouverne droit vers un désastre en demandant à ce bon peuple d’applaudir) et dans toutes les écoles de communication de l’Europe de l’Est afin d’accéder au pouvoir, il va falloir que je me sorte tout seul du merdier où, bandes de Martinon, vous m’avez enfoncé jusqu’au cou. »
Tout à coup la pression descend comme une cocotte-minute que l’on retire du feu. L’un des six cerveaux a trouvé. Lequel ? Qu’importe ! Ce qui compte c’est la beauté de la chose. Tel Lucky Luke sortant sa pétoire plus vite que son ombre il colle à son oreille son Vertu auréolé de diamants, ayant composé à la volée un numéro tout en regardant d’un air satisfait et un peu nigaud sa nouvelle Patek Philippe de 49 000 euros que lui a offerte la femme du président de la République. Cet effet est un dérivé de la technique appelée Kiss Cool : c’est l’effet Carla. Non dans le sens où il agit sur la moralité de Massimo, mais dans le sens où elle est le remède médiatique à toute situation délicate.
« Barbier, mon pote, je t’offre un scoop. Tes tirages vont exploser. Voilà l’histoire : tu mets en une Carla avec, tu sais, ces petites tenues de tennis des années 60, jupe plissée et une petite cravate au vent, à la garçonne ou à la japonaise. Il y avait une chose à laquelle je ne m’étais pas attaqué, après le rugby grâce à Laporte, après le football quand je recrute Thuram pour le PSG, après l’éducation, après Dieu, après les Airbus et le pétrole : la mode. Tu fais coup double : un gros tirage et lanceur de mode. Bon ne me remercie pas. A charge de revanche. Quand j’aurais besoin d’un petit article pro domo car en ce moment ça manque. A plus. » Il se tourne et fait des claquettes : « bande de nazes. L’affaire est réglée. Merci qui ? » et va se fumer un barreau avec le maire de la ville tout internet avant d’aller dîner chez Ducasse à Monaco avec Johnny et Balkany.
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