Roger Federer accumule les records, devenant un joueur hors-normes. Le déroulement de sa vie n’est pourtant que l’illustration parfaite de la banalité humaine masquée par une carrière phénoménale due à la rencontre d’une personne. Où le destin d’un homme ne tient qu’à un être...
D’un titre volontairement provocateur ne découle pas nécessairement un tombeau d’insultes envers l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du tennis. Oui, Roger Federer a un, si ce n’est le plus beau palmarès de l’histoire du jeu. Il conviendra aux plus sceptiques d’effectuer quelques recherches sur Internet pour constater l’abondance de records que le natif de Bâle a chipé à ses illustres prédécesseurs.
Non, le titre n’est pas provocateur. Roger Federer, avant d’être un champion hors normes, un ambassadeur formidable pour le tennis, est avant tout un homme dont le caractère s’est forgé dès le plus jeune âge, car derrière le gendre idéal vendu par les médias se cache un personnage complexe qui aurait pu connaître une carrière à la Marat Safin s’il n’avait pas eu la chance de rencontrer la bonne personne au bon moment.
L’arrivée de Roger Federer sur le circuit principal remonte à 1998 où déjà de nombreux observateurs lui prédisaient un destin similaire à celui de Pete Sampras. Mais à 17 ans, le suisse est loin de toutes ces considérations. Comme la plupart des adolescents, le suisse s’inscrit dans une période rebelle au cours de laquelle il va avoir du mal à accepter le goût de la défaite, sur les courts comme dans la vie. Son père, dans la biographie officielle du joueur, l’atteste : "les défaites étaient des désastres pour lui. Et quand il n’aimait pas quelque chose, il pouvait devenir très agressif. Les dés et tous les jeux de société volaient à travers la pièce".
Impulsif comme la plupart des adolescents masculins, le suisse va donc avoir du mal à franchir ce cap. Entre 1998 et 2000, Federer ne parvient pas à canaliser son énergie. Il se disperse et commet parfois des gestes qui désarçonnent son entourage. Paul Dorochenko, préparateur physique du joueur entre 1998 et 2000, racontait une anecdote à ce sujet : "un jour je me rappelle, il nous avait mis hors de nous alors que l’on venait d’inaugurer de nouvelles bâches au centre d’entraînement. Il a voulu les "tester" en balançant l’une de ses raquettes qui a cisaillé littéralement la bâche toute neuve. Je me souviens encore de sa mère me disant : je doute beaucoup que mon fils soit intelligent en raison de son indiscipline, notamment à l’école".
Les turpitudes du suisse vont prendre fin grâce à une rencontre capitale en la personne de Mirka Vavrinec, en 2000 à Sydney. Plus encore que ses entraîneurs, l’ancienne joueuse de tennis va avoir une influence capitale dans le comportement de son compagnon car bien que celui-ci fut considéré comme talentueux, il a alors du mal à concrétiser les espoirs nourris en lui au moment où il rencontre Vavrinec. Celle-ci, la carrière brisée par des blessures, va transposer sa soif de victoires à Federer, maîtrisant l’énergie de ce joueur et lui donnant une réelle perspective professionnelle. Il n’est d’ailleurs pas un hasard qu’elle soit devenue son agent tant son influence fut capitale dans la réussite de l’ancien n°1 mondial.
Roger Federer va donc peu à peu gommer les signes parasites pour devenir à la fois un monstre physique, technique et mental. Et malgré son talent, il ne deviendra n°1 mondial "qu’à" 22 ans et demi, une précocité moindre que chez certains autres joueurs.
Pour autant, malgré l’effort réalisé et la maturité qui s’accompagne, le suisse gardera toujours cette part du refus de la défaite. Car avec sa place de n°1 mondial, ses succès et sa domination sur le tennis mondial, Federer veut tout contrôler. Et lorsqu’il n’y arrive pas, les vieux démons du suisse refont surface : jet de raquette à Miami en 2005 (contre Nadal) et en 2009 (contre Djokovic) lorsque la situation lui échappe, pleurs à l’issue de sa défaite en finale de l’Open d’Australie en 2009 au moment où Nadal assoit sa domination sur toutes les surfaces, énervement auprès de l’arbitre en 2009 en finale de l’US Open contre Del Potro (et qui lui vaudra une amende)... les exemples ne manquent pas pour témoigner cette part d’ombre que le suisse gardera toujours en lui.
Ainsi, Federer n’est qu’un homme banal. A l’adolescence, il se cherche et se perd dans des comportements impulsifs et immature. Il rencontre ensuite une femme qui va influer sur sa vie (ceux qui lisent cet article se reconnaîtront peut-être à travers cette histoire). Gendre idéal lorsque tout va bien et comportement exécrable lorsque tout va mal... une situation terriblement banale pour un joueur au palmarès exceptionnel.
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Les propos de Monsieur Dorochenko peuvent être retrouvés sur différents sites, il suffit de taper son nom sur google. Reprendre une source ne constitue pas un plagiat.
Par ailleurs, la ligne choisit par Monsieur Cochennec dans son article est différente de la mienne.
Mais oui, tout/e homme/femme est banal/e. Mais à deux...
Derrière le succès d’une personne se cache le pouvoir humain d’une compagne ou d’un compagnon. Beaucoup ont plus souvent qu’on ne croit, cette chance du parfait amour que la presse trop souvent s’attache à voiler, et même à détruire plutôt qu’à faire valoir. Un thème merveilleux. Merci Renshaw.
Je suis une grande fan moi aussi de Roger Federer, c’est grâce à lui que je me suis à nouveau intéressée au tennis après les années Borg McEnroe etc... car j’avais totalement décroché une fois qu’ils étaient tous sortis du circuit. A de nombreux égards, Federer me fait penser à Bjorn Borg, je trouve qu’il a de la classe, cependant pour moi, personne n’égalera jamais la classe et le fair play de Borg, même ceux dont le palmarès s’avère meilleur. J’y peux rien, et même si ce n’est pas objectif, je continue à placer Borg au dessus de tout. Je me souviens lors d’un match, l’arbitre avait commis une erreur monumentale en accordant le point à l’adversaire, après qu’une des balles de Borg ait été annoncé faute alors qu’elle était bonne, ou c’était l’inverse, je sais plus, la balle de l’adversaire était faute et annoncée bonne. Bref, le point était contre Borg, j’étais verte de rage devant ma télé, le public protestait énergiquement, et Borg, lui, n’a pas contesté une seule seconde la décision de l’arbitre, il est resté d’un calme exemplaire en attendant que le public se calme, puis a continué à jouer comme si de rien n’était. Evidemment, il a gagné le match. Je ne sais pas si de nos jours avec les caméras sur le court, et les nouvelles techniques, de telles erreurs seraient encore possible. Je n’ai pas vu le match où Federer jetait sa raquette, mais j’avoue que si ce genre de comportement ne me gênait pas venant de Mc Enroe, et même pour dire la vérité, on attendait presque avec impatience ses accès de mauvaise humeur , je n’aurais pas trop aimé voir Federer faire ça.
banal ? comme l’article. mais dans le fond, vous avez surement raison de vous y interesser, il est vrai que depuis les romains, le choix n’a pas changé. vous avez préféré « les jeux » d’autres songent « au pain » rien que du très banal en somme.
Très bon article, probablement par le même Renshaw que celui que j’ai lu sur d’autres sites.
Federer, qui vient juste de gagner le Masters, comme par hasard en se montrant plus agressif à l’échange, en frappant vraiment ses revers, en refaisant de son coup droit une arme fatale (comme en finale des US Open 2004 et 2008 par exemple) en jouant plus vite et plus fort en général, en lâchant plus ses coups et en accélérant. C’est une voie qu’il ne pratiquait plus que par intermittence depuis 2008, mais toujours avec des résultats (finale de l’US Open 2008 et de l’Australian Open 2010 face à Murray, match de l’US Open 2009 face à Soderling, finale de Bâle 2008 face à Nalbandian). C’est à se demander pourquoi il n’a jamais persévéré dans cette voie, qui lui a pourtant toujours réussi (frapper plus dur en revers l’avait rendu totalement invincible aux Masters 2006), pourquoi il en est revenu comme par une sorte de tropisme à des revers mous et des coup droits pas décisifs et à s’engluer derrière la ligne de fond, alors qu’il n’a plus intérêt, vu qu’il approche la trentaine, à ce type de filière.
Annacone semble lui avoir fait comprendre qu’il ne peut plus se permettre de se faire dominer régulièrement à l’échange pour ensuite redresser la situation en défense, une tactique que Federer pratiquait beaucoup lors de ses grandes années, mais aussi en 2009 à Roland Garros, mais qui ne peut porter ses fruits face à un Nadal (qui n’est pas compliqué à jouer tactiquement, il faut frapper fort et à plat, évidemment, il faut le faire) ou même face à un Djokovic (voir la demi-finale de l’US Open 2010), un Soderling (RG 2010) ou un Berdych (Wimbledon 2010), ces joueurs étant trop puissants et la vitesse de déplacement de Federer ayant légèrement diminué me semble-t-il par rapport aux années 2003 à 2006.
Paul Annacone était un ancien joueur de tennis particulièrement talentueux au filet. Il a développé chez Sampras le « chip-and-charge » et un jeu plus agressif encore que ne l’avait l’américain avec Tim Gullikson. Sampras dit également dans biographie officielle qu’Annacone voulait que l’américain fasse comprendre à son adversaire qu’il jouait contre Pete Sampras, vaincre l’adversaire en l’impressionnant.
Les effets d’Annacone sont visibles depuis Shanghaï. Il est même fort possible que nous assistions à un raz-de-marée Federer en 2011 si son physique ne le trahit.