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Accueil du site > Culture & Loisirs > Sports > Aikido : Voyager loin des mirages, penser loin de l’illusion

Aikido : Voyager loin des mirages, penser loin de l’illusion

Beaucoup d’entre nous ont en tête une pratique idéale. Elle se situe la plupart du temps entre désir de beauté gestuelle et désir d’efficacité. Un imaginaire sans doute légitime mais bien loin de la réalité simple et du sens, éléments pourtant incontournables d’un art « raisonné ».

Faute de mieux, notre voyage à travers les Budô s’organise à partir d’une agence plus ou moins bien intentionnée où l’on trouve, par ordre d’importance commerciale : le séjour en village de vacances proche des mirages du désert puis le circuit « découvertes » riche en sensations frelatées.

 Infiniment plus rare sera le voyage d’aventure « personnelle » voire l’Expérience, comme disaient nos aînés des années soixante. Plus laborieux, difficilement accessibles, certes, ils n’en demeurent pas moins les seuls à devoir être tenté.

Mais il convient d’abord de pointer du doigt ce qui nous est généralement proposé. Et qui s’est malheureusement imposé au fil des années comme le seul chemin possible vers une « connaissance ». De bazar.

ETENDUES SAUVAGES

Si le Doshu - jusqu’ici de la lignée Ueshiba - est le garant du répertoire technique, distribuant quotidiennement dès potron minet ce qu’il convient de savoir formellement aux courageux qui « se lèvent tôt » à Tokyo, d’autres, par delà les mers, ont sauté à pieds joints pour rentabiliser cette liste somme toute réductrice.

Non contents de limiter la pratique à un pré carré dont nul ne sait vraiment mesurer la superficie, ces « gentils organisateurs » ont également choisi de la figer dans le béton adoré par tous ceux qui détestent le prétendu vide des étendues sauvages.

Ainsi, sous prétexte d’un fallacieux « qui peut le plus peut le moins » et d’une encore plus trompeuse « contrainte maximale », l’intention de Uke qui doit présider à toute mise en œuvre « Aiki » se retrouve tuée dans l’œuf. Le sens de l’attaque avec.

Et quand il est permis, enfin, à Uke de s’exprimer un tant soit peu, ce dernier est perdu dans le mirage qui le conduit à jouer les toutous sages et dressés afin de ne mettre personne, à commencer par l’enseignant voire le Sensei, dans l’embarras de l’impossibilité de solutionner une attaque « raisonnée ».

Le système marche à la perfection car tous n’ont de cesse que d’exagérer, remplaçant le sens et la réalité du Budô par un « pré supposé », illusion qui vole à l’attaquant l’acuité de sa volonté et, par voie de conséquence, la juste réponse de Tori.

KIPLING ET FRANKENSTEIN

Et pour cause : il est imposé que tout doit toujours fonctionner à la perfection, que le droit à l’erreur n’existe pas. Que l’« Aiki Do » serait la panacée martiale universelle. Qui peut y croire sans rire ? Sans doute pas un combattant Tchétchène de 120 kilos …

Un imaginaire a donc pris le pas sur la réalité, malgré les alertes de Kipling (« Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître »). Visiblement, le fait ne dérange personne ou ceux qui le relèvent sont pourchassés comme le monstre de Frankenstein.

De fait, nous assistons à une dégradation exponentielle du niveau due à la disparition du sens des Budô.

Pourquoi ? Car toute réussite de voyage passe par la connaissance et la maîtrise des étapes, des points de contrôles obligés. Du moins lorsque l’on quitte l’autoroute pour aller à la rencontre de la réalité du paysage. Dès lors, l’erreur de parcours peut devenir enrichissement. L’occasion d’« élargir son champs de vision » comme disait Osawa Sensei (père).

Hors, ces points, traditionnels dans l’Aiki originel, ont fini par être totalement oubliés et mis de côté. J’ai entendu un jour un « enseignant » français, aujourd’hui au grade le plus élevé dans l’Hexagone, dire crânement : « si Ô Sensei passait maintenant un grade, il ne serait pas sûr d’avoir son premier dan ».

En serait-il troublé d’ailleurs ? Car si le sens des Budô, sans avoir disparu, se trouve à présent bel et bien occulté aux yeux du grand nombre tandis que la justesse de son évaluation est devenue une vue (étroite) de l’esprit.


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8 réactions à cet article    


  • Detoxinfo.fr Detoxinfo.fr 26 janvier 2013 18:42

    Je confirme, un tchétchène de 120 kilos ne se laisse pas manipuler ! Seul les chars russes ou les tirs de Katiouchas peuvent le faire reculer. Et encore pas les copains de Doudaiev ....


    • Satournenkare Satournenkare 26 janvier 2013 18:52

      Bonne analyse que je partage, par contre l’écriture est hermétique et je crains que peu de gens puisse comprendre et ce même parmi les aikidokas. Il en est de même pour la notion de « uke soku seme, seme soku uke »


      • Satournenkare Satournenkare 26 janvier 2013 19:10

        Il aurait aussi pu être intéressant de parler de l’évolution de la pratique de O senseï dans le temps en relation avec les différentes formes de pratiques actuelles


      • Denis Thomas Denis Thomas 26 janvier 2013 19:21

        Pas d’impatience, la pratique, ses origines (très lointaines, en partant du Daito Ryu et des métthodes qui l’ont précédé) seront traitées ici si cela vous intéresse.
        J’ai publié sur le site de mon ami Olivier Gaurin (www.oliviergaurin.com) un article intitulé « le grand chaudron du fondateur » qui pourra vous donner des éléments. Je fais partie de ces très rares personnes à l’avoir vu. Et j’ai été pendant six ans le deshi de son fils.


        • amipb amipb 26 janvier 2013 20:14

          Merci Denis pour cette analyse que je partage.

          J’aime toutefois toujours beaucoup dans l’Aïkido l’absence d’esprit de compétition.

          Dommage que les passages de grades soient toutefois devenus aussi importants. Et quand on voit ce que certains en font (Steven Seagal pour ne pas le nommer, par exemple)...


          • easy easy 26 janvier 2013 20:28

            Cet incipit (puiqu’il paraît qu’il y aura une suite) me semble bien fumeux et peu parlant 

            Je vais donc dire deux mots à ceux qui n’ont jamais vu cette chose de près.

            Sans aucun complexe, je vais zapper tout mysticisme pour en venir à un fait flagrant.

            On pourrait certainement relever bien des choses de cet art martial, toujours sur le plan très pratique. Pour ma part, ce que j’ai relevé de plus clair et de plus facile à raconter c’est le concept de déplacement, surtout lorsqu’on a été saisi, mettons au poignet

            Un gus nous saisit le poignet et que faisons-nous sinon tirer dessus en le ramenant vers nous ?
            Le résutat de ce tiré vers soi n’est pas bon puisque celui qui nous a chopé le poignet s’attend très parfaitement à ce geste de notre part et il fait ce qu’il faut en conséquence, il serre fort.

            Et bien l’aïkido est génial en ce qu’il nous apprend à réagir différemment et c’est très efficace

            Faites donc le test avec un pote ou un conjoint (mais lentement)
            Il vous saisit le poignet gauche de sa main droite.
            Ne tirez pas du tout dessus mais déplacez-vous (en pas glissés si possible) sur son flanc D (tout en restant donc très près de lui) 
            Il y aurait d’autres détails à ajouter pour parfaire l’opération mais déjà votre agresseur (qui est resté planté au même endroit), se retrouve avec la main D qui forme un angle fort par rapport à son bras. Au lieu d’avoir sa main dans le prolongement de son bras, il se retrouve avec son poignet cassé et aussi avec son bras D ouvert.
            Il persiste à ne pas lâcher, il s’efforce de serrer encore voire plus.
            Or il est impossible de serrer fortement alors qu’on a la main désalignée.

            Alors que nous n’aurons jamais cherché à récupérer notre main, nous voilà tout contre son épaule Gauche et notre agresseur a déjà mal à son poignet. Il suffit alors de deux détails de gestes de plus pour qu’il subisse une forte torsion. Il devra alors se rouler au sol pour se dévisser.

            C’est en exploitant ce principe dans lequel celui qui nous saisit se retrouve en torsion uniquement parce qu’il persiste à nous tenir que nous pouvons le trimballer où nous voulons.
            Il aurait le réflexe de nous relâcher immédiatement, il échapperait à notre torsion. 

            Selon les cas, nous aurions même avantage à utiliser notre main libre pour envelopper la sienne, pour la maintenir sur notre poignet, pour l’empêcher de nous lâcher


            Etant entendu qu’on peut prendre l’initiative de saisir l’ennemi par quelque bout et le mettre en torsion, toujours sans engager de force, uniquement parce qu’on se sera déplacé autour de lui.

            Ce n’est pas en restant planté que je vais bien tordre le bras de l’ennemi que je viens de choper parce mon bras sera aussi tordu que le sien. Je vais mieux tordre son bras (et l’obliger à s’abaisser pour soulager la torsion) en le saisissant puis en me vissant autour de lui tout en conservant mon bras en bonne position.

             

            Le grasping reflex que nous avons bébé, des chasseurs l’exploitent pour choper des singes. 
            Ils installent une sorte de cage de bambou avec un passage de petite main et y placent une banane. Plus tard, un singe passe par là, il voit le passage, il y glisse sa main, il chope la banane mais son poignet devenant gros, il ne peut pas retirer sa main. Comme il ne lâche pas la banane pour s’enfuir, on vient le prendre tranquillement pendant qu’il hurle sa mère.



            Bon bin, je vais me faire gronder par le maître, je cours me planquer




            • Satournenkare Satournenkare 27 janvier 2013 20:24

              2 questions :

              -votre analyse est elle valable pour des maitres comme Saito, Hirokazu Kobayashi ou Koichi Tohei ?
              -que pensez vous de ceci : http://www.aikidotakemusu.org/fr/articles/lettre-ouverte-laikikai ?

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