Faut-il diffuser les jeux paralympiques ?
C’est un débat qui revient chaque année où se produisent les jeux paralympiques, à l’ombre des jeux olympiques. Nés de l’idée originale de Sir Ludwig Guttmann, médecin neurologue, en 1948, les jeux paralympiques sont au départ destinés à la réhabilitation, par la pratique du sport, des vétérans et victimes de la Seconde Guerre mondiale devenus paraplégiques. Depuis, ils sont étendus aux sportifs atteints de handicap toujours plus variés (tétraplégiques, paraplégiques, séquelles neurologiques assimilables, amputés et assimilés, infirmes moteurs cérébraux, grands handicapé, non-voyants et malvoyants) mais soufrent désespérément d’une couverture médiatique limitée. Dès la fin des jeux olympiques, réservés aux athlètes « valides », la plupart des journalistes plient bagage.
Pour de nombreux médias, on évoque des contraintes budgétaires. Tout avait été organisé dès le départ pour que le séjour des reporters sur-place ne dure que le temps des épreuves olympiques. Et pourquoi ne pas avoir prévu un budget qui couvre l’ensemble des deux évènements sportifs ?
L’audimat.
Auditeurs et téléspectateurs ne suivraient pas et on y perdrait en recettes publicitaires. Et pourquoi les téléspectateurs ne veulent pas suivre avec le même intérêt que pour les jeux olympiques ? On touche au cœur du problème.
Tout d’abord, le téléspectateur fait ce qu’il veut avec sa télécommande. Si un programme se fait systématiquement zapper, il faut soit le sponsoriser soit prendre acte de l’absence d’intérêt pour le public.
On devrait peut-être rechercher l’explication dans des considérations d’ordre « psychologique ».
Le sport suppose, à tort ou à raison, un corps en forme, engagé dans le combat pour repousser les limites des capacités physiques ordinaires. Un a priori sûrement exagéré, mais bien réel ; et il ne s’agit pas de stigmatiser les sportifs souffrant d’un handicap.
Déjà, à Londres, on a vu un athlète, amputé de deux jambes, se mesurer valablement à ses concurrents valide alors qu’il devait courir avec des prothèses en fibres de carbone. Un cas comme de nombreux autres.
Amputé des deux bras et des deux jambes, le nageur de l’extrême Philippe Croizon, 44 ans, a réussi son pari de relier à la nage les cinq Continents (Océanie, Asie, Afrique, Europe, Amérique).
La capacité de repousser les limites physiques et mentales de l’humain n’est donc pas réservée aux seules personnes valides.
Evidemment, le cas du coureur sud-africain, Oscar Pisterious, reste l’exception. Tous les handicapés ne peuvent s’engager contre leurs homologues valides dans des épreuves aussi rudes que les 400 mètres. Alors, ils se défient par catégories.
Reste à savoir pour quel intérêt.
En effet, un athlète est à la fois une âme de compétiteur et, ne nous racontons pas d’histoire, une machine à sous. Dans notre monde dominé par la logique du profit à tout prix, peu importe l’état de l’individu engagé dans la compétition, s’il fait gagner et rapporte financièrement.
Il ne s’agit pas de prôner une mise à l’écart complète des personnes handicapées. Il est normal qu’elles soient amenées à fournir un effort physique pour mener, autant qu’elles peuvent, une vie sociale, une carrière professionnelle ou répondre aux diverses exigences sollicitées par des prescriptions médicales. Des efforts qui sont déjà difficiles à regarder pour les âmes sensibles, voir tout simplement les gens ordinaires.
De là à les engager dans des compétitions où il y aura un gagnant et des perdants, il fallait vraiment le faire. Avoir à lire la déception sur le visage d’une personne handicapée et quelque chose de particulièrement pénible.
Il est ainsi évident qu’une partie non négligeable des téléspectateurs, dont certains comptent des personnes handicapées dans leur entourage, ne tiennent pas à assister à des duels ou à des compétitions au cours desquelles leurs semblables seraient poussés jusqu’à l’exténuation pour rester dans la course. Ce qui n’enlève rien au droit de toute personne de pratiquer sa passion en amateur, jour après jour.
C’est en réalité le « spectacle » qui heurte les sensibilités, et les médias, finalement, ne seraient pas à blâmer.
Boniface MUSAVULI
20 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON