Prison : La dernière tentation show biz à la mode
On ne compte plus le nombre de chanteurs, d’acteurs et d’écrivains qui viennent faire un tour dans les prisons. C’est le dernier charity-business à la mode.

De mémoire, je crois que c’est la prison de Rennes qui avait été la première à accueillir favorablement ce genre d’initiatives et à ouvrir ses portes à la Fédération des Oeuvres Laïques qui avait proposée ces rencontres culturelles et artistiques de nature si particulière.
C’était il y a dix ans. Un atelier de théâtre vit le jour, des projections de film se tinrent en présence des acteurs principaux et du metteur en scène. Des ateliers de poésie et d’écriture suivirent.
Dans le cadre des rencontres de la Villette qui eurent lieu en 2002, on mit en place un groupe de travail destiné à étudier les poids respectifs du travail, de l’éducation et de la culture dans la journée d’un détenu et les moyens d’en déplacer l’équilibre.
Tous les acteurs de la vie en détention étaient présents : des travailleurs sociaux, des enseignants, des artistes, la Direction Régionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, des magistrats, une Délégation au Développement et à l’Action Territoriale du Ministère de la Culture. Seul le ministère de la Justice fit faux bond au dernier moment.
A l’issue de ces tables rondes, il fut décidé de créer un observatoire des pratiques et de la diffusion culturelles en milieu carcéral afin de recenser l’ensemble des activités menées en détention de façon à établir une cartographie nationale des établissements et du rôle tenu par la culture dans leur fonctionnement.
Les formules étaient encore traditionelles. Elle s’inscrivait dans le travail de réinsertion social des incarcérés. Comme celles et ceux qui effectuaient des travaux d’intérêt général, ou d’autres qui reprennaient leurs études.
Les choses se sont un peu accélérées ces derniers temps. Tenez, pour ceux qui ne le savait pas, madame Carla Bruni Sarkozy est à la tête d’une Fondation éponyme qui a pignon sur toile. Et on n’y parle pas que des rencontres amicales entre épouses de chefs d’Etats, ni seulement des Révélations artistiques de la Fondation Lancôme (même s’il en est fortement question).
Au détour d’une page, on à la bonne surprise d’apprendre que l’épouse du chef de l’Etat s’intéresse aussi à la prison (ou fait mine de s’y interesser) puisque son site y consacre un dossier. Une artiste plasticienne a été convié à animer une trentaine d’heures d’atelier de sculpture à la maison d’arrêt pour femmes de Versailles à la demande de la Fondation et de l’épouse du président.
En juillet-août de cette année, c’est Yannick Noah qui s’y colle en offrant une série de concerts en prison tout l’été. Ces show-cases carcéraux ont débuté le 19 juillet.
Sans doute par provocation, Noah a nommé ces déplacements, « Le Carcéral Tour ». Il propose 8 concerts différents qui l’emmènera de la Centrale de Poissy à Bapaume près de Lille, en passant par les Baumettes. Le Parisien fait un reportage sur Poissy et décrit une atmosphère conviviale et assez chaude. Avant lui, Sandrine Bonnaire avait présenté son dernier film, Grand Corps Malade et I Muvrini, avaient donné également quelques récitals.
L’idée n’est pas mauvaise. Les prisons incarnent un lieu obscur, un endroit dénié de nos sociétés industrielles. Ce qui donne la mesure de cette mise à l’écart, c’est précisément la charge symbolique qui enveloppe la perception et la représentation de l’univers carcéral : la prison est massivement synonyme d’exclusion et de réclusion. Elle est aussi l’emblème de toute discipline portée à son paroxysme. La culture est toujours le meilleur remède contre la violence et contre l’acculturation même.
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