Un célèbre inconnu (5)
Aristide Padygros ? C’est quoi ?
Un groupe musical franco-suisse, 6 suisses et un français, moi en l’occurrence...qui donnait dans ce que l’on pourrait qualifier de « folk Monty Python... »
Je vous raconte…
après avoir quitté ma place de dessinateur projeteur architecte, je m’orientais vers la chanson, (activité que je pratiquais depuis longtemps, y compris en dessinant), en me rendant à la Maison de st Gervais, à Genève, sorte de centre culturel…
tous les mardis se tenait un hootnanny, espèce de scène ouverte ou tout le monde pouvait s’exprimer, en parole, chanson, ou simplement musique, le temps de 3 prestations, avec possibilité de remettre ça après l’entracte.
Ces soirées étaient animées par René Zosso, un vielleux qui arpentait tous les domaines, celui du moyen age, le répertoire actuel, allant même jusqu’à s’aventurer dans la musique contemporaine. Lien
un beau jour, René me passa le flambeau, me donnant l’occasion de me rapprocher encore plus des différents artistes qui animaient régulièrement ces soirées.
très vite, j’en repérais quelques uns, d’autant qu’ils m’accompagnaient souvent lors de mes passages sur scène...ainsi naquit Padygros. lien
Ce nom est fait des premières lettres de chaque prénom...(le S pour Steve, un anglais qui vivait en Suisse, et qui nous a accompagné un temps...)
je suis le 3ème en partant de la gauche...
Au delà de mes chansons, le folk nous attira rapidement, le jouant à notre guise, sans trop de respect pour la forme, mêlant parfois des créations, pour lesquelles nous faisions croire au qu’elles venaient d’un coin reculé de la basse Auvergne, ou du canton d’Appenzell…
j’ai même piégé mes collègues du groupe, car lors d’un festival à Chapeau Cornu, j’ai inventé une mélodie, leur faisant croire qu’un paysan du coin me l’avait chanté... : « la valse de chapeau cornu ».
Il nous arrivait même de temps à autre de glisser dans notre répertoire une chanson de Sylvie Vartan, ou d’Eddy Mitchell, modifiant à notre guise les paroles...le Québec, la Louisiane restant quand même très présents.
Ainsi nous furent les seconds à donner sur scène le fameux « travailler c’est trop dur »...en 1976...après l’avoir entendu chanter par « grand-mère funibus » un merveilleux groupe folk français. Lien
à noter que Julien Clerc la chanta aussi, mais bien plus tard, en 1978…
Notre premier disque fut enregistré en 1973 du coté de Lausanne, un « direct », avec le chœur mixte de Commugny. Lien
à cette époque, j’avais rencontré Guy Pédersen, un fameux contrebassiste français, qui fut l’accompagnateur de Baden Powel, dont il existe d’étonnants enregistrements. Lien
Il avait aussi joué avec, les swingle Singers, Claude Nougaro, Chet Baker et tant d’autres. lien
Notre rencontre fut assez originale : je me produisait pour quelques chansons, avec mon groupe Padygros, sur la scène d’une petite MJC d’Annecy, en première partie d’un chanteur nommé Patrick Abrial, accompagné par Guy Pedersen...et à la fin du tour de chant d’Abrial, alors que celui-ci attendait un éventuel rappel, il eut la déconvenue d’entendre le public rappeler « Padygros, Padygros.. !. »
En fin de soirée, Pedersen vint me voir, me demandant si j’avais déjà enregistré, me proposant d’aller à Paris pour voir ça de plus près...
il produisit mon premier disque en 1973 un 45 tours en collaboration avec CBS, « le char d’assaut / la bouffe ». lien
dans la foulée, il produisit aussi en 1974 notre premier LP français, sous le label « Cornélia production » (c’était le prénom de ma copine d’alors)…suivi en 1976 par le 33 t « le mouchoir », et enfin , en 1977, notre disque « en concert »...alors que nous passions plusieurs fois de suite aux « faux nez », cabaret Lausannois...lien
le succès étant au rendez-vous, nous allions écumer les scènes de France et de Navarre, passant les frontières ...Belgique, Allemagne, et Suisse bien sur.
Le premier Paléo festival (1976) nous invita devant plus de 17000 spectateurs... il accueille aujourd’hui des centaines de milliers de festivaliers. lien
À noter aussi notre prestation lors du premier festival de Sapinhaut, (1974) duquel fut tiré un film. Lien
Il y eut aussi le festival de Cazals, en 1975, qui accueillit près de 15000 spectateurs...lien
Je suis à gauche sur la photo, tout en blanc (festival de Cazals)
N’oublions pas le festival de Mamirolles, en 1976 où nous étions invités, et qui fit l’objet d’un double 33 tours dans lequel on peut entendre le groupe au complet et moi dans la chanson « si j’avais... », accompagné par le groupe. lien
Tout allait bien jusqu’au jour où un réalisateur de TV suisse, Christian Liardet, nous proposa, sur ma suggestion, de réaliser un long métrage, « Padygros show » pour la rose d’or de Montreux, pour lequel nous étions totalement libres, on nous fournissait tout : cars, caméras, techniciens, budget quasi sans limite…lien (page 4)
ça fit tourner la tête à une partie du groupe, qui, par peur de rater une occasion unique, voulaient tout préparer, tout écrire d’avance, oubliant nos capacités d’improviser, nos complicités, capables de créer des situations cocasses, des happenings...bref, à 3 voix contre 4, mes objections furent balayées, et comme je m’y attendais, ce fut un naufrage…
je me souviens d’une soirée à Annecy, où spontanément, le public se mit à danser, improviser une farandole, qui les mena, pour ceux qui le pouvaient, à monter sur scène : le bruit de leur pas sur le plancher du plateau se réverbérant dans les micros par le biais des pieds de ceux-ci, ils couvrirent rapidement nos instruments, et en un clin d’œil mes comparses jouant de moins en moins fort, s’éloignant des micros, les danseurs ne s’en rendant pas compte, dansaient finalement au seul bruit de leurs souliers…
mais pour le long métrage, une partie du groupe préféra mettre sur papier les sketches...grave erreur, car ce qui peut paraître drôle en le décrivant ne l’était finalement plus du tout après réalisation...
ne me retrouvant plus dans cette nouvelle conception, je démissionnais, quittais la Suisse pour le Dauphiné, leur laissant le nom du groupe, et faire ce qu’ils voulaient... comme je le craignais, le public abandonna peu à peu ce spectacle, et de mon coté, je repris mes clics, et mes claques, de l’autre coté de la frontière.
Je me souviens de la première critique d’un journaliste du journal « la Suisse », Maxime Chatenay en l’occurrence, qui écrivit lors du premier spectacle après mon départ : « les Padygros en toute petite forme (...) dommage qu’Olivier Cabanel, soit allé chercher son oxygène ailleurs »
c’est le même journaliste qui écrivait, lors de notre passage à Nyon (Paléo Festival) : « heureusement la clôture a appartenu aux croustillants Padygros, qui comptent parmi ceux qui ont mieux compris la démarche folk et savent se marrer comme des petits fous dans un grand délire rigolard et communicatif ».
Mais ceci est une autre histoire…
Gérard s’est recyclé à la TV suisse romande, (lien) tout comme Alain (lien), Pierre-André est peintre, après avoir été comédien, (lien) et je ne sais pas ce que sont devenus Robert, ni Daniel...Yves, après avoir été luthier, est décédé en 2006.
Comme dit mon vieil ami africain ; « même s’il n’y a pas de coq pour chanter, le soleil se lèvera ».
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
la photo illustrant l’article vient de l’illustré
Olivier Cabanel
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