Une petite pièce dans le cochon…
C’est la Reprise !
Il était une fois un bourgeois de barrique, gentil échevin qui venait de tourner casaque, de changer de cap, de passer à l’ennemi d’hier. Chacun peut changer d’avis, c’est bien souvent la marque d’une capacité d’évolution qui n’est pas sans dommage parfois. En effet, dans ce cas, ce revirement supposa de retourner sa veste. L’homme qui depuis quelques mois semblait avoir retrouvé une seconde jeunesse tout autant qu’un penchant plus prononcé pour l’élégance, voulut que ce détail vestimentaire passât inaperçu.
Ce sont souvent d’infimes détails qui font basculer le cours des choses. Pour notre ami, il apparut bien vite que retirer l’étiquette de son veston était judicieux à la fois pour ne pas montrer ce tour de passe-passe tout autant que pour éviter de prendre une veste. Les chemins de la pensée sont souvent obscurs, ceux de l’action manquent alors de clarté. Dans un empressement coupable, le petit tailleur fit un trou à l’emplacement de l’étiquette fort malencontreusement arrachée à la va-vite.
Que faire dans pareil cas ? Les bonnes gens savent qu’en jouant de l’aiguille, non pas celle qui se trouve à l’extrémité d’un talon mais bien cet objet muni d’un chas dans lequel ne s’engouffre qu’un fil de coton, il est possible de faire des miracles. Mais voilà qu’autour de lui, les petites mains venaient à manquer. Il évoluait désormais dans un monde où les seules reprises qui soient se déroulent dans les centres hippiques.
L’échevin voulut demander conseil. Il avait encore, malgré tout quelques bonnes âmes autour de lui qui avaient su garder les pieds sur terre malgré l’euphorie ambiante. C’est l’une d’elles qui lui souffla à l’oreille ce sage conseil : « Tu n’as qu’à mettre une pièce, il n’y paraîtra plus ! ». Dans un premier temps, cette suggestion sema la consternation dans l’esprit de notre homme. Pour lui, les seules pièces qui soient sont ces magnifiques Louis d’Or qu’habituellement on offre à la Noël aux enfants sages dans sa bonne société.
La méprise comprise, sa conseillère en travaux d’aiguilles lui glissa qu’une pièce était également une petite partie détachée d’un tout ou bien un fragment ajouté à ce tout afin de faire disparaître l’orifice laissé par son départ. On ne pouvait donner définition plus claire de la chose. L’échevin se mit alors à examiner à la loupe la signification exacte de ce propos sibyllin tout en se demandant de par devers lui ce que signifiait au juste cet adjectif tiré de quelques prophétesses lointaines.
C’est alors que l’idée même de prophétie lui évoqua un souvenir cher à son cœur. Il se souvint avec émotion de ce 8 mai 2017 quand une femme dans la tribune d’honneur se mit à crier « Emmanuel Président ! ». La suite lui prouva que son intuition, en dépit de tous les pronostics d’alors allait s’avérer exact. C’est dame Brigitte qui allait repriser sa veste…
Il lui en fit la demande le jour où son époux lui glissait justement à la veste, un merveilleux petit insigne rouge. Il y avait bien une spécialité au Palais, on savait tailler des costards. Brigitte fut tout d’abord intriguée par cette surprenante requête : « Accepteriez vous de me poser une pièce ! ». Elle aussi ignorait tout de l’art de repriser, un savoir-faire ancestral, qui est si éloigné du flot des dépenses somptuaires de la dame. Elle fit mener des recherches par quelques conseillers attachés à sa personne et un d’eux lui avoua, qu’en un temps lointain, il y avait même des manants qui reprisaient les assiettes ébréchées. Cette idée lui fit horreur !
Puis, comprenant que son quémandeur avait besoin d’un petit coup de main, la dame consentit à répondre en partie à sa demande. Très amie avec Bernadette, une curieuse association d’idées lui vint en tête, preuve que ceci peut arriver aussi dans cet univers de frivolité. Brigitte s’exclama : « Puisqu’il me réclame une pièce, elle sera jaune ! » Autour d’elle, des fidèles du pouvoir la mirent en garde : « Cette couleur n’est pas très opportune par les temps qui courent » mais la dame repoussa cette remarque d’un geste méprisant. Une habitude dans le couple.
Ce fut donc l’opération « Pièces Jaunes » qui allait en partie satisfaire à la demande de l’échevin de barrique. La première dame, comprenant que ce caprice s’inscrivait dans l’optique de la prochaine campagne électorale des municipales, se dit que se faire accompagner par Didier Deschamps serait là encore un joli pied de nez à la langue. Quand elle évoqua ce parrain à son commanditaire, celui-ci ne comprit par l’astuce. Il fallut à la dame faire preuve de pédagogie pour justifier la présence des champs en pleine campagne…
C’est ainsi que fut fait. Les pièces jaunes récoltées parmi les gogos par des gens qui ne fréquentent que des millionnaires, encore fallut-il trouver réceptacle à la générosité des plus humbles. Dans un soubresaut de lucidité, l’échevin comprenant l’effort considérable que ces pauvres gens consentaient, décida de troquer sa barrique pour une tirelire. C’est là qu’il glissa le résultat d’une curieuse opération qui prouve que la soustraction pour les plus nombreux fait toujours l’addition pour quelques-uns.
Voilà vous savez tout de cette belle histoire. La suite nous dira si ce coup de pouce permettra à notre échevin de conserver un poste qui lui avait échu par simple héritage. Mais ne gageons pas l’avenir. Avec cette histoire de tirelire, il convient de n’être pas superstitieux. Des esprits retors comme votre serviteur pourraient lui rendre la monnaie de sa pièce en lui déclarant que les petits cochons risquent de le manger !
Thésaurisement leur.
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