Accusé Domenech, levez-vous !
Pas facile d’être le sélectionneur officiel d’une équipe qui en compte 60 millions d’officieux. Le fiasco de l’Euro est là pour le prouver. Les jours qui viennent s’annoncent particulièrement douloureux pour le sélectionneur. Le procès est ouvert.
Avant d’attaquer mon réquisitoire, je tiens à dire que le lynchage d’un homme sur la place publique est scandaleux. Surtout que celui qui s’annonce va se faire entièrement à charge, avec des « arguments » qui vont parfois friser l’indécent (allez faire un tour sur les forums internet pour en avoir la preuve).
Ma démarche ici, celle d’un amoureux de l’équipe de France, est d’analyser le plus sereinement possible les raisons d’un fiasco. Sans tirer à boulet rouge sur un bouc émissaire tout trouvé. Oui, Raymond Domenech a une grande part de responsabilité dans la déroute des Bleus. Non, ce n’est pas l’ahuri-idiot-incompétent responsable de tous les maux des Français.
Éléments à charge
Le sélectionneur des Bleus, depuis quatre ans, s’est rendu coupable de faire de l’équipe de France une formation ultra-défensive. On a gagné de cette manière en 1998. On est allé en finale en 2006 de la même façon. Sauf que, cette année, un certain Zidane n’était plus là. Et que, surtout, des arguments offensifs de grande valeur ont émergé depuis deux ans (Ribéry, Benzema). Parallèlement, notre base arrière a faibli. L’équilibre devenait donc inévitablement bancal. C’était une première erreur.
Ensuite, il y a les joueurs non sélectionnés. Le cas Méxès est symptomatique. Les Bleus ont explosé défensivement en laissant à la maison l’un des meilleurs défenseurs d’un championnat réputé pour sa rigueur légendaire. Étonnant. Comme la gestion du cas Vieira. Qui n’aurait sûrement pas joué, ou très peu, même en cas de parcours triomphal. On s’est donc amputé nous-même d’un 23e joueur. Plus qu’étonnant.
Le coaching du sélectionneur a aussi été par moments plus que douteux. L’entrée en jeu de Gomis contre les Pays-Bas est très contestable. A côté de cela, on se passe de la rentrée de Benzema, sans doute notre attaquant le plus dangereux, qui, entre la « punition hollandaise », a été titularisé à chaque fois. Dans une moindre mesure, son coaching lors du match contre l’Italie reste contestable, à défaut d’être scandaleux.
Il y a ensuite le manque de certitudes de Domenech qui interroge. Il a installé son 4-4-2 quasi perpétuellement depuis deux ans avec 9 à 10 titulaires incontestables. Et il a suffi d’un match contre la Roumanie pour changer de système. Pour y revenir contre l’Italie. Mais avec cinq intouchables (Sagnol, Thuram, Malouda, Abidal, Ribéry) dehors ou à un autre poste. On ne peut pas lui reprocher d’avoir bougé des hommes ou un système qui ne fonctionnait pas. En revanche, on avait deux ans pour préparer un plan B sereinement. Cela a plus ressemblé a un plan Orsec précipité et inéluctablement défaillant.
Enfin, on peut reprocher au sélectionneur national d’avoir complètement fermé son équipe de l’extérieur. C’est essentiel de vivre serein et en vase clos pour réussir. Mais la dose a été trop corsée. Cela a coupé les Bleus d’un véritable élan populaire. Et surtout cela a généré un climat de quasi-suspicion autour du groupe qui s’est fissuré au fil de la phase de poule.
Maintenant, Raymond Domenech n’est sûrement pas l’unique responsable.
Éléments à décharge
Le niveau des joueurs était défaillant. Le meilleur entraîneur du monde ne gagne pas un Euro avec des joueurs fatigués et sortant d’une saison douloureuse. Alors, certes, Thuram, Sagnol, Henry, Gallas, Malouda, Abidal, etc., auraient pu ne pas être pris. Mais imaginez le tollé général en cas d’absence de plusieurs de ces joueurs.
Peut-être aussi que les joueurs français sont moins bons que les autres. Sûrement même. Le temps de l’Euro 2000 et de notre équipe de légende, l’une des meilleures de tous les temps, est révolu. De meilleurs que nous ont gagné. C’est triste, mais c’est le sport.
Ensuite, Domenech s’était insurgé très tôt dans la saison de la date de la finale de la Coupe de France, qui a eu lieu le 24 mai. Cela a amputé d’une semaine la préparation physique, clé majeure de notre parcours en 2006. Là-dessus, il a sans doute eu raison de monter au front. Comme, plus généralement, de dénoncer les cadences de plus en plus infernales du foot business au cours de son mandat.
Enfin, je finirai par le rôle de la presse. Domenech reste celui qui a viré les anciens en 2004. Ces mêmes anciens qui sont revenus d’eux-mêmes en 2005 pour emmener la France en finale en 2006. Ce que les médias ont occulté c’est que les anciens sortaient d’Euro 2004 aussi catastrophique que celui de cette année. Domenech a peut-être eu l’intelligence de les laisser souffler un an, de les laisser prendre du recul, et de les rappeler au bon moment. Sauf que la presse, ce n’est pas nouveau, a pour objectif principal de désintégrer le sélectionneur en place. Il y en a eu avant, il y en aura après. Deschamps ou un autre le connaîtra bientôt.
Cette presse, donc, a eu un rôle, peut-être infime, mais un rôle certain dans la déroute. « On a gagné, ils ont perdu ». Beau credo.
La presse dénonce en 2004-2005 l’absence des anciens, condamne fermement leur présence en 2008. La presse réclame le remplacement de Malouda après la Roumanie. Elle l’obtient. Celui de Thuram et Sagnol après les Pays-Bas. C’est chose faite. Que demande le peuple ? Rien d’autre. Ah, si. Au lendemain de la défaite contre l’Italie, certains s’étonnent de la rentrée de Nasri au lieu de Malouda, et de celle de Boumsong au lieu de Thuram. Bref, nos journalistes n’ont pas beaucoup contribué à la stabilité du bateau bleu.
Mais, surtout, ils ont une vraie responsabilité dans la fissure de l’unité du groupe. Face à la vie cachée des Bleus, il fallait bien vendre du papier. En n’ayant rien à se mettre sous la dent, on colporte des ragots plus ou moins fondés sur l’éclatement du groupe et/ou on se réfugie dans la critique systématique et unilatérale. C’est dommage.
Alors, oui, Raymond Domenech est responsable du naufrage français lors de cet Euro. Mais, non, il n’est pas le seul. Loin de là. Messieurs les jurés de la FFF, à vous de juger…
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