Catch américain : Poutine, le scénario de trop ?

Depuis plusieurs semaines, la WWE met en scène un personnage russe pour le moins brutal et expressif : Alexander Rusev (incarné par le lutteur Miroslav Barnyashev). Physique imposant, visage fermé, allure martiale, Rusev a tout du stéréotype russe lié à l’imaginaire collectif américain et plus largement occidental. Rajoutez à cela une musique de régiment soviétique et une annonceuse de ring digne d’une Lucrèce Borgia et vous obtenez cette figure de fervent patriote – nationaliste ? – russe.

Dimanche dernier qui plus est, à l’occasion de son pay-per-view Extreme Rules, la WWE a imaginé une entrée très évocatrice pour sa nouvelle recrue. Rusev a en effet rejoint le ring sous un écran géant diffusant une vidéo dans laquelle apparaissaient successivement le Kremlin puis le visage du président russe, Vladimir Poutine. Ce dernier, décrit plus tôt par l’annonceuse de l’athlète comme l’« homme à qui (Rusev) allait dédier son match » a même été caractérisé, sourire aux lèvres, d'« homme le plus puissant au monde ».

Dès lors, dans le cadre des événements en Ukraine, comment interpréter ce choix stratégique de la WWE dans la scénarisation de son programme de divertissement sportif ? Erreur d'approche ou caricature comme une autre ? Des questions se posent quant à cet athlète controversé.

Si certes la WWE a l’habitude de présenter à ses spectateurs des personnages tournés en dérision, à l’image de l’Italien farceur Santino Marella, du guerrier celte Sheamus ou encore du grand patriote américain Jack Swagger, le choix de mettre en avant un combattant disciple du président russe parait discutable. Face à une crise profonde en Ukraine où les tensions sont palpables entre la Russie, l’Europe et les Etats-Unis, il semble surtout maladroit d’associer l’image de Rusev à l’autorité d'un homme comme Vladimir Poutine. Certains peuvent par exemple s’offusquer du profit commercial réalisé par la WWE sur un contexte d’une telle gravité mais aussi du manque de respect vis-à-vis des familles des victimes des violences générées par le conflit.

Néanmoins, d’autres peuvent au contraire se réjouir de ce nouveau personnage stéréotypé. La WWE est particulièrement reconnue aux Etats-Unis en tant qu'entreprise active dans le soutien à l’armée américaine, comme en témoigne le programme Tribute To The Troops (« Hommage aux troupes ») organisé chaque fin d’année sous la forme d’un gala en l’honneur des soldats du pays. On peut ainsi comprendre davantage la volonté de la WWE de montrer son soutien aux Etats-Unis dans cette situation diplomatique tendue. Cette parodie serait un moyen de galvaniser de façon humoristique le peuple américain. Et cela ne semble pas lui déplaire lorsque l'on écoute attentivement les chants des fans de la WWE lors de la plupart des galas, et particulièrement après les prestations de Rusev : « USA ! USA !  » a t-on pu entendre résonner dimanche dans une salle indignée à la vue du portrait de Poutine.

Entre blâme et soutien, la WWE navigue donc en eaux troubles avec Alexander Rusev. Mais la compagnie assume la carte humoristique de son personnage : ce lundi, lors de son show hebdomadaire Monday Night Raw, les spectateurs ont pu entendre un nouvel éloge du président russe mais également... d'Edward Snowden !

Crédit photo : WWE.com