Copa 2014 : Le summum de la corruption est-il déjà atteint ?
A deux ans et demi de la prochaine coupe du monde de football, les médias se déchaînent peu à peu contre la tournure que prennent les évènements. Entre bagarres et rivalités, travaux en retard et corruption banalisée, les doutes se multiplient quant à la capacité du Brésil d’organiser la grande messe du sport avec sérénité.
En 2007, lorsque la FIFA désigna le Brésil comme organisateur de la coupe du monde 2014 (je vais utiliser le c minuscule pour coupe, ça ne mérite pas mieux), beaucoup se demandaient comment le Brésil allait s’en sortir pour réaliser un projet de cette ampleur sans tomber une fois de plus dans les filets de la corruption.
En ce début 2012, au contraire d’une marque de lessive qui lave plus blanc que blanc (!), il semble bien que le Brésil, ou tout du moins la clique qui s’occupe de la réalisation de la copa 2014, est en train de ₺laver₺, de plus en plus, plus noir que noir...Clique veut dire : CBF (Confederação Brasileira de Futebol), les autorités publiques (fédérales, des états, locales), les entreprises de construction concernées et les investisseurs institutionnels.
Je me souviens de ces journalistes d’une chaîne sportive câblée qui émettaient des voeux pieux tels que : espérons que l’organisation de la coupe se fasse avec responsabilité, que ce soit la coupe de tous les Brésiliens (parce qu’aujourd’hui, il parait que c’est la coupe de la CBF), que tout le monde en bénéficie par le biais d’investissements dans les infrastructures (éducation et santé en priorité), que cette coupe donne l’impulsion finale pour le pays être reconnu par ses pairs comme un pays développé...etc.
Depuis lors, ils ont désenchanté, tout comme le peuple brésilien qui doit se sentir floué une fois de plus.
Commençons par le prix des stades. En dessous, on peut voir le coût estimé des 12 stades (pourquoi 12 et pas 8 ?) :
ville |
stade |
capacité |
type travaux |
Coût Millions € |
São Paulo |
Itaqueirão |
65 000 |
nouveau stade |
467 |
Rio de Janeiro |
Maracana |
76 000 |
réforme |
480 |
Belo Horizonte |
Mineirão |
69 000 |
réforme |
325 |
Curitiba |
Arena da Baixada |
42 000 |
réforme |
96 |
Porto Alegre |
Beira-Rio |
60 000 |
réforme |
118 |
Manaus |
Arena Amazônia |
44 310 |
nouveau stade |
233 |
Fortaleza |
Castelão |
66 000 |
réforme |
212 |
Natal |
Estádio das Dunas |
45 000 |
nouveau stade |
175 |
Cuiabá |
Arena Pantanal |
43 600 |
nouveau stade |
149 |
Fortaleza |
Castelão |
66 000 |
réforme |
197 |
Recife |
Arena Pernambuco |
46 000 |
nouveau stade |
232 |
Salvador |
Fonte Nova |
65 000 |
réforme |
258 |
Brasilia |
Mané Garrincha |
71 000 |
nouveau stade |
293 |
A comparer avec deux exemples européens :
ville |
stade |
capacité |
type travaux |
Coût Millions € |
Torino |
Juventus Arena |
41 000 |
nouveau stade |
122 |
Mainz |
Coface Arena |
34 000 |
nouveau stade |
59 |
A voir ces chiffres, on pourrait croire que la main d’oeuvre est beaucoup plus chère au Brésil ainsi que les matières premières ! C’est d’ailleurs ce les autorités brésiliennes vous diront. C’est comme le prix des voitures (voir un précédent article). L’exemple du Maracana est assez éloquent. Le stade en est à sa 3e réforme en 10 ans et le prix de la réforme actuelle correspond à quatre fois le prix du (très réussi) nouveau stade de la Juventus. Bien sûr, le financement de l’Arena Juventus est privé alors que celui du Maracana est public...
Autre exemple très révélateur, c’est São Paulo. Au début, le stade du Morumbi avait été choisi. Il suffisait de le réformer pour en faire un stade 5 étoiles mais la gué-guerre d’influence entre présidents de clubs, CBF et autres entités politiques ont conduit à l’éviction des installations du São Paulo FC pour la construction d’un nouveau stade au profit de club des Corinthians. En 2010, on évoquait un investissement de 230 Millions d’euros, aujourd’hui, on en est déjà à plus de 467 Millions d’euros. Et ce n’est sans doute pas fini vu l’impunité qui règne au Brésil.
On peut multiplier les cas douteux comme le cas de Porto Alègre où les travaux de réformation sont arrêtés depuis juillet de l’an passé pour cause de manque de garanties de la part de la société responsable des travaux (Andrade Gutierrez pour ne pas la nommer).
Mais la coupe 2014 ce n’est pas que les stades de football. Ceux-ci ne sont que la partie immergée de l’iceberg. Lorsque le Brésil s’est vu confier l’organisation de l’évènement, il s’est engagé à améliorer drastiquement les infrastructures aéroportuaires, portuaires, routières et hôtelières. Et dans ce domaine, les retards sont tels que le secrétaire général de la FIFA Jérôme Valcke a déclaré la semaine passée que le Brésil avait besoin d’un coup de pied dans le derrière pour faire avancer les choses. La réaction des autorités brésiliennes est stupide : ₺Nous ne voulons plus de Jérôme Valcke comme interlocuteur₺ déclarait ce samedi le ministre des sports Aldo Rebelo. N’empêche que la situation est actuellement catastrophique dans les principaux aéroports du pays pour les autochtones, on peut imaginer le chaos dans deux ans si les réformes ne sont pas conclues à 100 %, et encore...Ne parlons même pas des routes. À part l’état de São Paulo, l’infrastructure routière est pire que celle d’un pays en voie de développement, type Pakistan !
Enfin, les exigences de la FIFA (entité reconnue comme corrompue par tout le monde sauf elle) sont telles que le gouvernement brésilien devra instaurer une loi spéciale (Lei Geral da Copa) pour la coupe du monde qui, selon certains, sera une loi de régime spécial souvent en contradiction avec les lois en vigueur dans le pays. Cette loi traitera des privilèges exigés par la FIFA dans le cadre de l’épreuve comme le prix des entrées, modalité des visas d’entrée pour les compétiteurs et touristes, exclusivité du marketing et de la transmission des matches, jusqu’à des modifications du système judiciaire en vigueur au Brésil (peut-être une amnistie spéciale ₺FIFA₺ pour les touristes en mal de prostitution infantile et les pédophiles ?). Cette loi sera probablement votée en mars, mais ce qui chatouille les élus au congrès, c’est la vente de bières dans les stades dans les stades (la bière officielle de la copa 2014, vous connaissez ?). C’est interdit depuis 2003 au Brésil, pour contrer la violence... Les Brésiliens voudraient aussi maintenir le régime de billets à moitié prix pour les étudiants et les personnes âgées, la FIFA ne veut pas !
On le voit, ça se chamaille à tout va entre les différents protagonistes de cette pénible histoire. Mais soyez certains qu’ils ont tous le même objectif : rafler la plus grosse part du gâteau possible.
Comme l’écrivait un journaliste d’ESPN dans son blog, cela s’apparente plus à une guerre de gangsters. Ma foi, il a probablement raison, mais entre gangsters, il y a toujours moyen de s’arranger, non ?
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