La
vérité, hein, ça va bien cinq minutes ! J’ai pas que ça à faire : je
bosse, moi, Monsieur. Quelle drôle d’idée aussi, de vouloir nous
révéler toutes ces choses ? Qui nous a demandé notre avis ? Si on ne
veut pas savoir, on a quand même le droit : on est encore en
démocrassie, non ?
Savoir des trucs, c’est pratique. Ça évite de se faire rouler. C’est pour ça que l’information vraie, c’est bien : ça permet de repérer les mensonges, de voir les choses en face. Ça peut même sauver des vies. Dans des situations d'extrême danger, en haute montagne ou chez belle maman, ça permet de prendre les bonnes décisions.
Mais bon, l’information, c’est comme toutes les bonnes choses, hein, il ne faut pas en abuser. D’abord, c’est fatigant. Ça abime les rêves. Ça rend cynique, désabusé. Et puis s’informer, c’est chronophage, ça ne laisse pas beaucoup de temps de cerveau disponible pour d’autres activités plus intéressantes, comme le soda.
Mais surtout, ça empêche certaines personnes de faire leur travail correctement. Et quand ce travail, ça consiste à mentir toute la journée, forcément, dévoiler la vérité c’est un peu gênant. Prenez les diplomates (qui trahissent tout excepté leurs émotions, dixit Victor Hugo). Un diplomate qui ne peut plus mentir, c'est comme, heu… un homme politique qui ne peut plus
promettre.

C’est pour ça que, dans cette affaire de
Wikileaks, moi, j’ai choisi mon camp : je suis contre. La vérité, hein, ça va bien cinq minutes ! J’ai pas que ça à faire : je bosse, moi, Monsieur. Quelle drôle d’idée aussi, de vouloir nous révéler toutes ces choses ? Qui nous a demandé notre avis ? Si on ne veut pas savoir, on a quand même le droit : on est encore en démocrassie, non ?
Il n’y a qu’une chose que nul n’est sensé ignorer dans ce pays alors laissez-nous tranquilles ! Les Italiens, vous croyez qu’ils en voulaient de la vérité sur leur
Berlusconi ? Et nous alors, on n’a peutêtre pas assez de problèmes avec notre
Berluskozy ? Et Berluscoutine ? Et Blairlusconi ?
Regardez les Américains, ils sont tellement persuadés qu’ils vivent dans le meilleur système,
qu’ils ne se plaignent jamais. Normal, ils ne peuvent pas comparer : ils ignorent tout du reste du monde. Alors ils sont heureux et fiers avec un drapeau. Et plus ils ont les dents pourries, sans chômage, ni sécu, ni retraite dans un vieux mobile home et plus ils sont heureux et fiers avec un fusil :
moins ils en savent, mieux ils se portent mal.

Le bonheur, c'est pourtant simple : c'est ce qu'on ignore, par exemple :
2- que ceux qui nous dirigent, gauche, droite et apolitiques confondus, forment désormais une
véritable oligarchie qui veille avant tout à ses propres intérêts - qu'elle transmettra ensuite
à ses enfants.
3- qu'on va se prendre le mur écologique à pleine vitesse si on continue à accélérer au lieu de freiner et à
discuterau lieu de mettre nos ceintures.
Franchement, la vérité, y'en a marre ! C'est pas rigolo ! Alors vos gueules, les journalistes ! Et en taule, Wikimachin ! Tout est de votre faute et vous allez finir par nous déprimer. Oui, ils nous mentent et ils nous font les poches pour se remplir
les leurs... et alors ? C'est pas fait méchamment.
Et puis de toute façon l'argent ne fait pas le bonheur.