Une de perdue, et puis rien....
07h40. Un matin d’hiver particulièrement frisquet du côté de la gare de Béziers
Après une longue période de fermeture pour travaux, le bar de l’Angelus a enfin relevé le rideau.

Exit le papier peint jauni des toilettes, rafraîchie la décoration, le zinc brille comme un sou neuf et pourtant, malgré tout le détachement dont il est coutumier, Bébert, le patron, est un poil anxieux.
Pourtant, sitôt le rideau relevé, les premiers clients ne se font pas attendre, l’arôme incomparable et rassurant du petit noir de comptoir, sans doute.
Les habitués seront bien les premiers, aujourd’hui comme hier, le patron le sait qui connaît bien ses ouailles.
Premier de cordée, Dédé est déjà collé au zinc. Turfiste en fin de carrière, il trempe son croissant dans le jus d’un expresso fumant. L’oeil encore dans le zig et le zig-zag à portée de main, le geste est comme au ralenti.
Pas un mot, pas un commentaire, même pas sur la déco, voilà qui désarçonne un tantinet le patron, qu’un flair exercé pousse à astiquer le bout de zinc, au demeurant nickel, plutôt que d’affronter les sabots d’un ruminant de comptoir.
7h48. Maxime, le boulanger, pénètre l’estaminet, l’oeil pétillant et le sourire haute couture.
- Salut Dédé, ça boume ! Dis, t’as vu la rouste qu’on a pris ce week-end ?
- Non sans blague, je m’en tape de cette équipe de daube !
Maxime préfère détourner la conversation
- Qu’est-ce que tu penses de la nouvelle déco ?
- « .................... »
7h49. Filoche, chômeur en fin de droit, entre à son tour, un tantinet décalé, rapport à ses habitudes. Son oeil acéré a déjà repéré la mine déconfite de son compère de bistrot.
- Dis Dédé, tu m’as pas l’air dans ton assiette ce matin, t’as la tête d’un mec que sa rentière a fait cocu !
- Tu crois pas si bien dire !
- Non sans blague... ? ose l’animal
- T’es con ou tu le fais exprès ! se fâche Dédé
- Meeeerde !, c’est pas de veine....
- Le temps vient à bout des plus brillantes alliances ! se met à déclamer le patron, paraphrasant Flauderche, l’écrivain bien connu.
- Impossible ! la Jeanine est à Dédé ce que la sardine est à l’huile et le beurre à la raie.." s’insurge Filoche hypocritement
- T’es con, t’es très con ! lâche le Dédé, consterné
Un blanc cass’ passe.....
Bébert, qui a du métier, s’emploie à détourner la conversation...
- Moi c’est mon aîné qui débloque, il veut lâcher ses études et se trouver un boulot !
- Avec sa Maîtrise, ça devrait le faire ! lâche Filoche, qui joue le jeu
- Sa Maîtrise, pfeuuu !!!, le problème, c’est qu’il maîtrise rien, cet imbécile !
Dédé, encore plus accablé que d’habitude, a déjà décroché qui se dirige d’un pas lent vers la sortie...
- Patron ! un autre café et allume la chaufferette, je vais m’en craquer une dehors... !
Au fait, vous avez des nouvelles de Marcel ?
Et ainsi va la vie, au bar de l’Angélus
... ou si vous préférez, ainsi reprend la vie.....
43 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON