Fin de règne
Bientôt les obsèques, dix jours après le décès de la reine Elizabeth qui seront l’apothéose d’un long règne et d’une débauche dégoulinante de commentaires dans les médias.
Notez bien que je ne reproche pas aux médias britanniques d’avoir fait le job dans un pays ou avoir une famille royale est la règle mais plutôt à leurs confrères français en particulier les chaînes d’infos en continu qui nous ont proposé pendant des heures des « émissions spéciales ».
Pendant ces journées, plus rien n’existait dans le monde, ni la guerre en Ukraine, ni les inondations catastrophiques au Pakistan, ni les ouighours en Chine, tout cela avait disparu des unes. En France, il ne se passait plus rien non plus, sauf sur la chaîne à Bolloré qui a tout de même inséré des débats sur l’insécurité entre deux messes de commémoration pour la reine.
C’est précisément dans cet espace de deuil saturé auquel nous avons été instamment conviés que Macron a trouvé une fenêtre de tir pour nous dire que nous devrions travailler jusqu’à 64 ans : chapeau l’artiste ! La cellule com de l’Elysée a bien travaillé.
Passé le « choc » du décès et des premières commémorations officielles, nous bénéficions d’une pause relative avec seulement la queue de 10 kilomètres des britanniques qui souhaitent rendre un dernier hommage à leur reine avant les obsèques officielles qui nous vaudront des commentaires insipides comme d’habitude, comme au temps de Léon Zitrone. Rien n’a changé, pourvu qu’on fasse de l’audience.
Les médias français se sont donc Stéphanebernisés à outrance, les élèves dépassant parfois le maître es-royauté avec des « spécialistes » issus de la presse qui sert à emballer le poisson ou autoproclamés qui ont tenu contre vents et marées l’antenne en essayant, exploit impossible, de faire des commentaires intelligents sur des images fournies par la BBC où il ne se passait rien.
Nous avons eu droit à cet égard aux trajets du cercueil entre Balmoral et Edimbourg filmés par hélico où l’attention du spectateur était stimulée pour qu’il ne s’endorme pas dans son canapé ou aux défilés de chapeaux à plumes ou d’uniformes croulant sous les médailles ou les broderies défilant derrière le catafalque à « 75 pas par minutes » (précision essentielle…).
Le must pour les chaînes d’info aura tout de même été de laisser en plateau les commentateurs et analystes politiques multicartes et les faire commenter un évènement auquel ils n’étaient pas habitués.
Et comme la reine d’Angleterre ne représente rien pour le peuple régicide que nous sommes où le pouvoir royal a été transféré brutalement à des roturiers, force est de constater que l’aura de la Reine est davantage lié à l’image que s’en fait le peuple britannique qu’à un rôle quelconque dans la vie politique. De là à vouloir transférer en France la peine certainement sincère de nos voisins anglais, il y a un pas dans la bêtise qui a été allègrement franchi par nos médias qui ont perdu un peu le sens de la mesure tout en s’efforçant de commenter le vide de cette disparition dont la signification est tout sauf politique.
C’est ainsi qu’on a pu relever le vide du commentaire au travers de propos de nos commentateurs qui ont utilisé à l’envi des expressions comme « pour la petite histoire » ou « pour l’anecdote », signifiant qu’il n’y avait rien à dire d’autre sur la royale défunte. Il s’est même trouvé une « journaliste » pour parler du bilan carbone des obsèques de la Reine. C’était avant que l’on sache que Biden avec ses voitures blindées spécialement transportées par avion assistera aux obsèques accompagné de 400 officiers de sécurité…
Il s’ensuit que les chapeaux de la Reine, ses tenues colorées, ses sacs à main ou ses chiens ont meublé l’essentiel des commentaires en rappelant parfois, mais à petites touches, les scandales qui ont secoué la couronne.
Bref on nous a présenté le pitch de prochains documentaires et autres séries télévisées qui sont déjà en cours de tournage et qui feront le bonheur des chaînes comme le sont encore ceux concernant la mort de la princesse Diana dont on nous ressort encore les mystères cachés 25 ans après.
Au passage, la firme royale qui gère de près ses intérêts financiers aura touché des royalties sur tout ce qui se dit et se fait y compris sur les mugs et les assiettes kitchs et autres produits dérivés come la royale poupée Barbie que seuls les anglais savent vraiment apprécier.
A défaut de tenir un rôle politique, à l’instar de toutes les autres monarchies d’Europe, en proie également à quelques petits scandales qui font les délices de la presse people, la famille royale anglaise pourra donc toujours se prévaloir d’avoir créé le métier d’influenceur, mais sans avoir à délocaliser son activité à Dubaï.
La semaine prochaine auront lieu les funérailles officielles de la Reine mais il serait vain de croire que cela marquera la fin de cette histoire qui fera encore pour longtemps les délices des échotiers de la presse people de des médias en quête d’audience.
Il y aura sans doute d’autres hommages officiels ou non, destinés sinon à perpétuer la mémoire de la défunte du moins à faire tourner la machine à cash. On attend avec impatience la montée sur scène d’Elton John qui nous jouera « Don’t let the sun go down on me » après avoir joué « Candles in the wind » pour la mort de Diana… La boucle est bouclée.
Never complain, never explain.
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