Grandeur et Décadence des clubs mythiques du football européen (1956-2018)
Beaucoup de clubs ont marqué de leur sceau indélébile l’histoire du football européen, en gagnant la C1 à de nombreuses reprises avec une hégémonie implacable … Mais si le Real Madrid, le Bayern Munich, la Juventus Turin ou le FC Barcelone continuent de dominer l’Europe, sur le toit de laquelle les deux ogres milanais (AC Milan et Internazionale) ainsi que Manchester United ou Liverpool étaient assis il n’y encore pas si longtemps, l’Ajax Amsterdam et le Benfica Lisbonne ont été rattrapés par la voiture-balai de l’Histoire, conduite par Jean- Marc Bosman !
Automne 1998. Liverpool vient de limoger Roy Evans, et Gérard Houllier débarque sur les bords de la Mersey. L’hebdomadaire France Football interviewe l’ancien professeur d’anglais, et lui demande à quelle condition il aura le sentiment d’avoir réussi à Anfield : Quand à l’occasion d’un tirage au sort en Coupe d’Europe, nos adversaires s’écrieront « Oh non, pas eux ! »
Jamais Houllier n’offrira aux Reds ce triple talisman inspirant respect, crainte et admiration de la part de leurs rivaux, sainte trinité réciproquement éprouvée entre Jules César et Vercingétorix avant Alésia.
D’autres grandes équipes européennes que le top 10 cité dans le chapeau, auraient mérité d’y figurer avec un peu plus de chance (le Grande Torino des années 40 si la Coupe d’Europe avait existé à l’époque (*), le Leeds United, le Dynamo Kiev ou le Borussia Mönchengladbach des années 70 avec un peu plus de réussite en C1), mais l’étude ne concerne que des vainqueurs de la C1.
(*) quelques scores du championnat d’Italie 1947-1948 en faveur de l’équipe menée par le génial Valentino Mazzola avant le drame de Superga du 4 mai 1949 parlent d’eux-mêmes : 10-0 contre Alessandria, 7-1 sur le terrain de l’AS Rome, 6-0 contre la Fiorentina et Trieste, 5-0 contre l’Inter Milan ou contre la Salernitana.
Real Madrid (de 1953-1954 à 1965-1966), l’incomparable mythe
- Palmarès : vainqueur de la Coupe d’Europe des Clubs Champions (1956, 1957, 1958, 1959, 1960, 1966), champion d’Espagne (1954, 1955, 1957, 1958, 1961, 1962, 1963, 1964, 1965), vainqueur de la Coupe du Roi (1962), vainqueur de la Coupe Latine (1955, 1957), vainqueur de la Coupe Intercontinentale (1960)
- Joueur Clé : Alfredo Di Stefano (Ballon d’Or 1957 et 1959)
- Joueurs Secondaires : Raymond Kopa, Francisco Gento, Hector Rial, Ferenc Puskas
- Entraîneur Symbole : Miguel Munoz
- Rivaux : Milan AC (Liedholm, Schiaffino, Cesare Maldini), Stade de Reims (Kopa, Fontaine, Piantoni), FC Barcelone (Kubala, Suarez, Czibor, Kocsis), Benfica Lisbonne (Eusebio), Inter Milan (Suarez, Facchetti, Mazzola)
- Exploit Majeur : le cinquième titre européen consécutif en 1960, avec un score fleuve 7-3 contre l’Einthracht Francfort, soit un double record quasiment impossible à battre
- Bémol : la suprématie nationale laissée au rival catalan du FC Barcelone, double champion d’Espagne en 1959 et 1960
- Causes du Déclin : pour le Real Madrid de Santiago Bernabeu, ce fut l’âge avancé de Puskas et Di Stefano, respectivement 35 et 36 ans en 1962 lors de la finale au stade Olympique d’Amsterdam qui confirmait que le Benfica Lisbonne était le nouveau roi d’Europe, un an après son titre contre le Barça de Kocsis, Czibor, Kubala et Suarez. Contraste avec les deux titans hongrois et argentin, Eusebio n’avait que 19 ans lui en 1962 …
Ils disent qu’ils sont plus qu’un club, qu’ils sont une famille. Nous, nous sommes bien plus que cela. Nous sommes une religion. La citation est d’Alfredo Di Stefano.
Les supporters du FC Barcelone se sentent importants jusqu’au moment où ils aperçoivent le palmarès du Real Madrid. La punchline est de l’ancien joueur du Barça, Zlatan Ibrahimovic, parti de Catalogne en froid avec Pep Guardiola à l’été 2010.
En deux phrases, l’antagonisme Real / Barça est résumé, et Di Stefano en est l’illustration, lui qui l’objet du plus grand bras de fer de tous les temps pour un transfert, duel gagné par le Real Madrid.
La force de Santiago Bernabeu fut de faire construire le stade Chamartin dans les années 40 dans une Espagne en proie à une pénurie de matériaux, le projet du Real Madrid étant pourtant en concurrence avec des constructions tels que l’aéroport madrilène de Barrajas ou encore le monument aux martyrs du franquisme, la Valle de lois Caidos. Le président Bernabeu, arrivé en 1943 aux commandes du club merengue, n’a pas été aidé financièrement par Franco, ayant du souscrire un emprunt obligataire auprès de la Banco Mercantil e Industrial. C’est grâce au fameux poulailler, troisième niveau du stade, que le Real va faire fructifier sa billetterie et ses ressources économiques : 9 millions de pesetas au guichet en 1947, 23 millions en 1952, 39 millions en 1955, 94 millions en 1960, la progression est exponentielle, notamment grâce aux nombreux matches de Coupe d’Europe joués par la Real Madrid dans son antre castillane. On comprend mieux pourquoi Don Santiago Bernabeu fut l’un des plus farouches alliés du quotidien L’Equipe, en avril 1955, quand le journal français proposa de créer la Coupe d’Europe des Clubs Champions. Du haut de six décennies passées comme grand témoin, Jacques Ferran semble le plus disposé à juger de ce qu’est un grand club. Le Real Madrid de l’ère Bernabeu / Di Stefano incarne l’essence de cette définition : Qu’est-ce qu’un grand club ? Beau sujet de thèse. Qu’il m’est arrivé souvent d’aborder, à l’abri de l’actualité. Trois ingrédients me semblent indispensables : une tradition, la puissance économique et l’âme de ses dirigeants. En Europe, le Real Madrid a été un grand club, très au-dessus des autres, surtout pendant cinq années de 1955 à 1960. Grâce essentiellement à deux hommes : Santiago Bernabeu et Raimundo Saporta. L’un n’allait pas sans l’autre. Et tout le reste en découlant.
L’implacable férule sportive du grand Real Madrid démarra en 1953 avec le transfert retentissant d’Alfredo Di Stefano vers la Castille, alors que le Barça pensait avoir fait le plus dur. Les Catalans avaient négocié avec River Plate, les Castillans avec Millionarios Bogota. Raimundo Saporta et Santiago Bernabeu furent les plus malins et finalement, la Saeta Rubia vint jouer à Madrid, le Real se renforçant ensuite avec Raymond Kopa, Didi ou encore Ferenc Puskas. Virtuose du jeu, Alfredo Di Stefano supplanta vite Ladislao Kubala comme étoile majeure du championnat espagnol, et le déclin du Barça fut effectif dès 1954, où le Real Madrid fut sacré champion en Liga … Wolverhampton se proclamant meilleur club d’Europe après une tournée européenne, deux journalistes du quotidien L’Equipe (Gabriel Hanot et Jacques Ferran) eurent l’idée de créer la Coupe des Champions pour la saison 1955-1956. Barcelone refusant stupidement la prestigieuse invitation, Santiago Bernabeu furent de ceux qui participèrent à l’écriture du règlement dans une salle de l’hôtel Ambassador, boulevard Haussmann à Paris. Il faut dire qu’avec l’onéreux transfert de Di Stefano (40 % des ressources du club) et la construction d’un nouveau stade, le président du Real Madrid avait donc besoin d’énormes rentrées de billetterie pour amortir ces deux investissements colossaux. Ces nouveaux matches européens le mercredi soir, en plus des rencontres domestiques du week-end en Championnat ou Coupe d’Espagne, lui permettaient d’atteindre cet objectif.
Aux dépens du Barça qui devrait attendre 1992 pour se dépuceler en C1 sous l’égide de son gourou Johan Cruyff, le grand rival madrilène lança son mythe avec cinq titres européens consécutifs portant la griffe du divin chauve Di Stefano, diable dressant ses fourches caudines avec un but dans chacune des cinq finales entre 1956 et 1960, pour autant de couronnes gagnées donc. Un record qui ne sera probablement jamais battu, alors que personne depuis le Milan AC de Sacchi en 1989 et 1990 n’a su conserver les lauriers sur le Vieux Continent. Vainqueur d’une sixième Coupe aux Grandes Oreilles en 1966 au Heysel face au Partizan Belgrade, le club madrilène verra ensuite une longue jachère de 32 ans s’installer, avant de reconquérir l’Europe face à la Juventus un soir de mai 1998, à Amsterdam.
Benfica Lisbonne (de 1960-1961 à 1967-1968), l’envol de l’aigle, de la lumière à l’ombre
- Palmarès : vainqueur de la Coupe d’Europe des Clubs Champions (1961, 1962), champion du Portugal (1961, 1963, 1964, 1965, 1967, 1968), vainqueur de la Coupe du Portugal (1962, 1964)
- Joueur Clé : Eusebio (Ballon d’Or 1965)
- Joueurs Secondaires : José Aguas
- Entraîneur Symbole : Bela Guttmann
- Rivaux : Milan AC (Rivera, Trapattoni, Cesare Maldini), Real Madrid (Gento, Puskas, Amancio), FC Barcelone (Kubala, Suarez, Czibor, Kocsis), Manchester United (Law, Charlton, Best), Inter Milan (Suarez, Facchetti, Mazzola)
- Exploit Majeur : le deuxième titre européen consécutif en 1962, avec un score fleuve 5-3 contre le grand Real Madrid de Puskas et Di Stefano. On peut aussi rajouter le score cinglant du quart de finale aller de 1965, contre le Real Madrid (5-1 à l’Estadio da Luz)
- Bémol : les trois finales perdues en 1963, 1965 et 1968 respectivement contre le Milan AC, l’Inter Milan et Manchester United. En 1963 à Wembley contre le Milan AC, la blessure de Mario Coluna fut un élément décisif à l’avantage des Rossoneri, à une époque où les remplacements n’étaient pas autorisés. En 1965 à San Siro, l’Inter eut l’avantage de jouer à domicile, avantage renforcé par les conditions météo qui empêchèrent Benfica de développer son jeu de passes. En 1968 à Wembley, George Best porta l’estocade au club portugais en prolongations, dix ans après le drame de Munich qui avait décimé Manchester United et sa génération des Busby Babes, Bobby Charlton rescapé prenant le flambeau du martyr Duncan Edwards.
- Causes du Déclin : les mauvaises langues parleront de la malédiction Guttmann, le coach hongrois quittant le club encarnado en 1962 faute d’être augmenté par ses dirigeants. Maudissant Benfica pour cent ans en compétition européenne, Bela Guttmann n’a pour l’instant pas été contredit, 53 ans après (1962-2015) par les évènements, le club lisboète échouant même huit fois en finale, cinq fois en C1 (1963, 1965, 1968, 1988 et 1990) et trois fois en C3 (1983, 2013, 2014). La malédiction fut tellement violente pour Benfica qu’Eusebio vint prier en mai 1990 sur la tombe de Bela Guttmann (enterré à Vienne en 1981) la veille de la finale de C1 (perdue) contre l’AC Milan jouée au Prater dans la capitale autrichienne … Plus prosaïquement, le déclin de Benfica fut surtout lié à l’émergence d’un rival de poids, l’Internazionale et son catenaccio.
Le coup de force du Benfica fut de recruter Eusebio, comme le Real Madrid avec Di Stefano. La perle du Mozambique était aussi convoitée par le Sporting, le rival lisboète. Mais Benfica sut ruser intelligemment et cacher son futur joyau dans un village de pêcheurs en Algarve. Comme les Madrilènes accusés d’être favorisés par Franco, Benfica eut à subir la jalousie de ses rivaux qui spéculaient sur un favoritisme supposé de Salazar. Or c’était l’inverse, le dictateur de l’Estado Novo vouait une haine féroce au club de la capitale.
Si on n'a pas le ballon, il faut le récupérer, et quand on l'a, on doit utiliser les espaces, déclarait Guttmann pour définir l'essence de son Benfica, "marquer toujours un but de plus que l'adversaire. Guttmann quittait l'équipe en 1962 en proférant une malédiction centenaire toujours en vigueur (Benfica a perdu 8 finales européennes sur 8 depuis, en 1963, 1965, 1968, 1983, 1988, 1990, 2013 et 2014) mais à travers son 4-2-4, son état d'esprit persistait. Costa Pereira, Germano, Mário Coluna, Antonio Simões et José Augusto l'incarnèrent avant l'arrivée d'Eusébio : Le meilleur joueur de tous les temps pour Alfredo Di Stéfano. L'alliance du toucher de balle et de la puissance physique. Onze titres nationaux, 41 buts en 64 sélections.
Inter Milan (de 1962-1963 à 1966-1967), un verrou implacable
- Palmarès : vainqueur de la Coupe d’Europe des Clubs Champions (1964, 1965), champion d’Italie (1963, 1965, 1966), vainqueur de la Coupe Intercontinentale (1964, 1965)
- Joueur Clé : Giacinto Facchetti
- Joueurs Secondaires : Luis Suarez, Sandro Mazzola, Jaïr, Roberto Boninsegna
- Entraîneur Symbole : Helenio Herrera
- Rivaux : Milan AC (Rivera, Trapattoni, Cesare Maldini), Real Madrid (Gento, Puskas, Amancio), Manchester United (Law, Charlton, Best), Benfica Lisbonne (Eusebio, Coluna, Aguas)
- Exploit Majeur : le deuxième titre européen consécutif en 1965, assortie d’une deuxième Coupe Intercontinentale d’affilée également. Les Nerazzurri enfoncèrent le clou aussi bien sur l’Olympe européenne que sur l’Everest mondial.
- Bémol : la finale perdue à Lisbonne en 1967 contre le Celtic Glasgow, qui ouvre la voie à la domination des clubs britanniques, néerlandais et allemands jusqu’en 1984, avant que le Heysel ne redistribue les cartes. La seule exception entre 1967 et 1984 sera au profit du rival de l’Inter en Lombardie, le Milan AC de Gianni Rivera sacré en 1969 contre un Ajax Amsterdam encore trop inexpérimenté à ce niveau de la compétition.
- Causes du Déclin : l’usure du pouvoir provoque l’inexorable déclin de l’Internazionale et son catenaccio, en parallèle de la progression des clubs anglo-saxons, le Celtic Glasgow (champion d’Europe 1967), Manchester United (1968) et surtout le grand Ajax Amsterdam (1971, 1972, 1973), bourreau via un doublé de Johan Cruyff de l’Inter dans la finale européenne de 1972.
Elle s’appellera Internazionale parce que nous sommes les frères du monde. Le peintre Giorgio Muggiani explique le choix du nom du club fondé en mars 1908. Ce même artiste imagine les couleurs de l’Inter en noir et bleu, comme la nuit et le ciel, le bleu s’opposant au rouge de l’AC Milan, club auquel il fallait faire dissidence. Enfin, le doré pour les étoiles. Le nom du club milanais, lui, sera changé en Ambrosiana par le régime fasciste, Internazionale rappelant trop l’internationale communiste combattue par le Duce Mussolini et ses chemises noires entre 1922 et 1945.
L’âge d’or du président Angelo Moratti, tycoon du pétrole italien, a longtemps bercé de nostalgie les supporters nerazzurri, avant que son fils Massimo ne redonne au club intériste une partie de sa gloire passée, avec le triplé Scudetto – Coupe d’Italie – Ligue des Champions réalisé en 2010 sous l’égide du Special One José Mourinho. Sous la houlette du mage Helenio Herrera, l’Inter a régné pendant deux ans sur l’Europe, se vengeant du premier italien remporté par le voisin et rival honni du Milan AC, l’Inter ayant été fondée en 1908 par dissidence du club fondé par Herbert Kilpin en 1899. Avec le fameux catenaccio et des joueurs de la classe de Giacinto Facchetti, Sandro Mazzola (orphelin de Valentino mazzola décédé avec le Grande Torino à Superga en mai 1949) ou Luis Suarez, dignes héritiers de figures de proue telles que Giuseppe Meazza ou Stefano Nyers, le club nerazzurro se rappelle aux bons souvenirs et domine la péninsule italienne après le Milan AC suédois du Gre-No-Li (Gren / Nordhal / Liedholm) et de l’Uruguayen Juan Alberto Schiaffino, lui-même supplanté après 1957 par la Juventus Turin de Giamperio Boniperti, John Charles et Omar Sivori. Le mérite en revient à Helenio Herrera, El Mago, qui chassa en 1961 l’attaquant oriundo Valentin Angelillo, coupable de sa liaison avec la chanteuse Ilya Lopez. L’abstinence était de rigueur durant les mises au vert d’EHerrera, qui galvanisait ses joueurs mentalement dans le vestiaire : Classe + Préparation + Athlétisme + Intelligence = le Scudetto. Les mauvaises langues parleront du décès en 1971 d’Armando Picchi d’un cancer de la colonne vertébrale. Conséquences des amphétamines ? Pour beaucoup, c’était l’arme fatale d’Herrera pour faire supporter à ses joueurs la cadence des matches domestiques et européens répétés, imitant donc les pilotes de la Seconde Guerre Mondiale et les cyclistes des années 50.
Le catenaccio n'a pas été inventé par Herrera mais repris par ce dernier avec succès à l'Inter. Il y faisait reculer un milieu de terrain en libero, adoptait une individuelle stricte et libérait son arrière gauche pour attaquer. Armando Picchi était ce libero et Giacinto Facchetti le défenseur volant. Je prône la verticalité et la vitesse. Pas plus de trois passes pour arriver dans la surface adverse, répétait Il Mago qui insistait aussi beaucoup sur la préparation physique et mentale, ce qui était nouveau à l'époque. C'est lui qui a inventé les mises au vert pour les matches qu'il disait gagner avant de les jouer. Une de ses formules favorites était : Si vous jouez pour vous-même, vous jouez pour votre adversaire. Si vous jouez pour l'équipe, vous jouez pour vous-même.
Le déclin vient durant la saison 1971-1972 : battu 2-0 en finale européenne à Rotterdam, l’Inter de Mazzola était un miraculé. Au deuxième tour, le club lombard avait bu la tasse à Mönchengladbach, battu 7-1 par Netzer et consorts. La victoire du champion de RFA avait été annulée sur tapis vert, après que Roberto Boninsegna ait reçu une bouteille sur la tête. Annulé, ce match aller est rejoué après le match retour gagné 4-2 par l’Inter à San Siro … De retour dans le nord-ouest de l’Allemagne fédérale, les Nerazzurri tiennent le choc 0-0 … Mais Johan Cruyff, par un implacable doublé à Rotterdam le 31 mai 1972, saura leur montrer que l’ère du catenaccio était bel et bien révolue.
Ajax Amsterdam (de 1970-1971 à 1972-1973), du cheval de Troie au football total
- Palmarès : vainqueur de la Coupe d’Europe des Clubs Champions (1971, 1972, 1973), champion des Pays-Bas (1972, 1973), vainqueur de la Coupe des Pays-Bas (1971, 1972), vainqueur de la Coupe Intercontinentale (1972, 1973), vainqueur de la Supercoupe d’Europe (1972, 1973)
- Joueur Clé : Johan Cruyff (Ballon d’Or 1971)
- Joueurs Secondaires : Johan Neeskens, Piet Keizer, Arie Haan, Johnny Rep, Ruud Krol
- Entraîneur Symbole : Rinus Michels
- Rivaux : Inter Milan (Mazzola), Bayern Munich (Beckenbauer, Maier, Muller)
- Exploit Majeur : plus encore que le quintuplé Championnat – Coupe – C1 – Supercoupe d’Europe – Coupe Intercontinentale de 1972 (seul le Barça de Guardiola fera mieux en 2009 avec un sextuplé, avec la Supercoupe d’Espagne en prime), le pinacle fut atteint au printemps 1973 avec un 4-0 contre le Bayern Munich. Ecoeuré par tant de facilité, le gardien allemand Sepp Maier en jeta son équipement de rage dans les canaux d’Amsterdam après être sorti du stade olympique. Le gardien du Bayern Munich avait donc pris quatre buts face au ballet de Johan Cruyff et de ses coéquipiers, qui ont tutoyé la perfection durant 90 minutes, portant l’art du football total au pinacle. L'écrivain niçois Louis Nucera reprendra la formule de Napoléon à propos du football total d'Ajax : L'art de la guerre est de disposer ses troupes de manière qu'elles soient partout à la fois.
- Bémol : difficile de reprocher grand-chose à cet Ajax intouchable durant trois ans, à part le fait de s’être fait griller la politesse en 1970 par Feyenoord comme premier club batave vainqueur de la C1.
- Causes du Déclin : pour l’Ajax Amsterdam, ce fut bien sur le départ de sa locomotive Johan Cruyff en 1973 pour le Barça, suivi en 1974 en Catalogne par son lieutenant Johan Neeskens. Vexé de ne pas être réélu capitaine par le vestiaire de l’Ajax en 1973 face à Piet Keizer, le Ballon d’Or 1971 rejoignit cette Catalogne plébiscitée par les Hollandais comme destination touristique durant les années 60, sur la Costa Brava ou la Costa Dorada. Surnommé Money Wolf, Cruyff fut indirectement accusé du syndrome de Vespasien (l’argent n’a pas d’odeur) par son président JaapVan Praag après son transfert fin août 1973 au Barça : Cruyff a choisi l’argent plutôt que le football. C’est son affaire, ce n’est plus la nôtre.
Petit résumé de la C1 des années 70. Trois triomphateurs absolus : Ajax Amsterdam, Bayern Munich et Liverpool. Trois outsiders à faire peur : Dynamo Kiev, Saint-Étienne et Borussia Mönchengladbach. C’est donc l’Ajax qui ouvre le bal en 1971, après avoir battu Liverpool en décembre 1966 (5-1) et Benfica en mars 1969 (3-0 à Colombes en match d’appui), atteignant la grande finale madrilène où l’AC Milan les hache menu (4-1).
Président du club batave lors de son âge d’or, Jaap Van Praag fut caché pendant la Seconde Guerre Mondiale au-dessus d’un magasin de photographie. Contrairement à Anne Frank, il échappa à la dénonciation et à la déportation. L’Ajax reçut pendant des années le soutien des marchands et industriels juifs du textile épargnés par la Shoah. D’autres, comme Léo Horn, mettait son sex-club du Red Light District d’Amsterdam, le Yab Yum, à la disposition des arbitres étrangers, tactiquement éprouvée pendant des décennies par les clubs hôtes en Coupe d’Europe …
Ajax était un héros de la guerre de Troie, il sera aussi un héros du football européen avec trois titres européens consécutifs, comme une réponse en écho à l’affront du voisin de Rotterdam, le Feyenoord, titré avec Ernst Happel en 1970 à Milan, alors que l’Ajax avait été finaliste en 1969 à Madrid. Avec Rinus Michels, l’Ajax développe un football total révolutionnaire qui met fin définitivement au catenaccio italien, faisant triompher les idées de Jack Reynolds (coach anglais de l’Ajax dans les années 20) et Willy Meisl, qui avait théorisé l’idée d’un tourbillon en 1956 dans son livre Soccer Revolution. Johan Cruyff rend mythique son numéro 14 qu’il portera également avec les Oranje en Coupe du Monde 1974, année de la passation de pouvoir avec le football allemand, vainqueur à Munich de son Mondial et de la C1, tandis que le Hollandais Volant avait déjà quitté l’Ajax, étant occupé à reconquérir un titre de champion d’Espagne attendu depuis 1960 du côté du Nou Camp … Désormais relégué en deuxième division européenne dans ce football post Bosman, l’Ajax avait cependant soulevé une quatrième C1 en mai 1995 avec Louis Van Gaal, face au Milan AC de Fabio Capello, avec Frank Rijkaard comme leader du vestiaire en lieu et place de Dennis Bergkamp parti en 1993 à l’Inter. Cette quatrième et dernière victoire en C1 de l’Ajax intervint juste avant Bosman, comme un symbole … Reste la phrase prononcée par Jacques Ferran en 1972 après le triomphe ajacide contre l’Inter en 1972 au Kuip de Rotterdam, stade du rival honni de Feyennord : Le football a des passades, mais ça, c’est la nouvelle réalité. Personne ne pouvait s’opposer à la puissance de cet Ajax nonchalant qui avait même écoeuré la Juventus en 1973 à Belgrade, le trophée européen finissant dans le bac à linge sale du club hollandais. Cette insolente facilité avait bluffé les joueurs de la Vecchia Signora. Vexé de ne pas être reconduit capitaine de l’Ajax par le vestiaire, Johan Cruyff rejoint son mentor Rinus Michels à Barcelone en 1973, lequel était parti dès 1971 après le premier titre européen acquis à Wembley en déclarant : J'ai accompli tout ce que je pouvais – je ne peux pas faire mieux.
Cruyff, lui, explique dans quel cadre plus large l’Ajax s’est inscrit : Ce n’était pas seulement la musique des Beatles mais tout le contexte d’après-guerre de l’époque qui nous inspirait. Les gens avaient besoin de respirer, de partager ensemble des choses nouvelles. Les Beatles, quelque part, étaient dans cette mouvance. Leur musique était différente, révolutionnaire. On avait l’impression qu’ils allaient changer le monde. Avec l’Ajax, on voulait aussi expérimenter des choses nouvelles, donc oui, les Beatles étaient une grande source d’inspiration pour nous. George Best était aussi une source d’inspiration. Il y avait un vent de liberté qu’on retrouvait partout. Notre génération voulait changer les choses, et on avait tout en notre faveur. ça se matérialisait dans la société, dans la musique, dans le football et même dans nos coupes de cheveux ! On avait connu que les cheveux courts, et là, on voulait les avoir longs.
Et quand on lui demande l’influence de la mentalité hollandaise, Cruyff reste éloquent : On est un tout petit pays mais ça ne nous a pas empêchés de dominer le monde. On a bâti la Nouvelle Amsterdam, on est allé en Indonésie, en Afrique du Sud … On est des explorateurs, des conquérants. On n’a pas peur de l’inconnu, de créer ou d’inventer. Si on se fracasse, pas de problème, mais au moins on aura essayé.
Bayern Munich (de 1971-1972 à 1975-1976), le FC Hollywood est un ogre venu de Bavière
- Palmarès : vainqueur de la Coupe d’Europe des Clubs Champions (1974, 1975, 1976), champion de RFA (1972, 1973, 1974), vainqueur de la Coupe Intercontinentale (1976)
- Joueur Clé : Franz Beckenbauer (Ballon d’Or 1972 et 1976)
- Joueurs Secondaires : Gerd Müller, Sepp Maier, Paul Breitner
- Entraîneur Symbole : Udo Lattek
- Rivaux : Ajax Amsterdam (Cruyff, Neeskens, Krol, Rep), Dynamo Kiev (Blokhine), Leeds United (Billy Bremner, Peter Lorimer), Saint-Etienne (Larqué, Rocheteau, Curkovic, frères Revelli)
- Exploit Majeur : après avoir tout gagné en 1974 (Coupe d’Europe des Clubs Champions et Coupe du Monde) deux ans après l’Euro gagné en 1972, les joueurs du Bayern Munich ont réussi à prolonger l’euphorie en 1975 et 1976 sur le plan européen.
- Bémol : aucune finale de C1 ne fut gagnée de façon incontestable par l’ogre de Bavière. En 1974 au Heysel à Bruxelles, les Allemands égalisent à l’ultime minute du match contre l’Atletico Madrid (qui vivra le même coup de Jarnac quarante ans plus tard en 2014 contre le Real Madrid sur un but de Sergio Ramos). Le match d’appui est à sens unique, 4-0 pour le Bayern. En 1975 face à Leeds, ce sont les erreurs d’arbitrage qui défavorisent le club anglais au Parc des Princes. En 1976 contre Saint-Etienne, le score est étriqué (1-0) alors que les Verts butent sur les fameux poteaux carrés. Ce sentiment de domination récurrente mais non implacable fut renforcé par les défaites de 1975 et 1976 en Supercoupe d’Europe, trophée resté utopique pour la génération du Kaiser Beckenbauer, la première fois contre le Dynamo Kiev du feu follet Oleg Blokhine, la seconde contre Anderlecht et Robbie Rensenbrink.
- Causes du Déclin : pour le Bayern Munich, ce furent les départs vers la NASL en 1977 des deux stars Franz Beckenbauer (Cosmos New York) et Gerd Muller (Fort Lauderdale Strikers), qui rejoignaient Pelé, Carlos Alberto, Eusebio ou encore George Best outre-Atlantique, attirés par une pluie de dollars pour finir leurs prestigieuses carrières entamées en Europe ou en Amérique du Sud.
Champion d’Allemagne en 1932, le Bayern Munich a ensuite souffert du nazisme. Son président juif Kurt Landauar a été déporté dans des camps de concentration et le développement du club a été stoppé durant le IIIe Reich. Ayant développé la formation des jeunes du Bayern et souscrit des assurances pour ses joueurs, le président Kurt Landauer est arrêté par les Nazis le 10 novembre 1938, soit au lendemain de la Nuit de Cristal, et déporté au camp de concentration de Dachau. Grâce à ses états de service pendant la Première Guerre mondiale, il est autorisé à quitter le camp après 33 jours passés aux arrêts. Il émigre alors en Suisse le 15 mars 1939. Tous ses frères et sœurs seront assassinés par les nazis, à l'exception de sa sœur Henny. En 1940, le Bayern Munich se rend à Genève pour un match amical contre l'équipe de Suisse de football. Lorsque les joueurs aperçoivent Kurt Landauer dans les gradins au milieu des spectateurs, ils saluent leur ancien président. Ceci ne plaît pas à la Gestapo, qui menace les joueurs de représailles. Après la Seconde Guerre mondiale, en 1947, Landauer revient une troisième fois à Munich et est de nouveau élu président du club. Son mandat durera jusqu'en 1951, date à laquelle il n'est pas réélu. Kurt Landauer meurt le 21 décembre 1961 à Munich à l'âge de 77 ans. Il n’aura pas eu le plaisir de voir la génération Beckenbauer / Maier / Müller à l’œuvre en Bundesliga, avec un premier titre de champion de RFA acquis en 1969, soit 37 ans après le premier conquis sous Kurt Landauer en 1932. Le Bayern Munich sera le véritable fer de lance de la Bundesliga née en 1963, ligue professionnelle décidée en 1962 après l’échec de la Mannschaft à la Coupe du Monde chilienne (élimination par la Yougoslavie en quart de finale) et les fiascos répétés des clubs de RFA en C1 (le FC Nuremberg ayant par exemple été laminé par le Benfica Lisbonne en 1962, 3-1 au match aller, puis 0-6 au retour). Le club munichois sera le symbole de cette Bavière en vogue, poumon économique et clé de voûte du miracle économique ouest-allemand, avec BMW mais aussi Puma ou Adidas, firmes fondées par les frères Adi (Adolf pour Adidas) et Rudolf Dassler (Puma), sortes de Romulus et Remus de la chaussure sportive. Basés à Herzogenaurach, ville natale d’un certain Lothar Mätthaus en 1961, Adi et Rudolf Dassler seraient des frères ennemis, Adidas devenant le premier sponsor maillot du grand Bayern dans les années 70. Le Bayern Munich de cette époque était l’ossature de la Mannschaft championne d’Europe en 1972 puis championne du monde en 1974, avec pour capitaine et porte-drapeau un libero de génie, à la technique de velours et au charisme incroyable, Franz Beckenbauer, joueur exceptionnel qui détrôna Fritz Walter au gotha des footballeurs allemands. Quarante ans plus tard, avec Louis Van Gaal, Jupp Heynckes, Pep Guardiola ou Carlo Ancelotti sur le banc, le FC Hollywood écrase toujours la Bundesliga, tutoyant la perfection et s’attirant les superlatifs, notamment en 2013 avec le triplé Championnat – Coupe d’Allemagne – Ligue des Champions.
En 1976, Munich avait confiné la France sportive dans son complexe de Poulidor. Les poteaux carrés de Glasgow avaient été maudits pour Saint-Etienne. Mais les Verts, malgré leur cruelle défaite d’Hampden Park, avaient été fêtés comme des héros à Paris sur les Champs-Elysées, Robert Herbin et ses joueurs défilant dans des Renault 5 à toit ouvrant … La différence culturelle avec la célébration du côté allemand est flagrante : à Munich, il y aura seulement un dîner d’organisé, à la suite du match de Bundesliga du samedi 15 mai 1976 gagné 4-0 contre le VfL Bochum. En RFA, la victoire est un état ordinaire, une routine, loin de la folie parisienne où 100 000 badauds escortent les Verts de la place de l’Etoile jusqu’au Palais de l’Elysée ...
Avant le départ de Franz Beckenbauer et Gerd Müller pour le Cosmos New York et les Fort Lauderdale Strikers, le Bayern avait réussi le deuxième triplé de l’Histoire (après le Real Madrid entre 1956 et 1960, l’Ajax Amsterdam entre 1971 et 1973), mais sans l’éclat des odyssées madrilènes ou ajacides.
En effet, à la sortie de l’hiver 1974-1975, le club bavarois n’est qu’un médiocre 13e de Bundesliga, englué dans le ventre mou du championnat ouest-allemand, loin du leader Mönchengladbach … Un journaliste aura même ce mot à la fois terrible et drôle : La seule différence entre le Bayern et le Titanic, c’est que le Titanic avait un orchestre. Franz Beckenbauer et les siens terminent la saison un peu mieux qu’elle n’avait commencé : remontant à la 10e place de la Bundesliga, les joueurs d’Udo Lattek éliminent Erevan en quart de finale et surtout l’AS Saint-Etienne en demi-finale, avant de s’offrir le grand Leeds dans cette finale parisienne commémorant la 20e édition de la Coupe d’Europe des Clubs Champions ...
Ce procès en légitimité sera repris en chœur par la presse européenne en 1976 après la victoire étriquée du Bayern face aux Verts de Saint-Etienne, à l’Hampden Park de Glasgow : en Espagne, Marca écrit que ce n’est pas le meilleur qui a gagné. Son confrère ibérique As titre Bayern, le faux champion. La presse britannique est plus acerbe encore. Le Daily Mail évoque un larcin, tandis que le Sun, tout en nuance, affirme : le Bayern vole la Coupe aux Français. Le club allemand se défend en affirmant qu’un but valable de Gerd Müller a été refusé par l’arbitre pour un hors-jeu douteux. Pour mettre fin aux critiques, l’entraîneur du Bayern, Dettmar Cramer, revendique sa philosophie, telle une marque de fabrique : Il y a des moments où les lois du foot sont celles de la rentabilité et non celles de la qualité. Avant de convaincre, il faut vaincre. Grand seigneur, le Kaiser Franz Beckenbauer rend hommage à son dauphin stéphanois : Des trois finalistes que nous avons battus, c’est Saint-Etienne qui nous a posé le plus de problèmes. Les Stéphanois étaient également supérieurs au Real Madrid, que nous avons éliminé en demi-finale.
Franz Beckenbauer, qui était déjà une star en Allemagne à l'époque, explique ce qu’Udo Lattek, le prédécesseur de Dettmar Cramer, avait apporté à l'équipe bavaroise : Nous avions des joueurs qui avaient l'expérience de la Coupe du Monde et du Championnat d'Europe et d'autres plus jeunes comme Uli Hoeness et Paul Breitner. Notre domination aura été relativement courte, mais nous avons tiré le meilleur parti des qualités de chacun pour remporter trois titres de rang en Bundesliga comme en Coupe d'Europe.
A l’époque, le grand club bavarois avait laissé la place au Borussia Mönchengladbach puis au Hambourg SV, devenus les figures de proue du football allemand de clubs. On voit mal qui en Allemagne pourra contrecarrer désormais l’insolente hégémonie du club bavarois, plus puissant que jamais depuis qu’il a délaissé la toile d’araignée du stade Olympique pour l’Allianz Arena, symbole de modernité puisque cobaye du naming de stades devenu une ressource financière supplémentaire (tel l’Emirates Stadium pour Arsenal à Londres). Le prochain défi du Bayern est de regagner la C1 avec Carlo Ancelotti, le club allemand ayant perdu trop de finales européennes après le départ de Beckenbauer et Müller outre-Atlantique (1982, 1987, 1999, 2010 et 2012).
Au final, le mot de la fin revient à l’ancien défenseur Klaus Augenthaler, devenu capitaine du Bayern en 1984 après le départ de Karl-Heinz Rummenigge pour la Lombardie : Les personnes qui ne veulent pas être mises sous pression sont au mauvais endroit au Bayern Munich.
Liverpool FC (de 1972-1973 à 1989-1990), une marée rouge venue de la Mersey déferle sur l’Europe, quinze ans après la Beatlemania
- Palmarès : vainqueur de la Coupe d’Europe des Clubs Champions (1977, 1978, 1981, 1984), champion d’Angleterre (1973, 1976, 1977, 1979, 1980, 1982, 1983, 1984, 1986, 1988, 1990), vainqueur de la FA Cup (1974, 1986, 1989), vainqueur de la League Cup (1981, 1982, 1983, 1984), vainqueur de la Coupe UEFA (1973, 1976), vainqueur du Community Shield (1974, 1976, 1977, 1979, 1980, 1982, 1986, 1988, 1989, 1990)
- Joueur Clé : Kenny Dalglish
- Joueurs Secondaires : Kevin Keegan, Bruce Grobbelaar, John Barnes, Ian Rush, John Aldridge
- Entraîneur Symbole : Bill Shankly puis Bob Paisley
- Rivaux : Bayern Munich (Rummenigge, Breitner), AS Rome (Conti, Falcao, Graziani), Juventus Turin (Platini, Boniek, Scirea, Zoff, Tardelli, Cabrini), Borussia Mönchengladbach (Simonsen, Vogts, Bonhof), FC Bruges (Raoul Lambert, Jan Ceulemans)
- Exploit Majeur : la finale gagnée en 1984 dans l’antre olympique de l’AS Rome, battue à domicile dans la Ville Eternelle après la cruelle épreuve des tirs aux buts, utilisée pour la première fois en finale de C1
- Bémol : que reprocher au club de la ville de Beatles tant il a écrasé cette époque en imposant sa férule année après année ? A part le fait de ne pas avoir pu conserver Kevin Keegan parti à Hambourg à l’été 1977, autant dire une peccadille, on ne voit pas, sauf peut-être la finale de FA Cup perdue en 1977 contre l’ennemi juré de Manchester United, ce qui aurait offert le légendaire triplé aux Reds ... Ou encore le titre de champion d’Angleterre 1989 perdu dans les ultimes secondes contre Arsenal sur un but de Michael Thomas (2-0 pour les Gunners).
- Causes du Déclin : le grand Liverpool passa du Capitole à la Roche Tarpéienne avec le drame bruxellois du Heysel (29 mai 1985) bien sûr avec la suspension européenne imposée par l’UEFA entre 1985 et 1990, puis au plan national l’émergence du grand Manchester United de Sir Alex Ferguson à partir de 1993 dans une Premier League qui allait booster la croissance financière des Red Devils. Le Heysel trouvait ses sources dans les incidents de 1984 à Rome, où des hooligans anglais avaient été poursuivis par des hooligans italiens dans la Ville Eternelle jusqu’à l’ambassade du Grande-Bretagne.
Quand vous êtes premier, vous êtes premier. Quand vous êtes deuxième, vous n’êtes rien. Bill Shankly a tout résumé, lui qui possède une statue devant Anfield. Dans les années 70 et 80, le Liverpool FC a appliqué ce principe à la lettre, écrasant le football anglais et européen avant que le Heysel ne rabatte les cartes au profit notamment du championnat d’Italie. Et on ne peut donner tort à l’ancien attaquant irlandais John Aldridge quand il affirme : J’ai toujours pensé qu’Anfield était un endroit plus beau que le paradis.
Entre 1977 et 1984 plus particulièrement, l’épicentre d’El Niño n’était pas dans le Pacifique Sud au large du Pérou, mais sur les rives de la Mersey, à Liverpool, la ville des Beatles, la marée rouge orchestrée par Bill Shankly, Bob Paisley puis Joe Fagan portant l’estocade à tant de rivaux médusés.
Avant la finale européenne de 1984 à Rome face à la Louve ayant pourtant l’avantage du terrain, l’entraîneur des Reds, Joe Fagan aborde le match avec une grande confiance : Nous respectons toujours beaucoup nos adversaires, mais aucune équipe au monde n’est capable de nous battre si nous jouons comme nous le savons.
Cette génération laisse le souvenir inoubliable d’attaquants grandioses (Keegan, Dalglish, Rush) et d’un Pantagruel jamais rassasié de victoires, que ce soit en Angleterre ou sur le Vieux Continent. Popularisé par Gerry et the Pacemakers en 1963 à Liverpool, You’ll never walk alone devient un hymne universel, bien au-delà du kop d’Anfield. Le transfert raté de Ian Rush vers la Juventus en 1987-1988 ne fut pas dramatique, car l’Irlandais John Aldridge assura brillamment l’intérim avant que le Gallois ne revienne au bercail, proche du kop d’Anfield. Dans le Kop, la promiscuité est telle que quitter la tribune pour aller pisser représentait une aventure à ne même pas envisager. Du coup, une pratique du nom de sideburn s’est développée, brûlure de côté qui consistait à uriner sur la jambe du « supporter » placé devant soi ... Si le voisin d’Everton gagna deux fois le championnat d’Angleterre en 1985 et 1987, Liverpool sut à chaque fois réagir, avec des titres en 1986 et 1988. L’ultime titre de champion intervient en 1990, au changement de décennie. Ironie du destin, le vainqueur de la FA Cup cette saison là n’est autre que Manchester United avec Alex Ferguson. Proche de la sortie contre Nottingham Forest, MU remporte le premier trophée de l’ère Ferguson. 37 autres suivront dont treize championnats entre 1993 et 2013. Manchester United avait attendu entre 1967 et 1993 pour reconquérir le championnat d’Angleterre, Liverpool a égalé en 2016 le triste record de traversée du désert de son rival (1990-2016), avant de probablement le battre en 2017, car Chelsea, Arsenal, Manchester United et Manchester City partiront avec quelques longueurs d’avance sur les Reds de Jürgen Klopp. Puisse l’effet underdog aider Liverpool dans sa quête du Graal anglais, afin de revenir sur le trône d’Albion, maintenant que Ferguson est parti à la retraite, lui qui avait juré en 1986 (année du dernier doublé national du club de la Mersey) de faire descendre Liverpool de son putain de perchoir.
Dans son autobiographie suivant sa retraite de 2013, Fergie rend un bel hommage aux Reds à qui il a succédé à partir de 1993 avec Manchester United : quand cette grande équipe de Liverpool menait 1-0, il était impossible de lui prendre la balle. Ils faisaient la passe à dix en utilisant tout le terrain. Souness écartait le jeu. Alan Hansen, Mark Lawrenson, Phil Thompson : tous étaient à l’aise avec le ballon quelle que soit la composition de la défense. Lorsque je suis parti à United, ils avaient toujours Ian Rush et John Aldridge, ce type de joueurs. Acheter John Barnes et Peter Beardsley a encore haussé leur niveau.
Juventus Turin (de 1982-1983 à 1986-1987), les beaux dessous de la Vieille Dame
- Palmarès : vainqueur de la Coupe d’Europe des Clubs Champions (1985), champion d’Italie (1982, 1984, 1986), vainqueur de la Coupe d’Italie (1983), vainqueur de la Coupe Intercontinentale (1985), vainqueur de la Supercoupe d’Europe (1984), vainqueur de la Coupe des Coupes (1984)
- Joueur Clé : Michel Platini (Ballon d’Or 1983, 1984, 1985)
- Joueurs Secondaires : Dino Zoff, Zbigniew Boniek, Gaetano Scirea, Paolo Rossi, Antonio Cabrini, Marco Tardelli, Roberto Bettega
- Entraîneur Symbole : Giovanni Trapattoni
- Rivaux : Liverpool FC (Dalglish, Rush), AS Rome (Conti, Falcao), Hambourg SV (Magath)
- Exploit Majeur : le fait de devenir le premier club d’Europe à avoir gagné C1, C2 et C3 dans son palmarès, prouesse accomplie en 1985.
- Bémol : la défaite en finale de C1 contre le Hambourg SV de Félix Magath en 1983 au stade Olympique d’Athènes ... Cette année là, la Juventus avait aussi laissé échapper le Scudetto au profit de l’AS Rome, ne s’offrant que la Coupe d’Italie 1983, victoire qui lui ouvrirait les portes d’une victoire en C2 en 1984 face au FC Porto à Bâle.
- Causes du Déclin : les départs de Zbignew Boniek à l’AS Rome en 1985, de Giovanni Trapattoni à l’Inter en 1986 puis de Michel Platini (retraite sportive en 1987) ont affaibli petit à petit la Vecchia Signora, ensuite dépassée par le Napoli de Diego Maradona au sein d’un Calcio devenu l’Eldorado des meilleurs joueurs étrangers (Zico, Socrates, Van Basten, Rummenigge, Elkjaer-Larsen, Careca, Gullit, Mätthaus …)
Du haut de sa tour d’ivoire, l’Avvocato Agnelli, sorte de roi industriel de la Botte italienne, se faisait pardonner chaque dimanche les difficiles journées imposées aux ouvriers de FIAT du lundi au vendredi. Le rival local du Torino et son maillot grenat était adulé par les Turinois, la Juventus par les ouvriers venus du Mezzogiorno, concrètement de Campanie, des Pouilles ou de Sicile. Le secrétaire de la Fédération syndicale des ouvriers métallurgistes de Turin confessait ainsi : Ce qu’on ne pardonnait pas à Agnelli la semaine à l’usine, on le lui pardonnait le dimanche au stade. Au stadio Comunale, les Bianconeri ont accumulé les trophées pendant plusieurs saisons, profitant de la réouverture des frontières du Calcio en 1980 (le Parlement italien les avait fermées en 1966 suite à la débâcle de la Nazionale lors de la Coupe du Monde en Angleterre face à la Corée du Nord, défaite 1-0 à Middlesbrough) pour s’attacher les services du Polonais Boniek et du Français Platini, tous deux vedettes du Mundial espagnol de 1982. Trois fois meilleur buteur de Série A, virtuose de la passe décisive, métronome du jeu, tacticien capable de faire changer d’avis le Trap avant un match, Michel Platini fut la sublimation du Calcio, comparé par Agnelli au danseur Nijinski et au torero Manolete … Si la victoire en C1 contre Liverpool en 1985 fut offerte par l’arbitre (penalty sifflé bien que faute anglaise sur Boniek en dehors de la surface de réparation) pour mettre fin au drame du Heysel en évitant à tout prix une prolongation, la Juventus a réellement illuminé le paysage européen de ces années là, avant que l’épée de Damoclès ne tombe sur les clubs anglais, et que le David napolitain emmené par Maradona ne renverse en Italie le Goliath turinois. La victoire à la Pyrrhus de Bruxelles fut un traumatisme tel pour Michel Platini que le triple Ballon d’Or ne reviendra jamais dans le stade du Roi Baudoin (ex Heysel), boycottant volontairement ce stade même en tant que président de l’UEFA. A Rome en 1996, pour le deuxième titre européen de la Vecchia Signora, les joueurs de Marcello Lippi inviteront Il Francese à soulever cette Coupe aux Grandes Oreilles qui avait un goût si amer le 29 mai 1985 …
Milan AC (de 1987-1988 à 1996-1997), l’université du football moderne
- Palmarès : vainqueur de la Coupe d’Europe des Clubs Champions (1989, 1990, 1994), champion d’Italie (1988, 1992, 1993, 1994, 1996), vainqueur de la Coupe Intercontinentale (1989, 1990), vainqueur de la Supercoupe d’Europe (1989, 1990, 1994), vainqueur de la Supercoupe d’Italie (1988, 1992, 1993, 1994)
- Joueur Clé : Franco Baresi
- Joueurs Secondaires : Marco Van Basten, Paolo Maldini, Frank Rijkaard, Roberto Donadoni, Ruud Gullit, Alessandro Costacurta, Marcel Desailly, Carlo Ancelotti, George Weah, Dejan Savicevic, Zvonimir Boban, Jean-Pierre Papin, Roberto Baggio
- Entraîneur Symbole : Arrigo Sacchi puis Fabio Capello
- Rivaux : Olympique de Marseille (Papin, Waddle, Mozer, Boli, Völler, Stojkovic), Real Madrid (Butragueno, Michel, Sanchis, Hugo Sanchez), FC Barcelone (Stoïtchkov, M.Laudrup, Zubizarreta, Koeman, Romario, Guardiola), Juventus Turin (R.Baggio, Vialli, Möller), Benfica Lisbonne (Mozer, Valdo, Ricardo), Etoile Rouge Belgrade (Savicevic, Pancev, Prosinecki), PSG (Weah, Ginola, Lama, Rai)
- Exploit Majeur : les 58 matches sans défaite entre mai 1991 et mars 1993 dans une Serie A devenu le mètre étalon du football mondial, les 10 victoires consécutives en C1 durant la saison 1992-1993, le 4-0 contre le FC Barcelone à Athènes en 1994 en finale de C1, les 929 minutes d’invincibilité de Sebastiano Rossi en championnat d’Italie 1993-1994. Difficile de choisir dans cette kyrielle de prouesses plus incroyables les unes que les autres, car la razzia milanaise a duré tant d’années que les statistiques sont proprement hallucinantes ...
- Bémol : la défaite en finale de C1 contre la bête noire des Rossoneri, l’OM de Bernard Tapie et Raymond Goethals, en 1983 au stade Olympique de Munich ... Deux ans après le quart de finale perdu contre le club phocéen au temps de son climax, celui du tandem Papin / Waddle …
- Causes du Déclin : ce fut l’usure du pouvoir plus que le péché d’orgueil de Berlusconi et surtout des erreurs de transferts au début de l’ère Bosman avec de jeunes espoirs pas assez matures pour Milanello, comme Edgar Davids et Patrick Kluivert, talentueux mais pas assez solides mentalement comparés aux Desailly, Boban, Savicevic, Papin, Van Basten, Gullit, Rijkaard qui apportaient une vraie valeur ajoutée face aux Italiens du club (Baresi, P.Maldini, Costacurta, Donadoni, Albertini …). La Juventus de Marcello Lippi, avec Del Piero, Zidane et Deschamps en profita pour détrôner le grand rival milanais, après tant d’années de disette depuis l’époque de Michel Platini.
Avant, il y avait le football, puis est arrivé le Milan. A partir de ce moment, tout a changé. Ainsi parlait le quotidien sportif français L’Equipe le 25 mai 1989, au lendemain de la victoire triomphale des Rossoneri en finale de la 34e Coupe d’Europe des Clubs Champions, gagnée 4-0 à Barcelone face au Steaua Bucarest. Dans un autre article, Victor Sinet est dithyrambique : Quand on voit avancer l’armada rouge et noir, portée par le géant noir Gullit, on pense aux Huns d’Attila qui ne laissaient rien, qui renversaient tout sur leur passage. Impossible de résister à cette horde féroce qui vous piétine et lamine sans pitié sous les vociférations de tout un peuple assoiffé de conquête. Un peuple capable de voyager à plus de 80 000 pour soutenir ses héros. Dans l’enfer brûlant d’un Nou Camp submergé par l’immense vague rossonera, les champions de Roumanie ne pouvaient absolument rien contre ce Milan d’un autre monde.
Son entraîneur Arrigo Sacchi prônait l'intelligence collective et exigeait 11 joueurs en activité constante, du début à la fin, en défense comme en attaque. Pour ce faire, il avait révolutionné sa méthode d'entraînement, et concoctait des séances complètes d'opposition en condition réelle, mais sans ballon, pour inciter ses joueurs à imaginer cette balle pour apprendre à se positionner en conséquence.
Pour construire une équipe, il faut des joueurs capables de jouer de manière ultra-collective, pensait Sacchi. On n'arrive à rien tout seul ; quand cela se produit, cela ne dure pas longtemps. Michel-Ange disait : 'C'est la tête qui commande la main.'
Je ne savais pas que, pour être jockey, il fallait d'abord avoir été cheval. Telle fut la réponse de Sacchi aux doutes émis à son arrivée en 1987 quant à la capacité de cet anonyme ancien défenseur à diriger un club aussi grand que le Milan. Il avait fait ses armes en tant qu'entraîneur au fil du temps, et avait rejoint les Rossoneri après une excellente expérience sur le banc du Parma FC ; il avait pour ambition de révolutionner le football italien. La plupart des équipes italiennes ne juraient que par la défense, explique-t-il. Toutes les équipes avaient un libéro, et prônaient le marquage individuel. En attaque, tout reposait sur l'efficacité d'une pointe, et la créativité d'un 10. Sacchi jouait en 4-4-2, avec défense en zone et jamais plus de 25/30 mètres d'écart entre la défense et le milieu. Cette défense haute, couplée à un piège offensif efficace, maintenait l'adversaire, alors peu enclin à jouer vite, sous pression.
Symbole du football total de Sacchi, Gullit restait une menace peu importe son poste. C'est un joueur hors norme, disait George Best en 1990. Il n'a pas peur d'inventer balle au pied. Il semble prendre du plaisir à chaque instant. Pour moi, cela le rendait encore meilleur que Maradona.
Pour moi, Marco van Basten est le meilleur attaquant de l'histoire, disait Sacchi. Aucun attaquant n'a jamais bossé aussi dur que lui au Milan. Mais je retiens surtout l'élégance, la grâce et, surtout, la technique qui le caractérisaient.
De 1987 à 1991, le cygne d’Utrecht et le mage de Parme sont en osmose avec le dogme Berlusconi ; gagner tout en séduisant, comme le raconte Arrigo Sacchi : A son arrivée en Italie, Van Basten venait souvent me voir pour me demander : « Mais Mister, pourquoi tout le monde considère ici qu’il suffit de gagner ? Moi je veux plaire ».
Roberto Donadoni revient sur l’ère Sacchi au Milan : Sacchi a amorcé une révolution dans le football italien, au niveau mental comme au niveau tactique. Nous avions notre propre style et tentions de l'imposer à tous nos adversaires, des amateurs qui nous servaient de sparring partners à l'entraînement, aux champions du Real Madrid à Bernabéu.
Carlo Ancelotti : Arrigo a complètement changé le football italien – la philosophie, les méthodes d'entraînement, l'intensité, la stratégie. Les équipes italiennes ne pensaient qu'à défendre ; pour nous, la défense, c'était l'attaque, et le pressing.
Xavi Hernández, légendaire milieu du FC Barcelone, en 2012 : C'est une fierté pour nous d'être comparés au Milan de Sacchi. Cette équipe a écrit quelques-unes des plus belles pages du football.
Toutes les choses dont je m’occupe sont profanes, mais le Milan est sacré, dit Silvio Berlusconi, qui enfant rentrait parfois gratuitement à San Siro en se cachant sous le manteau de son père !
Président du club de 1986 à 2017, Berlusconi se faisait une idée grandiose de l’AC Milan, tout comme son fondateur, l’anglais Herbert Kilpin, un fils de boucher originaire de Nottingham : le Milan sera comme un incendie sous un ciel orageux.
Joueur, entraîneur et président du club à sa fondation le 18 décembre 1899, Kilpin avait choisi lui-même les couleurs du club : rouge, lui rappelant celles d’un club pour lequel il avait joué en Angleterre, et le noir pour symboliser le diable, Kilpin se considérant comme un diable protestant dans ce pays fortement catholique qu’est l’Italie. Le rouge pour rappeler le diable, le noir pour inspirer la peur. Nous devrons être le diable et faire peur à tout le monde.
Capable de quitter son propre mariage pour taper le cuir avec ses coéquipiers ou boire des gorgées d’alcool en plein match pour oublier les buts encaissés, Herbert Kilpin avait le Milan Football and Cricket Club dans la peau.
Devenant président du Milan AC en mars 1986, Silvio Berlusconi veut tourner le dos aux années noires du Totonero, qui ont suivi le dixième Scudetto acquis en 1979 pour l’ultime saison de Gianni Rivera. Fils d’un employé de banque devenu patron de l’établissement à la force du poignet, Silvio Berlusconi a fait fortune dans l’immobilier avant de s’attaquer au monde des médias. Tycoon du holding des médias Fininvest comparable à l’empire de Rupert Murdoch, Il Cavaliere structure son club telle une entreprise (centre d’entraînement ultra-moderne de Milanello, joueur déchargé de tout ce qui peut le détourner de penser football …), en faisant l’université du football, et prépare sa future entrée en politique, ce qui sera chose faite en 1994 avec Forza Italia, juste avant un triomphe en C1 contre le grand Barça de Johan Cruyff (4-0) le 18 mai 1994.
Berlusconi veut non pas l’exploit, mais la répétition de l’exploit. Il veut gagner avec style, comme il le rappellera le 23 mai 1990 à Vienne, après la quatrième Coupe des Champions gagnée par le club, la deuxième de l’ère Sacchi après celle de 1989 : Ma joie est plus grande que la saison précédente, car on a souffert davantage, explique Berlusconi. Ce qui compte, c’est que nous ayons changé les mentalités dans le Calcio, car les autres commencent à nous imiter en se faisant à l’idée que l’on peut réussir au plus haut niveau international en imposant son propre style.
L’homme d’affaires avait depuis longtemps l’ambition de présider aux destinées du club lombard, ayant fait venir un certain Johan Cruyff à Milan en 1981 pour un Mundialito des clubs dans lequel le triple Ballon d’Or, tout juste sorti d’une pige médiocre à Levante, n’avait guère brillé, prenant son chèque à l’issue d’une mi-temps insipide contre Feyenoord. En tant que magnat des médias, Berlusconi avait organisé ce Mundialito des clubs 1981 quelques mois après avoir obtenu les droits TV d’un Mundialito des nations en Uruguay. Le tournoi réunissait toutes les nations ayant gagné la Coupe du Monde, Uruguay, Italie, RFA, Brésil, Argentine … et Angleterre remplacée au pied levé par les Pays-Bas, les Three Lions n’étant pas très chauds pour jouer une compétition organisée avec la junte militaire de Montevideo. L’affaire avait fait grand bruit, provoquant le courroux de la RAI, la télévision publique italienne.
Les droits TV vont justement augmenter en Série A, de 7 milliards de lires en 1983-19874 à 42.5 milliards de lires en 1986-1987, et Silvio Berlusconi va en bénéficier comme businessman et comme président de club, le budget de l’AC Milan lui permettant la folie des grandeurs que lui commande sa mégalomanie, qui le conduira aux plus hautes responsabilités politiques en Italie (trois fois Président du Conseil, en 1994, de 2001 à 2006 puis de 2008 à 2011). Les méthodes du Cavaliere chez les Rossoneri seront celles d’une entreprise, avec une organisation sans faille et un professionnalisme poussé à l’extrême, sans oublier une stabilité dans l’organigramme. Arrivé avec ses joueurs dans trois hélicoptères à Milanello le 18 juillet 1986 au son de la Chevauchée des Walkyries de Richard Wagner, comme dans Apocalypse Now, Silvio Berlusconi assène son ambition avec une des premières déclarations fracassantes dont il a le secret : Nous deviendrons la plus forte équipe du monde. Tout jeune défenseur à peine âgé de 20 ans, Alessandro Costacurta se souvient : Ce jour là, je me suis dit : « Mais qu’est-ce que c’est que ce fou ? »
Dans une Italie habituée au style Agnelli, le cirque Berlusconi détonne. Aux premiers, à Turin, la Juventus, l’industrie automobile (FIAT, Ferrari, Maserati, Alfa Romeo) et la sobriété. Au second, à Milan, l’image de self-made-man, l’AC Milan, le secteur tertiaire, les créations de sociétés et le sens du spectacle. Berlusconi, c’est la fable du petit entrepreneur du nord de l’Italie du miracle économique, histoire vendue, revendue et survendue à tous les journalistes venus l’interviewer … Fils d’un employé de banque et d’une femme au foyer qui grandit en dormant sur le divan du salon, porte les vêtements de son père, gagne ses premières lires en revendant ses cours à ses camarades d’école, monte son entreprise et devient immensément riche. Promotion immobilière et télévision sont les deux mamelles de l’empire Berlusconi. Dans les années 60, le Cavaliere bâtit la première partie de sa fortune en faisant construire des quartiers entiers dans la région de Milan. Il se diversifie ensuite en créant une petite chaîne de télévision câblée, Telemilano, qu’il transformera en empire médiatique. Lorsqu’il rachète officiellement l’AC Milan le 24 mars 1986, à presque 50 ans, Silvio Berlusconi n’a plus du petit entrepreneur local. Comme Bernard Tapie en France débarquant à l’Olympique de Marseille après ses succès dans le Tour de France (1985 avec Bernard Hinault et 1986 avec Greg LeMond), le Caïman est le principal homme d’affaires du pays ... Berlusconi est à la tête d’un groupe, Fininvest, dont les activités s’étendent des médias à l’édition, en passant par la publicité et les assurances. Quand il s’est présenté pour racheter le club, je ne lui ai même pas demandé de dossier tant ses garanties bancaires étaient solides, se souvient Giuseppe Farina, son prédécesseur à la tête du club lombard, ensuite parti buller en Afrique une fois les contrats signés.
Malgré le show permanent devant les caméras, Berlusconi n’est pas venu racheter l’AC Milan uniquement pour faire le zouave. C’est même tout l’inverse … Billy Costacurta se souvient de sa première rencontre avec le nouveau président du club : Quand on s’est serrés la main, je sortais de la douche et je ne m’étais même pas encore séché. Il est arrivé et sa première phrase a été : « Tu préfères être titulaire dans une autre équipe ou jouer quelques matches de moins mais faire partie de ce qui va devenir la plus grande équipe du monde ? »
L’ambition est d’autant plus démesurée quand l’AC Milan sort à peine d’une remontée de la Série B vers la Série A, après la rétrogradation de 1980 consécutive au scandale du Totonero. En 1986, quatre équipes dominent le paysage de football italien : la Juventus de Michel Platini, l’Inter de Karl-Heinz Rummenigge, le Napoli de Diego Maradona et l’AS Rome de Zbigniew Boniek. Le Milan, lui, vient de subir l’affront d’une élimination en huitième de finale de la C3 face au modeste club belge de Waregem. Médiocre 7e de Série A en 1986 juste derrière le voisin nerazzurro, le club rossonero n’a plus gagné le Scudetto depuis 1979, année du départ de Gianni Rivera …
Pour viser la victoire, Berlusconi s’entoure des fidèles entre les fidèles : primo, Adriano Galliani, un entrepreneur de Monza qu’il a rencontré en 1979 lors d’un dîner et avec qui il a créé puis développé la chaîne de télévision Canale 5. Secundo, Ariedo Braida, un ami de Galliani. Tertio, Fabio Capello, un ancien international Italien (32 sélections) et joueur du Diavolo de 1976 à 1979. Sentant vite le potentiel de Capello, le patron l’envoie suivre des cours de langue, de business et de ressources humaines. Et surtout, Berlusconi missionne Capello en Castille pour faire un rapport sur l’organisation du Real Madrid de Ramon Mendoza, son club référence (bien que le géant espagnol n’ait plus gagné la Coupe d’Europe des Clubs Champions depuis 1966, soit vingt ans). Au retour de Capello, Berlusconi décide de moderniser Milanello, construit en 1963 : Tous nos stages d’avant-saison se feront désormais ici, avec des systèmes révolutionnaires, décrète-t-il en 1987.
Arrivent alors, entre autres, un médecin, un diététicien, un psychologue et un ancien champion de karaté, Bruno de Michelis, chargé de s’occuper des joueurs, et qui créera plus tard le Milan Lab. Résultat : jamais dans l’Histoire du football les joueurs n’avaient été aussi bien pris en charge : Quand tu signes à Milan, le club te met une personne à disposition. Que ta femme ait envie de s’acheter des meubles, que tu veuilles prendre un cours d’italien si tu es étranger ou que tu aies besoin de quoi que ce soit d’autre, tu peux appeler à n’importe quelle heure. J’ai aussi joué à l’Inter et au Barça, mais ça, je ne l’ai vu qu’au Milan, explique Francesco Coco, joueur du club entre 1993 et 2001 (avec deux saisons passées à Vicenza et au Torino durant la période).
C’est ce qu’expliquait Frank Rijkaard en 1993 lors de son ultime saison en Lombardie. Prise en charge pour des visites d’appartement à l’arrivée du joueur, chauffeurs privés venant accueillir de la famille ou des amis à l’aéroport, les emmenant à San Siro aux matches du club avec une tasse de café à la mi-temps dans une loge privée … Le nec plus ultra, un traitement VIP de l’entourage et des joueurs débarrassés de toute charge mentale hors football !
A la rigueur de l’industriel, Berlusconi ajoute l’imagination de l’entrepreneur. Très vite, il comprend que son projet doit s’appuyer sur des hommes neufs. Désigné porte-drapeau par Berlusconi à son arrivée, l’ancien Ballon d’Or Paolo Rossi est finalement revendu deux mois plus tard. Ancienne gloire du club entre 1949 et 1961, le Suédois Nils Liedholm est remercié de son poste d’entraîneur durant la saison 1986-1987. Fabio Capello assure l’intérim … Giovanni Trapattoni, libre en 1986 de tout engagement après une décennie auréolée de gloire à la Juventus Turin, n’intéresse pas Berlusconi. Le Trap ira à l’Inter, tandis que le Cavaliere a une autre idée en tête. Le 31 août 1986, l’AC Milan s’était inclinée à domicile 1-0 en Coupe d’Italie face à une équipe tout juste promue en Série B : Parme. LE style du club romagnol est fait de pressing et d’offensives, style de jeu prôné par son entraîneur, un illustre inconnu nommé Arrigo Sacchi … Au match retour, en février 1987, Milan trébuche de nouveau face aux Parmesans. Séduit, Berlusconi fait contacter Sacchi par l’entremise d’Ettore Rognoni, journaliste de Mediaset, pôle médiatique de la Fininvest : Arrigo, rappelle moi, c’est urgent, Berlusconi veut te voir.
La première rencontre entre les deux hommes se déroule dans la villa San Martino (villa qui sera rendue célèbre bien plus tard par le Rubygate dévoilant les soirées bunga-bunga) du Boss, à Arcore, de 20h30 à 3 heures du matin : plus de cinq heures à refaire le monde du football et à dessiner des schémas tactiques sur la nappe ! A minuit, alors que Sacchi se lève pour une pause, Berlusconi se tourne vers Rognoni : C’est mon homme. Mais il ne le fait pas savoir de suite au technicien parmesan, alors en pourparlers avec la Fiorentina : Lorsque je pars ce soir là, Berlusconi me dit qu’il doit réfléchir, qu’il me fera savoir sa décision d’ici une semaine. Mais moi, je ne le sens pas trop, se rappelle Arrigo Sacchi. Et puis je ne voulais pas faire mauvaise figures vis-à-vis de la Fiorentina ; Mais Rognoni me rappelle et me dit : « T’es fou, il Dottore Berlusconi est très enthousiaste, il te prend à 99 % ». Puis il me demande si je suis libre le lendemain soir. Il me dit qu’il n’y aura pas le Dottore, mais que Galliani et d’autres dirigeants seront là. J’y suis allé, j’ai signé un contrat en blanc, et je leur ai dit : « Vous êtes courageux ».
En parallèle du cas Sacchi, il faut aussi pour ce nouveau Milan recruter de grands joueurs. Berlusconi a repéré un certain Ruud Gullit, joueur du PSV Eindhoven, lors du trophée Gamper en 1986. A l’automne 1986, alors que leur équipe se fait étriller par la Sampdoria à Gênes (0-3), Berlusconi et Galliani partent mener une opération blitzkrieg à Amsterdam. En une seule nuit, Ruud Gullit et Marco Van Basten sont embauchés pour l’été 1987 ! Mais le patron n’oublie pas de s’appuyer sur des joueurs de cru, bien avant le Barça de Pep Guardiola au début des années 2010 … Avec Franco Baresi, Paolo Maldini, Alessandro Costacurta, Filippo Galli, Roberto Donadoni et Demetrio Albertini, le club possède un noyau de six joueurs nés dans la région de Lombardie … Exception faite de Donadoni, tous ont été formés au club et son amoureux du blason. C’est donc tout sauf un hasard si en 1988, au soir du premier Scudetto, le président du club déclare : Mon but était de « milaniser » le Milan, c’est-à-dire d’apporter dans ce club l’état d’esprit d’initiative, de sérieux, d’entrepreneuriat et d’imagination qui caractérise notre ville.
Le Boss achète d’autres joueurs italiens pour compléter son puzzle : Daniele Massaro est arraché en 1986 à la Fiorentina pour 6 milliards de lires, une somme jugée indécente à l’époque. Le 4 mai 1986, Berlusconi assume sa transaction : On m’accuse de créer une inflation. Mais je crois que beaucoup de clubs sont au contraire contents de notre présence, car ils avaient besoin de céder leurs joueurs.
L’argent de Berlusconi est jalousé : comment a-t-il pu financer ses premières opérations immobilières dans les années 60 et 70 ? Des rumeurs font état de capitaux illégalement expatriés en Suisse. Par la suite, le fisc italien accusera l’AC Milan d’avoir payé ses employés au black à travers des sociétés offshore, et dira que le club lombard, entre 1991 et 1997, a gagné quatre Scudetti (1992, 1993, 1994, 1996) qu’il n’aurait pas dû obtenir eu égard aux exigences économiques et règlementaires de la Fédération italienne.
Une seule chose est sûre : Berlusconi avait des relations de très haut niveau. Membre numéro 1816 de la loge maçonnique P2 de l’ancien fasciste Licio Gelli, le patron de Fininvest était proche de l’ancien président du Conseil italien Bettino Craxi (chef du gouvernement entre 1983 et 1987) : au point de lui verser 22 milliards de lire sur un compte suisse et de confier un rôle de conseiller de l’AC Milan à son fils Vittorio Craxi … Autant d’amitiés qui expliquent que Berlusconi a récupéré le club sans dépenser un seul kopeck, n’ayant qu’à attendre que le club soit mis en faillite en mars 1986 ... D’autres repreneurs potentiels proposaient pourtant 25 milliards de lires : J’avais quelqu’un d’autres, mais on m’a fait comprendre qu’au plus haut sommet, on ne voulait pas que ça se passe comme ça, explique Giuseppe Farina. Berlusconi ne m’a pas racheté le Milan, il me l’a pris.
A la fin des années 80, Berlusconi se met à dos l’UEFA en montant un projet censé rapporter une manne providentielle aux grands clubs … et aux chaînes de télévision. Avec son homologue madrilène Ramon Mendoza, il charge Alex Fynn, patron de l’agence de publicité britannique Saatchi & Saatchi, de mettre sur pied un championnat européen réservé aux meilleurs clubs du Vieux Continent : un embryon de Ligue des Champions. J’étais dans mon bureau, à Londres, quand j’ai reçu un coup de fil de notre responsable de l’agence de Milan, se souvient Alex Fynn. Il m’a dit : « Alex, j’ai une mission pour toi : Berlusconi veut qu’on présente un projet de superleague » J’ai rendu mon travail quelques semaines plus tard. Il s’agissait d’un championnat à 16 équipes, avec des relégations et des promotions. Mais Berlusconi ne voulait pas qu’on puisse descendre. Il voulait s’assurer que les meilleurs clubs européens joueraient chaque mercredi à la télé.
L’UEFA donnera finalement naissance à ce projet durant la saison 1991-1992, l’appelant Ligue des Champions dès 1992-1993. L’AC Milan, doublé par le Barça puis par l’OM, gagnera la troisième édition en 1993-1994. Visionnaire, Berlusconi propose en juin 1989 de porter à cinq le nombre d’étrangers pouvant évoluer dans la même équipe : Quitte à augmenter l’inégalité entre les clubs ? lui demande un journaliste. Quitte à augmenter l’inégalité entre les clubs, répond Silvio Berlusconi.
Avant l’arrêt Bosman de 1995, le Milan arrivera en 1992-1993 à avoir six stars étrangères prêtes à sacrifier leur temps de jeu pour porter le maillot rossonero, dont Jean-Pierre Papin star incontestée à Marseille. Profitant des paris clandestins de la Camorra napolitaine forçant Diego Maradona et le Napoli à faire hara-kiri au printemps 1988, le Milan AC d’Arrigo Sacchi et son football emprunts de panache gagnent le Scudetto en 1988 puis parviennent au zénith du football européen en mai 1989 à Barcelone, au Nou Camp, devant 85 000 tifosi. Deux doublés de Ruud Gullit et Marco Van Basten, les deux stars néerlandaises transférées à l’été 1987, scellent un score sans appel face au Steaua Bucarest du futur Maradona des Carpates, Gheorghe Hagi.
Avant le match, le président lombard s’adresse à 530 journalistes, présentant cette finale Milan / Steaua comme un choc des civilisations : le Milan est une équipe qui représente le capitalisme, parce que nous sommes riches et que nous avons des joueurs payés des milliards. Nos adversaires, au contraire, viennent d’Europe de l’Est. Leur régime de vie est plus sévère, et leurs champions ne sont pas aussi bien rétribués. Juste avant le coup d’envoi, Berlusconi passe la deuxième couche : J’ai demandé l’aide du Dieu des Armées. Je lui ai dit que nos adversaires étaient communistes. Ils ont perdu leur temps à étudier Marx.
Cependant, sans l’aide du brouillard de Belgrade en novembre 1988 (l’Etoile Rouge menait 1-0 au match retour sur un but de Stojkovic, match interrompu et rejoué le lendemain, qualification arrachée aux tirs aux buts par le Milan AC), qui sait si les Rossoneri auraient passé les huitièmes de finale, sur le long chemin de cette quête du Graal ? Soulagé après la victoire 4-0 en finale, Berlusconi voue une haine aux communistes depuis sa plus tendre enfance. Il s’était fait corriger par des militants communistes pendant qu’il était en train de coller des affiches proclamant : Dans l’isoloir, Dieu te voit, Staline non.
En janvier 1994, le président de l’AC Milan réunit ses joueurs et leur annonce ce que tout le monde sait qu’il prépare depuis des années : On était au restaurant de Milanello. Berlusconi nous a dit qu’il était préoccupé parce que l’Italie risquait de tomber aux mains des communistes et que cela représentait un danger pour la démocratie. Il nous a dit qu’il devait faire quelque chose pour le bien commun, se rappelle Alessandro Costacurta. Le 26 du même mois, l’homme d’affaires devient candidat, lançant sa carrière politique via une intervention diffusée dans tous les journaux télévisés : L’Italie est le pays que j’aime. C’est ici que j’ai mes racines, mes espérances, mes horizons. C’est ici que j’ai appris de mon père et de la vie le métier d’entrepreneur. C’est ici que j’ai appris à aimer la liberté. J’ai décidé de descendre sur le terrain et de m’occuper de la chose publique.
Le Cavaliere multiplie les métaphores footballistiques. Son parti est nommé Forza Italia, en référence au cri de soutien des tifosi de la Nazionale. Les membres de ce parti sont nommés les Azzurri, comme les joueurs de l’équipe nationale italienne. La dette de la Fininvest est de 5 000 milliards de lire, son ami Bettino Craxi vient d’être condamné à 27 ans de prison pour corruption. Berlusconi s’engage aussi et surtout en politique pour assurer son avenir et s’offrir une immunité juridique ... Les joueurs du Milan font aussi de la propagande pour leur patron. A Coverciano en Toscane, au centre d’entraînement de la Squadra Azzurra, l’attaquant Daniele Massaro déclare ceci : l’Italie doit être guidée par quelqu’un comme Berlusconi.
Avec 21 % des suffrages lors du scrutin des 27 et 28 mars 1994, Forza Italia emporte la Chambre Députés. Ironie du destin, Berlusconi demande la confiance du Sénat le 18 mai 1994, alors que son Milan ridiculise le Barça de Johan Cruyff 4-0 au stade olympique d’Athènes !
L’arrogance de Johan Cruyff, en décembre 1992 déjà puis quelques jours avant la finale, avait accru la motivation des joueurs de Fabio Capello. Interviewé par France Football à l’occasion du Ballon d’Or 1992 de Marco Van Basten (AC Milan) devant Hristo Stoïtchkov (FC Barcelone) et Dennis Bergkamp (Ajax Amsterdam), trois joueurs qu’il a personnellement entraînés, Cruyff se lâche sur Milan : Milan joue bien. Mais si Barcelone n’avait pas été éliminé de la Coupe d’Europe, qui parlerait de Milan ? Dans l’euphorie d’une quatrième Liga consécutive conquise le 15 mai 1994 contre le FC Séville (5-2) et bien arrosée, Cruyff franchit le Rubicon lors de la conférence de presse d’avant-match à Athènes : Le vrai Milan AC, c’était celui de Sacchi, celui du trio néerlandais Gullit – Rijkaard – Van Basten. Capello, lui, a préféré fonder son jeu sur Desailly … On ne peut que s’inquiéter de la mauvaise influence qu’un succès du Milan aurait sur le jeu.
Milan laisse dire, sachant qu’il a plus de fraîcheur physique et mentale que son rival, même si le Barça a la faveur des pronostics. Après le triomphe, Fabio Capello prend enfin la parole : Le résultat a donné raison à la meilleure équipe et celle qui a fait preuve de la plus grande intelligence tactique. Je pense que nous avons atteint ce soir la perfection. Quant à Marcel Desailly, auteur du quatrième but milanais, il déclare lui : Je crois que les Barcelonais nous ont peu sous-estimés. Avec élégance, Cruyff fait amende honorable : Les Milanais ont gagné tous les duels et nous n’avons pas pu développer notre jeu habituel. Du côté de journal L’Equipe, Victor Sinet s’enflamme pour ce fabuleux Milan : Jamais, peut-être, le Milan de Berlusconi, qui occupe le devant de la scène internationale depuis maintenant six ans, n’était monté aussi haut. Balayés et emportés comme des débutants, les Stoïtchkov, Romario et autres Koeman ...
A Gullit et Van Basten recrutés en 1987, Berlusconi et Sacchi ont ajouté Rijkaard en 1988 pour un puzzle 100 % néerlandais, écho au trio Gre-No-Li suédois des années 50. S’il a sacrifié Arrigo Sacchi en 1991 après un schisme avec le cygne d’Utrecht, le Milan de Berlusconi a su repousser le déclin, Fabio Capello adoptant jusqu’en 1996 un style plus défensif mais encore plus réaliste. L’UEFA le suspend en Europe en 1991-1992 ? Privé de C3, l’ogre lombard se venge sur la Série A qu’il finit invaincu en 1992, gagnant le Scudetto de façon indiscutable loin devant la Juventus de Baggio. Marseille le bat en 1993 en finale européenne ? Bien qu’orphelin de Costacurta et Baresi en finale 1994, il écrase la Dream Team barcelonaise de Cruyff avec son électron libre Dejan Savicevic (4-0). Le Monténégrin marque un des buts de l’année 1994 après que Berlusconi lui ait mis la pression avant la finale en Grèce : On sentait que ça lui tenait à cœur. Avant le match, il m’avait dit en rigolant : « ça fait deux ans que je te soutiens, maintenant montre-moi pourquoi on t’appelle Genio », se rappelle Savicevic.
C’est le chant du cygne. Jamais plus l’AC Milan ne régnera sur le monde du football comme entre 1988 et 1994. Dès la saison 1994-1995, le club lombard perd les deux grandes finales qu’il dispute : la Coupe Intercontinentale en décembre 1994 à Tokyo contre le club argentin de Velez Sarsfield (0-2), et la Ligue des Champions en mai 1995 contre l’Ajax Amsterdam (0-1). L’ancien président omnipotent se fait moins présent. Ses visites hebdomadaires en hélicoptère à Milanello deviennent mensuelles. L’usure du pouvoir n’est pas la seule explication au déclin du grand Milan. L’agenda surchargé du nouveau locataire du Palazzo Chigi est la deuxième explication. Chanteur de charme durant sa jeunesse, Silvio Berlusconi est un séducteur invétéré et infatigable, ....
A partir du moment où Berlusconi est devenu homme politique, c’est comme s’il avait rencontré une nouvelle femme. Et quand on rencontre une nouvelle femme, on pense moins à celle d’avant, explique Zvonimir Boban, joueur croate du club entre 1991 et 2001. Personne n’a jamais su motiver un joueur comme Berlusconi. Quand il était là, il avait toujours le mot pour te faire aller de l’avant. Quand il s’est fait plus rare, il y a eu comme un vide, se souvient Francesco Coco. Moins de blagues, moins d’énergie et moins d’enthousiasme, se rémémore Alessandro Costacurta.
Marco Van Basten blessé à la cheville par les chirurgiens plus que par les défenseurs italiens et Gianluigi Lentini jamais remis de son passage de deux jours dans le coma après un accident en août 1993 sur sa Porsche 911 près de Turin, Silvio Berlusconi sort deux lapins de son chapeau à l’été 1995, George Weah et Roberto Baggio. S’il ne put jamais recruter Michel Platini (l’Avvocato Agnelli devant intervenir personnellement en 1986 pour conserver le Français à la Juventus) ni Diego Maradona, le Pibe del Oro étant viscéralement aux tifosi napolitains qu’il n’aurait jamais trahi pour un club d’Italie du Nord, Silvio Berlusconi put s’offrir les meilleurs joueurs de ses rivaux (Savicevic, Papin, Baggio, Weah). Mais en janvier 1986, à l’occasion d’une interview pour le journal Paris-Match, Berlusconi avait reçu Michel Platini dans sa somptueuse villa d’Arcore, près de Milan … Il n’était pas encore président de l’AC Milan mais s’était assis derrière le piano, chantant en français les Feuilles Mortes …
La défaite en C3 1996 contre les Girondins Bordeaux de Zidane sonne le début de la fin du grand Milan, éliminé quelques mois plus tard par les champions de Norvège du Rosenborg Trondheim en phase de poules de C1 … Malgré deux titres européens en 2003 et 2007, le Milan AC a nettement décliné depuis la retraite de Franco Baresi, qui avait tiré sa révérence en 1997. La particularité du club lombard fut d’avoir un Maldini présent sur la pelouse à chacune des dix finales de C1 disputées (Cesare en 1958, 1963 et 1969, Paolo en 1989, 1990, 1993, 1994, 1995, 2003, 2005 et 2007). Rien ne permet de dire quand sera jouée la prochaine, le club milanais ayant été vendu en avril 2017 dans un triste état par Silvio Berlusconi à des investisseurs chinois. Car plus les années ont passé, plus les très grands joueurs ont été rares au Milan. Depuis l’an 2000, Rivaldo, Shevchenko, Pirlo, Kakà, Ibrahimovic … Tous les autres, Messi, Cristiano Ronaldo, Neymar, Hazard, Van Nistelrooy, Ronaldinho, Xavi, Drogba, Lampard, Iniesta, Kane, Higuain, Dybala, Suarez ou Gerrard, ont éclot dans d’autres clubs ...
Quand je suis arrivé en 1991, c’était simple. Si tu faisais partie des meilleurs joueurs du monde, tu signais au Milan. Avec les années, le club essayé de garder cette réputation de grand club. Mais ce n’était plus le cas …, regrette Zvonimir Boban.
Dès le début, en mars 1986, le Caïman avait pourtant annoncé la couleur, donnant pour objectif à des joueurs et tifosi ébahis de redevenir à court terme le meilleur club d’Italie, puis d’Europe : Nous sommes désormais condamnés à vaincre. Mais c’est une belle condamnation.
A Tokyo le 17 décembre 1989, Alberigo Evani trompe René Higuita,, gardien colombien du Nacional Medellin, au bout d’une âpre prolongation et alors qu’il ne reste qu’une poignée de secondes à jouer. Vingt ans après le premier trophée de 1969 acquis face à l’Estudiantes, revoilà l’AC Milan vainqueur de la Coupe Intercontinentale. Tandis que les joueurs rossoneri entament une joyeuse sarabande sur la pelouse du stade National de Tokyo, Silvio Berlusconi déclare : Demain, le club fête son 90e anniversaire et voilà le plus beau des cadeaux ! Mon rêve, c’est maintenant d’accompagner le Milan jusqu’à son centenaire et faire en sorte que le monde entier se souvienne de lui comme du plus grand club de tous les temps.
Dans cette ultime phrase du Cavaliere, seule la première promesse sera tenue, Berlusconi régnant 31 ans sur le club lombard jusqu’à sa revente en avril 2017 à des investisseurs chinois. La seconde, elle, reste subjective mais le renouveau du Real Madrid après la fin de cycle du Milan de Baresi (5 Ligues des Champions pour le club espagnol en 1998, 2000, 2002, 2014 et 2016) a largement remis en selle le géant de Castille pour ce titre, déjà attribué à la FIFA aux Merengue pour le seul XXe siècle.
De 1987 à 1996 soit 10 saisons, l’Associazone Calcio Milan a gagné tel un goinfre, une sorte de Pantagruel affamé, avec 17 trophées et 7 distinctions : 5 Scudetti (1988, 1992, 1993, 1994, 1996), 4 Supercoupes d’Italie (1988, 1992, 1993, 1994), 3 Ligues des Champions (1989, 1990, 1994), 3 Supercoupes d’Europe (1989, 1990, 1994), 2 Coupes Intercontinentales (1989, 1990), 5 Ballons d’Or (Gullit 1987, Van Basten 1988, 1989, 1992, Weah 1995) et 2 FIFA World Players (Van Basten 1992, Weah 1995). De 1997 à 2017, le Gargantua de Lombardie s’est mis au régime forcé avec seulement 12 trophées et 3 distinctions en 21 saisons : 3 Scudetti (1999, 2004, 2011), 1 Coupe d’Italie (2003), 3 Supercoupes d’Italie (2004, 2011, 2016), 2 Ligue des Champions (2003, 2007), 2 Supercoupes d’Europe (2003, 2007), 1 Coupe du Monde des Clubs (2007), 2 Ballons d’Or (Shevchenko 2004, Kakà 2007) et 1 trophée FIFA World Player (Kakà 2007).
Et alors qu’il avait distancé l’Inter en 2004 (17 fois lauréat du Scudetto contre 13 au voisin nerazzurro), le club rossonero a vu son voisin, fondé par des dissidents du Diavolo en mars 1908, revenir à 17-17 en 2009, puis à 18-17 en 2010. L’AC Milan revient à 18-18 dès 2011, avant que la Juventus n’emporte tout sur son passage à partir de 2012 ... Pour la première fois depuis 1993, où il avait égalisé à 13 titres de champion d’Italie, l’AC Milan se retrouvait mené par l’Internazionale au nombre de couronnes domestiques !
Août 1995. Alors que San Siro est plus que jamais la Scala du football italien comme européen, Silvio Berlusconi présente George Weah et Roberto Baggio aux journalistes. Il n’a jamais pu avoir Diego Maradona, El Pibe del Oro, alors il se venge en prenant les meilleurs des autres : Savicevic, Papin, Brian Laudrup, Boban, et donc Weah puis Baggio, deux atouts en moins pour le PSG et la Juventus Turin. Devant 150 journalistes, l’homme le puissant de la Botte fait la roue du paon, et met plein la vue : Messieurs, je vous ai concocté une équipe à voir, à goûter et à aimer ! A la question Combien de chances ce Milan d’être champion d’Italie ?, la réponse fuse comme une évidence : Onze sur dix ! Berlusconi aura raison mais ce quinzième Scudetto sera celui du chant du cygne, Zinédine Zidane et les Girondins de Bordeaux rappelant en mars 1996 à Franco Baresi et consorts que leur âge d’or était bel et bien passé …Le départ de Fabio Capello (1996) au Real Madrid, l’élimination piteuse contre Rosenborg à l’automne 1996 puis la retraite de Franco Baresi (1997) acteront définitivement de cette usure du pouvoir milanaise.
Le climax aura été atteint entre mai 1991 et mars 1993, avec ces 58 matches sans défaite dans un Calcio alors de très loin le meilleur championnat du monde … La Premier League anglaise était naissante, sur les cendres du Heysel, la Liga espagnole n’avait pas encore attiré Romario toujours au PSV Eindhoven, et la Dream Team de Johan Cruyff, malgré Michael Laudrup ou Hristo Stoïtchkov, n’avait pas de crack à la Platini, Maradona ou Van Basten, tous passés par l’Eldorado de la Série A italienne. Le cygne d’Utrecht résume le niveau de perfection atteint par ce Milan de Capello plus fort que jamais, bien que celui de Sacchi, plus esthétique, reste la madeleine de Proust des tifosi du Diavolo. En décembre 1992, MVB explique cela, sans recul, à France Football à l’occasion de son troisième Ballon d’Or :
- Cette perfection, je la sens aujourd’hui. On en est vraiment très près.
- Pourquoi ? Le Milan d’aujourd’hui est supérieur à celui de 1989 ?
- Nettement, oui.
- …
- Il y a trois ou quatre ans, l’Europe découvrait Milan. Et Milan s’était extrait, à cette époque, du moule traditionnel en Italie. Milan donnait une autre image du Calcio. Une image plus rassurante et plus chaleureuse du football. Ce fut une révolution enjolivée par deux matches télévisés contre le Real Madrid et le Steaua Bucarest en finale de la Coupe d’Europe. Il y a eu donc ces réussites et ce formidable impact auprès du public européen. Un vent nouveau, et un enthousiasme presque délirant. Mais on n’a pas parlé de nos autres rencontres. Cette année là, il n’y a pas eu l’impression d’accomplissement qui se dégage aujourd’hui. Et la saison suivante, si on a renouvelé notre parcours européen en finale devant Benfica, on a tout de même abandonné le championnat lors de la dernière journée à Vérone et perdu la finale de la Coupe d’Italie face à la Juventus. C’était la marque d’une certaine inconstance alors qu’aujourd’hui le club est vraiment stable.
S’il fut la plus grande fierté du club milanais à son climax, Marco Van Basten provoqua aussi la colère d’Adriano Galliani en novembre 2005 à Paris. Pour le dirigeant de l’AC Milan, il était inconcevable que l’ancien buteur rossonero ne soit pas présent pour la soirée des 50 ans du Ballon d’Or organisée par France Football à Paris : Comment ? Marco Van Basten n’est pas là ? C’est vraiment très décevant. Il est triple Ballon d’Or et représente l’Histoire de notre club. Son absence est impardonnable.
Cette soirée parisienne, Galliani s’était rendu avec Andreï Shevchenko, tenant du titre, dans un jet privé de la Fininvest, mis à disposition par Silvio Berlusconi en personne …
Obtenir un Ballon d’Or, expliquera un jour Adriano Galliani, c’est, en partie, la démonstration du très bon travail d’ensemble de tout le club. Et aussi, pourquoi pas, une émulation pour les coéquipiers du lauréat.
A Milanello, ce prix d’excellence rend les dirigeants aussi fiers qu’un diplôme obtenu par le fils ou le neveu à Harvard, Oxford ou Cambridge. Et durant l’âge d’or que fut l’ère Berlusconi, le grand Milan a cumulé les Ballons d’Or, sept : Ruud Gullit en 1987, Marco Van Basten en 1988, 1989 et 1992, George Weah en 1995, Andreï Shevchenko en 2004 et Kakà en 2007.
En Lombardie, le prestige du trophée de France Football est tel que la première photo montrée à Ruud Gullit à son arrivée en 1987 fut celle de Gianni Rivera récompensé en 1969 : le seul Ballon d’Or conquis par l’AC Milan avant l’inoubliable ère Berlusconi …
Ruud Gullit, lui, n’oubliera jamais cette incroyable campagne européenne 1988-1989 où Milan sortit vainqueur du terrible brouillard de Belgrade contre l’Etoile Rouge : En 1988-1989, on avait battu le Steaua Bucarest en finale à Barcelone à l’issue d’un grand match. Mais ce qui me reste, c’est tout le mal qu’on s’était donné avant. Pour nous qualifier en quart de finale, on avait d’abord joué dans un brouillard incroyable qui s’était posé comme un tapis volant juste au-dessus de la pelouse. J’étais blessé. Le match est arrêté par l’arbitre, on rejoue le lendemain – j’entre en cours de jeu, on marque, le ballon est à un mètre derrière la ligne et l’arbitre refuse le but ! Le même gag se reproduit contre le Werder Brême ! La joie finale était à la hauteur du mal qu’on s’était donné.
Real Madrid (de 1997-1998 à 2005-2006), l’ère Galactique et le syndrome du Tonneau des Danaïdes
- Palmarès : vainqueur de la Ligue des Champions (1998, 2000, 2002), champion d’Espagne (2001, 2003), vainqueur de la Coupe Intercontinentale (1998, 2002), vainqueur de la Supercoupe d’Europe (2002), vainqueur de la Supercoupe d’Espagne (2001, 2003)
- Joueur Clé : Raul
- Joueurs Secondaires : Zinédine Zidane, Ronaldo, Fernando Hierro, Claude Makélélé, Roberto Carlos, Iker Casillas, Fernando Redondo, Luis Figo, David Beckham, Clarence Seedorf, Davor Suker, Pedrag Mijatovic, Ivan Helguera, Fernando Morientes
- Entraîneur Symbole : Vicente Del Bosque
- Rivaux : FC Barcelone (Rivaldo, Kluivert, Puyol, Xavi), Manchester United (Beckham, Giggs, Scholes), Milan AC (P.Maldini, Inzaghi, Shevchenko, Rui Costa), Bayern Munich (Effenberg, Kahn, Lizarazu, Elber), Juventus Turin (Del Piero, Nedved, Buffon, Thuram, Trezeguet)
- Exploit Majeur : la victoire 3-2 contre Manchester United au printemps 2000 en quarts de finale de la C1
- Bémol : la défaite en finale de Coupe du Roi le 6 mars 2002 à Bernabeu contre La Corogne, le jour même du centenaire du club.
- Causes du Déclin : ce fut la catastrophique suite de décisions prises par Perez à l’été 2003 : vente de Claude Makélélé à Chelsea, ses revendications salariales étant jugées irrecevables d’où un veto de la présidence, achat de David Beckham plutôt que d’un défenseur ou un milieu défensif (ce qui permettra à Barcelone et Joan Laporta d’avancer sur le dossier Ronaldinho bien plus intéressant sportivement), renvoi de l’entraîneur Vicente Del Bosque malgré 2 C1 et 2 Ligas en 4 saisons, capitaine Fernando Hierro poussé vers une retraite forcée …
Elu en juillet 2000 président du Real Madrid grâce à une diabolique promesse électorale (le transfert de Luis Figo en provenance du Barça), Florentino Perez succède à Lorenzo Sanz pourtant fort de deux C1 gagnées en 1998 et 2000, alors que le club castillan attendait depuis 1966 … Revendant la Ciudad Deportiva en plein cœur de Madrid pour près d’un milliards de francs (environ 150 millions d’euros), Perez achète donc Luis Figo en 2000 (pour 62 millions d’euros) puis Zinédine Zidane en 2001 (pour 76 millions d’euros), soit le Ballon d’Or 2000 et son dauphin (également Ballon d’Or 1998) et les deux meilleurs joueurs du monde avec Raul, dans un paysage orphelin de Ronaldo, qui les rejoindra en 2002 après une Coupe du Monde de phénix façon Paolo Rossi deux décennies plus tôt … Les socios madrilènes pensent logiquement qu’ils vont fêter tous les trophées possibles et imaginables Plaza de la Cibeles, mais le bilan est assez moyen in fine pour Perez entre 2000 et 2006, deux Ligas seulement en 2001 et 2003, une Ligue des Champions en 2002, une Supercoupe d’Europe en 2002, une Coupe Intercontinentale en 2002. Persistant dans l’erreur après 2003 et la défaite contre la Juventus Turin de Pavel Nedved, le tycoon du BTP espagnol continue de privilégier des joueurs capables de faire vendre des maillots par milliers comme Michael Owen ou Robinho, quitte à déséquilibrer l’équipe au lieu de la solidifier défensivement avec un Alessandro Nesta ou un Patrick Vieira. La saison 2004 est un Waterloo sportif avec l’élimination en C1 par l’AS Monaco dont la clé de voûte est Fernando Morientes, complice de Raul écarté au profit de Ronaldo, nouveau roi du pétrole en Castille … La même erreur sera faite en 2009 avec les départs d’Arjen Robben et Wesley Sneijder sacrifiés sur l’autel de la deuxième ère galactique, celle de Cristiano Ronaldo, pierre angulaire d’une Decima qui aura mis douze ans à se dessiner, entre Glasgow 2002 et Lisbonne 2014. Douze ans pendant lesquels le Real Madrid aura vécu dans l’ombre immense du rival séculaire, le FC Barcelone ...
Sur la période galactique, Luis Figo déclare a posteriori : Nous étions un peu comme les Beatles, un peu comme des enfants qui jouions sur la pelouse.
Quant à Xavi, il a vécu la période galactique du point de vue du rival du FC Barcelone : C'était rageant de les voir à un tel niveau, parce qu'ils avaient des idées et une vision. Zidane, Roberto Carlos... ils étaient incroyables. Ils ont dominé dans tous les secteurs du jeu. Il fallait tout simplement accepter leur supériorité.
Milan AC (de 2002-2003 à 2006-2007), un colosse aux pieds d’argile
- Palmarès : vainqueur de la Ligue des Champions (2003, 2007), champion d’Italie (2004), vainqueur du Championnat du Monde des Clubs (2007), vainqueur de la Supercoupe d’Europe (2003, 2007), vainqueur de la Coupe d’Italie (2003), vainqueur de la Supercoupe d’Italie (2004)
- Joueur Clé : Andreï Shevchenko (Ballon d’Or 2004)
- Joueurs Secondaires : Paolo Maldini, Kakà, Clarence Seedorf, Filippo Inzaghi, Dida, Alessandro Nesta, Cafu, Jaap Stam, Hernan Crespo, Rui Costa, Jaap Stam
- Entraîneur Symbole : Carlo Ancelotti
- Rivaux : FC Barcelone (Ronaldinho, Deco, Eto’o, Messi, Xavi), Manchester United (Rooney, Van der Sar, Cristiano Ronaldo, Giggs, Scholes), Real Madrid (Raul, Casillas, Beckham, Zidane, Ronaldo, Figo, Roberto Carlos), Bayern Munich (Ballack, Kahn, Lizarazu), Juventus Turin (Del Piero, Nedved, Buffon, Thuram, Trezeguet), Chelsea (Drogba, Lampard, Cech, Terry, Essien), Arsenal (Henry, Vieira, Bergkamp, Pires)
- Exploit Majeur : la victoire 3-0 contre Manchester United au printemps 2007 en demi-finale de la C1, chef d’oeuvre collectif mais aussi individuel de Kakà
- Bémol : bien évidemment, l’inoubliable défaite contre Liverpool en mai 2005 à Istanbul (l’AC Milan menait 3-0 à la mi-temps avant d’être rejoint 3-3 puis battu aux tirs aux buts), mais aussi la défaite 0-4 en quart de finale retour de C1 au printemps 2004 au Riazor contre le Deportivo La Corogne, après une victoire 4-1 au match aller à San Siro. Avec le FC Porto, Chelsea et Monaco comme autres demi-finalistes, les Rossoneri auraient été les favoris suprêmes du dernier carré ...
- Causes du Déclin : ce fut un triple effet boomerang avec l’affaiblissement du Calcio via le Calciopoli de 2006, puis le vieillissement de l’équipe (Maldini, Costacurta, Cafu, Inzaghi, Seedorf, Nesta …) et le départ progressif de cadres (Shevchenko vers Chelsea en 2006, Rui Costa en retraite en 2006, Costacurta à la retraite en 2007, Kakà vers le Real Madrid enfin en 2009)
C’est dans une finale 100 % italienne contre la Juventus Turin, à Manchester en 2003, que l’AC Milan met fin à neuf ans de disette européenne, relançant son duel à distance avec Boca Juniors pour le record du nombre de trophées internationaux … Quart de finaliste en 2004, finaliste en 2005 à Istanbul contre Liverpool et Steven Gerrard, demi-finaliste en 2006 contre le Barça de Ronaldinho, le Milan AC rebondit en 2007 un an après le scandale du Calciopoli, alors que l’Inter de Roberto Mancini étend petit à petit son joug au reste de la Serie A, orpheline d’une Juventus prisonnière pour un an du purgatoire de la Serie B. Auteur du tir au but vainqueur à Old Trafford en 2003, Shevchenko est celui qui rate le tir décisif en 2005 à Istanbul contre Liverpool … L’Ukrainien, transféré en 1999 du Dynamo Kiev, fut le digne héritier des plus grands buteurs milanais, Gunnar Nordhal, Marco Van Basten ou encore George Weah. Dans ce gotha des grands buteurs rossoneri, honneur aussi à Filippo Inzaghi, qui frappe deux fois à Athènes en 2007 dans la revanche lombarde contre Liverpool, pour le septième et dernier titre du club de Paolo Maldini, qui part à la retraite en 2009, année où Kakà part au Real Madrid rejoindre Cristiano Ronaldo pour la deuxième ère galactique voulue par Perez. Entre les ères Inter (2006-2010) et Juventus (2012-2015), Zlatan Ibrahimovic et Thiago Silva ont offert un ultime Scudetto à l’AC Milan en 2011, avant que le club n’entre dans une ère de jachère.
Manchester United (de 2006-2007 à 2010-2011), le théâtre des rêves
- Palmarès : vainqueur de la Ligue des Champions (2008), champion d’Angleterre (2007, 2008, 2009, 2011), vainqueur du Championnat du Monde des Clubs (2008), vainqueur du Community Shield (2007, 2008, 2010, 2011), vainqueur de la League Cup (2009, 2010)
- Joueur Clé : Cristiano Ronaldo (Ballon d’Or 2008)
- Joueurs Secondaires : Paul Scholes, Ryan Giggs, Wayne Rooney, Patrice Evra, Edwin Van der Sar, Nemanja Vidic, Rio Ferdinand, Carlos Tevez, Dimitar Berbatov, Michael Carrick
- Entraîneur Symbole : Sir Alex Ferguson
- Rivaux : FC Barcelone (Ronaldinho, Deco, Eto’o, Messi, Xavi, Iniesta, Yaya Touré, Busquets, Valdes), Real Madrid (Raul, Casillas, Beckham), Bayern Munich (Ribéry, Robben, Lahm, Neuer), Chelsea (Drogba, Lampard, Cech, Terry, Essien), Arsenal (Fabregas, Nasri, Van Persie, Gallas)
- Exploit Majeur : la reconstruction d’un cycle vertueux avec Vidic, Evra, Rooney, Cristiano Ronaldo, Van der Sar, Carrick et Rio Ferdinand, quelques années après le triplé historique du printemps 1999 auquel Paul Scholes et Ryan Giggs avaient participé.
- Bémol : la défaite 0-2 en finale à Rome en 2009, alors que le Barça de Guardiola était privé de sa charnière centrale ... MU perd sa première finale européenne, et l’ère catalane démarre en fanfare juste avant que Cristiano Ronaldo ne cède aux sirènes madrilènes.
- Causes du Déclin : les départs de Cristiano Ronaldo et Carlos Tevez ont fait très mal à l’été 2009, laissant Wayne Rooney esseulé en pointe malgré Dimitar Berbatov, dans un effectif vieillissant (Van der Sar, Giggs, Scholes). L’émergence de la Dream Team barcelonaise de Pep Guardiola a aussi mis un coup de frein aux ambitions mancuniennes avec deux duels perdus à Rome en 2009 et Londres en 2011, deux ans avant que Sir Alex Ferguson ne tire sa révérence après 27 ans de bons et loyaux services (1986-2013).
A Manchester United, nous nous efforçons d’être parfaits, mais si nous échouons, nous pouvons nous contenter de l’excellence. Bien avant l’arrivée d’Alex Ferguson sur le banc mancunien, Sir Matt Busby avait mis la barre très haut en terme d’ambition pour les Red Devils. Certes champions d’Europe en 1968 et 1999, les diables rouges d’Old Trafford ont atteint leur climax en 2008, après la purge de 2006 : exit Ruud Van Nistelrooy, exit aussi Roy Keane après sa punchline sur MU TV au détriment de son coéquipier Rio Ferdinand : Ce n'est pas parce que l'on gagne 120 000 livres par semaine et qu'on a fait une fois, 20 bonnes minutes contre Tottenham, qu'on est une star !
On pensait avoir tout vu entre 1992-1993 et 2002-2003, avec huit titres de champion d’Angleterre en dix saisons et une Ligue des Champions en 1999. Orphelin d’Eric Cantona en 1995, Ferguson avait vu MU s’incliner devant les Blackburn Rovers, ayant invoqué le souvenir de Devon Loch pour porter malheur aux coéquipiers d’Alan Shearer. Ce cheval de la reine mère qui avait course gagnée à Aintree au Grand National Derby de 1956 s’était effondré en fin de course ... Mais pas Blackburn en 1995, pas plus qu’Arsenal en 1998 et 2002, les Gunners renaissant tel un phénix via leur coach français Arsène Wenger. Entre 2006-2007 et 2010-2011, Manchester United allait faire encore mieux, ce qui explique l’inégalable prestige de Ferguson. Lorsqu’il termine sa carrière par un 5-5 contre West Bromwich Albion le 19 mai 2013, Fergie reçoit une montagne de courrier sur son bureau. Le Real Madrid avait envoyé à l’Ecossais un cadeau magnifique : une réplique en argent massif de la Plaza de la Cibeles, là où le club merengue fête ses titres de champion d’Espagne sur la fontaine de Cybèle (déesse gréco-romaine), avec une adorable lettre du Président Florentino Perez. C’est dire l’aura que Sir Alex Ferguson avait en 2013, après avoir triomphé d’une deuxième C1 en 2008. Entre 2003 et 2009, trois de ses meilleurs joueurs avaient d’ailleurs rejoint la Castille : David Beckham en 2003, Ruud Van Nistelrooy en 2006 et Cristiano Ronaldo en 2009 !
Il était bien loin le temps du 7 janvier 1990 où Old Trafford criait Fergie Out ! Fergie Out ! Lors d’un tour de FA Cup gagné 1-0 contre Nottingham Forest … Le lendemain, alors que sa mère venait de mourir, Ferguson sauvait sa tête à Manchester United. Malgré la victoire en FA Cup au printemps 1990 à Wembley contre, l’ancien coach d’Aberdeen endurait l’opprobre des journaux : OK, tu as prouvé que tu pouvais gagner la Coupe, maintenant, retourne en Ecosse.
Mais Martin Edwards conserve sa confiance à Ferguson en 1990, lequel va faire du fergie time sa marque de fabrique, résumée en deux phrases : Ne paniquez pas jusqu’aux 15 dernières minutes. Soyez patients jusqu’au dernier quart d’heure. Puis lâchez-vous. A Old Trafford particulièrement, les adversaires de MU savaient qu’ils seraient pris à la gorge, acculé dans sa surface de réparation. Jamais un Red Devil ne devait abandonner sous l’ère Ferguson … L’équipe ne cessait jamais d’y croire, comme si le ballon était aspiré vers les filets des buts adverses …
Si le Bayern Munich en fit les frais le 26 mai 1999 au Nou Camp de Barcelone en finale de la Ligue des Champions, la plus célèbre remontée mancunienne reste ce 5-3 contre Tottenham à White Hart Lane le 29 septembre 2001. Mené 3-0 à la mi-temps par le club du Nord de Londres, le triple champion d’Angleterre en titre marque dès le début de la deuxième mi-temps. Ancien joueur de MU, Teddy Sheringham avait prévenu ses coéquipiers dans le couloir du stade londonien : Ne les laissez pas marquer rapidement. Tottenham s’inclinera 5-3 ce samedi là … La causerie de Fergie à la mi-temps est restée légendaire : OK, je vais vous dire ce que nous allons faire. Nous allons inscrire le premier but de la seconde mi-temps et nous verrons où cela nous mènera. On leur marche dessus et on marque les premiers.
Ce refus viscéral du relâchement, cette ambition féroce fut aussi l’apanage de Fergie après les grandes victoires, comme en témoigne sa causerie après le titre de champion d’Angleterre 1993, attendu par Old Trafford depuis 1967 : Quand elles prennent des vacances, certaines personnes veulent simplement aller à Saltcoats, sur la côte, à 40 kilomètres de Glasgow. D’autres ne veulent même pas faire cela. Elles sont contentes de rester chez elles ou de regarder les oiseaux et les canards dans le parc. D’autres veulent aller sur la Lune. C’est une question d’ambition.
En 2003, MU perd son numéro 7 David Beckham et tombe petit à petit de Charybde en Scylla, mais recrute son futur joyau durant le même été, Cristiano Ronaldo, les joueurs insistant pour recruter le june Portugais de 18 ans auteur d’un match incroyable en amical avec le Sporting CP contre les Red Devils pour l’inauguration du stade José Alvalade, un an avant l’Euro 2004. Dans l’ombre des clubs londoniens Arsenal et Chelsea, Manchester United se reconstruit patiemment jusqu’à parvenir à maturité en 2007, détrônant le Chelsea de Mourinho pour la suprématie nationale. Alex Ferguson a pris le soin de renforcer toutes les lignes tout en gardant de fidèles vétérans issus de la génération dorée de 1992 : Ryan Giggs et Paul Scholes, ainsi que Rio Ferdinand, encadrent donc le gardien néerlandais Edwin Van der Sar, les défenseurs Nemanja Vidic et Patrice Evra, les milieux de terrain Michael Carrick et Darren Fletcher, les attaquants Wayne Rooney, Dimitar Berbatov ou Carlos Tevez, solutions de complément au phénomène CR7, celui dont George Best disait justement avant sa mort en 2005 : Il y a eu plusieurs joueurs désignés comme le nouveau George Best depuis quelques années, mais c’est la première fois que c’est un compliment pour moi, disait donc l’ancien enfant terrible de Belfast à propos de Cristiano Ronaldo à son arrivée à Carrington.
En 2008, au stade Loujniki de Moscou, le club mancunien décroche sa troisième C1 au bout du suspense, dans une séance de tirs aux buts qui offre des montagnes russes d’adrénaline, comme le retournement de situation de la finale 1999 face au Bayern Munich de Stefan Effenberg. Proche de faire le doublé un an plus tard, MU cède face au Barça de Lionel Messi à Rome en 2009, avant d’entamer la pente descendante, accélérée par la retraite de Sir Alex Ferguson en 2013, qui quitte Old Trafford sur un treizième titre de champion d’Angleterre, le vingtième du club, deux unités devant Liverpool, qui dominait de très haut le football anglais en 1986 quand Fergie succéda à Ron Atkinson sur le banc mancunien …
FC Barcelone (de 2003-2004 à 2015-2016), la Dream Team
- Palmarès : vainqueur de la Ligue des Champions (2006, 2009, 2011, 2015), champion d’Espagne (2005, 2006, 2009, 2010, 2011, 2013, 2015, 2016), vainqueur du Championnat du Monde des Clubs (2009, 2011, 2015), vainqueur de la Supercoupe d’Europe (2009, 2011, 2015), vainqueur de la Coupe du Roi (2009, 2012, 2015), vainqueur de la Supercoupe d’Espagne (2005, 2006, 2009, 2010, 2011, 2013, 2016)
- Joueur Clé : Lionel Messi (Ballon d’Or 2009, 2010, 2011, 2012, 2015)
- Joueurs Secondaires : Xavi, Andres Iniesta, Samuel Eto’o, Sergio Busquets, Carles Puyol, Deco, Ronaldinho, Dani Alves, Eric Abidal, Javier Mascherano, Neymar, Luis Suarez, David Villa, Victor Valdes, Thierry Henry, Alexis Sanchez, Ivan Rakitic, Rafael Marquez, Ludovic Giuly, Zlatan Ibrahimovic, Henrik Larsson
- Rivaux : Real Madrid (Cristiano Ronaldo, Casillas, Benzema, Modric, Bale, Varane, Sergio Ramos, Di Maria, Xabi Alonso, Khedira), Bayern Munich (Ribéry, Robben, Schweinsteiger, Neuer, Lahm), Chelsea (Drogba, Lampard, Cech, Terry, Essien), Juventus Turin (Pogba, Vidal, Buffon, Pirlo, Marchisio, Tevez), Manchester United (Van der Sar, Evra, Ferdinand, Vidic, Carrick, Scholes, Giggs, Tevez, Rooney, Cristiano Ronaldo, Berbatov)
- Exploit Majeur : le sextuplé de 2009, avec en cerise sur le gâteau le fameux 6-2 infligé au Real Madrid dans son antre de Bernabeu, un an et demi avant la manita de novembre 2010 contre Mourinho (5-0). Mais on peut aussi citer les six demi-finales de C1 consécutives entre 2008 et 2013, un véritable tour de force à ce niveau.
- Bémol : la défaite 0-4 / 0-3 en demi-finale face au Bayern Munich de Jupp Heynckes en 2013
- Causes du Déclin : on pensait que le camouflet contre le Bayern Munich serait le premier signe du déclin catalan, signe a priori confirmé par la saison blanche de 2014, mais l’ogre a su rebondir avec un triplé en 2015 sous l’égide de Luis Enrique. Barcelone n’est donc pas encore enterré, avec cette quatrième C1 en dix ans … Il faudra attendre le printemps 2017 et une défaite 3-0 au Juventus Stadium de Turin en quart de finale aller de C1, la MSN restant également muette face à la légende bianconera Gianluigi Buffon au retour au Camp Nou. Un mois après la mythique remontada face au PSG (0-4, 6-1), le Barça voyait enfin l’estocade à laquelle il avait échappé de très peu.
Le Barça est l’armée d’un état sans nation, dixit l’écrivain Manuel Vazquez Montalban. Le Barça est la sublimation épique du peuple catalan, écrit-il encore.
Joan Laporta , jeune avocat catalan et membre fondateur depuis 1997 l’Elefant Blau, groupe d’opposition à Nunez soutenu par Johan Cruyff (qu’il a rencontré en mars 2001 à l’enterrement d’Armand Caraben, celui qui avait fait venir El Flaco en Catalogne en 1973), est élu président du Barça à l’été 2003 et installe Frank Rijkaard sur le banc catalan à l’issue d’une saison 2003 chaotique : retour de Van Gaal, mouchoirs blancs, intérim de Radomir Antic …
Le coup de maître de Laporta, certes involontaire après le revers sur le dossier Beckham face au Real Madrid, est d’engager Ronaldinho qui ronge son frein au PSG, club devenu bien trop petit pour son immense talent. La saison 2003-2004 est celle de la reconquête, même si le Barça ne gagne pas de titre. Dauphin de Valence en Liga, il devance le Real Madrid en championnat et réalise un superbe mercato estival 2004 : Deco, Samuel Eto’o, Henrik Larsson, Edmilson et Ludovic Giuly renforcent le club, tandis que les derniers Néerlandais le quittent (Cocu, Overmars, Kluivert).
En 2004-2005, six ans après le seizième titre de champion d’Espagne acquis en 1999, Barcelone règne à nouveau sur la péninsule ibérique, tandis que Rijkaard a lancé dans le grand bain un joueur aux capacités intrinsèques redoutables, un Argentin de 17 ans, Lionel Messi, dont le temps de jeu ne va cesser de grandir tout comme ceux de Xavi et du jeune espoir espagnol Andres Iniesta.
2006 voit le Barça conserver le titre en Liga mais surtout reconquérir l’Europe quatorze ans après le sacre de la Dream Team de Cruyff à Wembley contre la Sampdoria de Gênes. La victime a pour nom Arsenal, au Stade de France, après un parcours qui a vu les Blaugrana éliminer Chelsea, Benfica et l’AC Milan. En 2007, le club perd ses titres européens et nationaux, avec un cruel épilogue lors de l’ultime journée de Liga face au Real Madrid, qui avait lui connu la même désillusion au profit de son rival catalan en 1992 et 1993.
2008 sonne la fin de l’ère Rijkaard avec un vestiaire divisé et une nouvelle saisons vierge de titres, malgré le quintet Henry – Ronaldinho – Deco – Messi – Eto’o. Le coach néerlandais quitte le Barça, tout comme Deco, Ronaldinho et Zambrotta. Pep Guardiola reprend l’équipe première en appliquant à l’extrême les principes du maître, Johan Cruyff : le ballon doit courir plus que les joueurs, et donc par corollaire faire courir l’adversaire. Il suffit de marquer un but de plus que l’adversaire.
Avec le trio Eto’o – Henry – Messi et les caviars fournis par Xavi ou Iniesta, Barcelone écrase la Liga et reconquiert l’Europe en 2009, s’offrant un sextuplé sur cette année en forme de millésime exceptionnel, avant un échange Ibrahimovic / Eto’o entre le Barça et l’Inter à l’été 2009.
L’Inter de Mourinho et Eto’o prive les Catalans d’une nouvelle finale européenne en 2010 tandis que le Real Madrid super-galactique, bien que renforcé par Xabi Alonso, Cristiano Ronaldo, Kakà ou Benzema, reste dauphin du club catalan en Liga.
A l’intersaisons 2010, alors que David Villa vient combler les départs de Zlatan Ibrahimovic et Thierry Henry dans l’attaque catalane, Florentino Perez fait venir le Special One José Mourinho de Milan vers Madrid mais la réponse du Barça est cinglante dans le clasico de novembre 2010 : 5-0 pour les hommes de Guardiola, qui reprennent leur titre européen quelques mois plus tard en mai 2011 à Wembley contre Manchester United et Sir Alex Ferguson, déjà leur proie lors de la chasse miraculeuse de 2009.
L’ère Guardiola se clôt en 2012 avec une seule Coupe du Roi pour cette cuvée, tandis que Tito Vilanova remplace Pep sur le banc catalan. Ce dernier prend une année sabbatique à New York avant de reprendre les rênes du nouvel ogre européen, le Bayern Munich de Jupp Heynckes, auteur du triplé Championnat – Coupe – Ligue des Champions en 2013. On pense le Barça sur le déclin après la double correction infligée par les Munichois (0-4, 0-3), ce que semble confirmer la saison 2014 sous l’égide du coach argentin Gerald Martino, malgré le recrutement du prodige brésilien Neymar. On pense que le Real Madrid, fort de sa Decima conquise au printemps 2014 à Lisbonne, va reprendre l’ascendant en Espagne mais Barcelone prépare déjà sa revanche, l’ancien joueur du club Luis Enrique venant reprendre les rênes du banc, tel Pep Guardiola en 2008, quand l’ère Rijkaard s’était terminée en queue de poisson …
Lionel Messi moins en verve en 2013 et 2014, le Ballon d’Or part à Madrid chez son rival portugais Cristiano Ronaldo, qui tutoye la perfection statistiquement. Mais le nectar et l’ambroisie ne sont pas l’apanage exclusif du natif de Madère, son rival argentin reprend la main en 2015 avec ses complices sud-américains, le Brésilien Neymar et l’Uruguayen Luis Suarez transféré en 2014 de Liverpool. Le Barça finit la saison 2015 sur les chapeaux de roue et décroche à nouveau la timbale avec un deuxième triplé Liga – Coupe du Roi – Ligue des Champions, avec une apothéose berlinoise contre la Juventus Turin de Paul Pogba, autre prodige que Barcelone convoite déjà pour prolonger cet âge d’or blaugrana, alors que Xavi quitte le club après quatre C1 gagnées en dix ans …
En 2017, le club culé subit la férule de deux trios nommés BBC : en Europe, un triumvirat défensif Barzagli - Bonucci - Chiellini fer de lance d’une Juventus Turin qui restera aussi imprenable que Fort Knox avant une finale perdue 4-1 à Cardiff contre le Real Madrid d’un deuxième triangle, offensif celui là, Bale - Benzema - Cristiano Ronaldo, souverain contre la Vecchia Signora à l’échelon continental mais aussi sur le plan national face au Barça, dauphin du roi merengue, auteur du doublé Liga / C1 pour la première fois depuis 1958 …
Ce Barça qui a perdu son latéral droit Dani Alves à l’été 2016, électron libre parti gratuitement vers la Juventus Turin, club qui éliminerait Barcelone quelques mois plus tard en Ligue des Champions.
La date du 25 novembre 2012 restera elle à jamais gravée dans la légende du FC Barcelone. Au cours d’une éclatante victoire à Levante (0-4), le Barça a aligné en même temps onze joueurs issus de son centre de formation pour la première fois de son histoire. Ce phénomène inédit a duré une grosse heure, entre la blessure de Dani Alves, remplacé par Martin Montoya au quart d’heure de jeu, et la sortie de Jordi Alba, remplacé par Adriano à la 74e. Durant cette période, le onze barcelonais était composé par Valdes, Montoya, Piqué, Puyol, Alba, Busquets, Xavi, Iniesta, Pedro, Fabregas et Messi. Que des joueurs formés au FCB.
Ce "record" peut paraitre étonnant, car Barcelone s’appuie essentiellement sur des joueurs issus de la Masia depuis de nombreuses années. Mais il n’était encore jamais arrivé que onze éléments du centre de formation barcelonais se trouvent au même moment sur le terrain pour un match officiel. Cette saison, le Barça avait déjà aligné 10 "canteranos" simultanément. C’était notamment arrivé à Getafe (1-4) à la mi-septembre, et contre Saragosse (3-1) plus tôt lors de ce mois de novembre 20121. A Levante, il a fait encore plus fort. Et il y avait huit Catalans au sein de ce onze formé au club, ce qui renforce encore un peu plus la fierté blaugrana. Seuls Iniesta, Messi et Pedro, qui viennent respectivement de la Mancha, d’Argentine et des Canaries, ne sont pas d’origine catalane. Cette équipe "made in Masia" comptait également neuf internationaux espagnols champions d’Europe et un triple Ballon d’or en titre. Et c’est durant la période où ce onze était sur le terrain que le Barça a inscrit ses quatre buts à Levante…
Cette équipe de "canteranos" symbolise le succès du modèle du FC Barcelone, inspiré au départ de celui de l’Ajax Amsterdam. Même si elle a coûté plus cher qu’on pourrait le croire. Le Barça a tout de même dépensé plus de 50 millions d’euros pour "rapatrier" Gerard Piqué (Manchester United), Cesc Fabregas (Arsenal) et Jordi Alba (Valence). Cela n’enlève rien à la fierté des Blaugranas d’avoir réalisé ce dont ils rêvaient depuis quelques temps déjà. Louis Van Gaal avait exprimé ce rêve voir jouer le FC Barcelone avec onze joueurs issus du club. C’est pour ça que je souhaite saluer Van Gaal après ce qui est arrivé ce soir, faisait remarquer un Xavi après la rencontre. Le milieu emblématique du Barça n’a pas caché son émotion d’avoir participé à moment historique. C’est extraordinaire, nous sommes fiers du travail de la cantera. J’ai vécu une époque où nous étions, avec Carles Puyol, les seuls de la Masia à jouer en équipe première, a-t-il aussi souligné.
Andres Iniesta, qui a débuté en équipe première lors du deuxième mandat de Van Gaal, mesure également le chemin parcouru. Quand j’ai commencé, c’était réellement difficile de penser que le Barça pourrait jouer un jour avec onze joueurs de son centre de formation, a reconnu le stratège catalan. Nommé l’été dernier, Tito Vilanova a matérialisé ce rêve de Van Gaal. Frank Rijkaard avait lui aussi œuvré dans cette optique auparavant, et Josep Guardiola n’a pas été loin de le réaliser entre 2008 et 2012. Mais Pep n’était jamais parvenu à aligner plus de neuf joueurs issus de la Masia en même temps. Vilanova y est arrivé. Et cerise sur le gâteau, cet événement a même forcé un brin d’admiration du côté de Madrid. Si le quotidien AS restait discret sur le sujet lundi matin, Marca n’a en revanche pas manqué de le souligner avec le titre : A onze points, avec onze canteranos. Si le nombre onze évoque beaucoup de fierté du côté de Barcelone, il ne symbolise en revanche pas du tout la même chose du côté de Madrid, José Mourinho et ses hommes perdant en 2013 le titre national reconquis de haute lutte en 2012.
Real Madrid (de 2013-2014 à 2017-2018), Cristiano Ronaldo et coach Zidane sur les traces des géants
- Palmarès : vainqueur de la Ligue des Champions (2014, 2016, 2017, 2018), champion d’Espagne (2017), vainqueur de la Coupe du Monde des Clubs (2014, 2016), vainqueur de la Supercoupe d’Europe (2014, 2016), vainqueur de la Coupe du Roi (2014), vainqueur de la Supercoupe d’Espagne (2017)
- Joueur Clé : Cristiano Ronaldo
- Joueurs Secondaires : Sergio Ramos, Luka Modric, Toni Kroos, Gareth Bale, Casemiro, Marcelo, Karim Benzema
- Entraîneur Symbole : Zinédine Zidane
- Rivaux : FC Barcelone (Messi, Neymar, Suarez, Rakitic, Busquets, Iniesta), Bayern Munich (Neuer, Robben, T. Muller, Lewandowski), Juventus Turin (Buffon, Higuain, Dybala, Bonucci, Chiellini, Pjanic, Khedira), Liverpool (Henderson, Firmino, Lovren, Mané, Salah)
- Exploit Majeur : la remontada 3-0 contre Wolfsburg au printemps 2016 en quart de finale retour de la C1, le fait d’avoir aligné deux Ligues des Champions de suite en 2016 et 2017, une première depuis l’AC Milan d’Arrigo Sacchi en 1989 et 1990, puis le premier triplé en C1 depuis le Bayern Munich entre 1974 et 1976, avec cette résilience unique en matches couperet.
- Bémol : la Undecima de 2016 à Milan fut acquise de façon très douloureuse aux tirs aux buts face au rival madrilène de l’Atletico, sans convaincre.
- Causes du Déclin : les départs conjoints de Cristiano Ronaldo et Zinédine Zidane à l’été 2018 …
Libérés en mai 2014 par la Decima attendue par le peuple merengue depuis 2002 et la volée de Zidane à Glasgow, les joueurs du Real Madrid sont guidés par un Cristiano Ronaldo qui vit son acmé personnelle : le crack portugais enchaîne les Ballons d’Or (2013, 2014, 2016 et probablement 2017) aux dépens de sa Némésis Lionel Messi, plébiscité cependant une ultime fois meilleur joueur de l’année en 2015.
Mais CR7 n’est pas le seul artisan de la Decima de 2014, la Undecima de 2016 et la Duodecima de 2017. Impressionnant de régularité défensive et d’impact offensif, Sergio Ramos est bel et bien le digne successeur d’Iker Casillas comme capitaine dans le vestiaire castillan.
Quant aux entraîneurs, Carlo Ancelotti et surtout Zinédine Zidane, ils ont fait preuve de leur savoir tactique et de leur rôle de catalyseur de vestiaire, créant une dynamique de groupe brisée durant le court mandat de Rafael Benitez au deuxième semestre 2015, marqué par un terrible 0-4 encaisse à domicile face au Barça de Lionel Messi qu’on pensait (à tort) alors revenu vers les sommets pour de bon.
Des joueurs plus discrets comme Luka Modric, Gareth Bale, Casemiro ou encore Toni Kroos ont abattu un travail colossal pour refaire du Real Madrid le meilleur club du Vieux Continent, malgré la concurrence du Bayern Munich et des rivaux nationaux, le Barça et l’Atletico (battu 4 fois de suite sur le plan européen en 2014 et 2016 en finale, 2015 en quart de finale puis 2017 en demi-finale).
L’essentiel est surtout que Florentino Perez a retenu les erreurs du passé, quand il recrutait un joueur certes talentueux comme Michael Owen mais inutile compte tenu de la densité du secteur offensif du Real Madrid de 2004 : Raul, Ronaldo, Zinédine Zidane, David Beckham et Luis Figo suffisaient largement. Nul besoin de rajouter David Beckham en 2003 et enfin Michael Owen en 2004, ces deux Anglais qui firent du vestiaire merengue un endroit où l’on se regardait en chiens de faïence façon western-spaghetti, Raul étant échaudé depuis l’arrivée d’Il Fenomeno en 2002 par Ronaldo par la dégradation du rang de Morientes en Castille, lequel s’exila en Principauté de Monaco pour la saison 2003-2004, avec à la clé une estocade en règle au stade Louis II face à son Real Madrid !
Plus équilibré, ce Real Madrid du milieu des années 2010 ne possède plus ce talon d’Achille qu’était celui de la fin de l’ère galactique, quand Claude Makélélé avait laissé les abords de la défense madrilène orphelins de sa capacité à faire respecter l’ordre tel un shérif dans le Far West. Parti en 2003 à Chelsea, le départ du relayeur français s’était accumulé avec le licenciement de Vicente Del Bosque (pourtant champion d’Espagne et demi-finaliste de la C1) et la retraite forcée du capitaine Fernando Hierro, ouvrant une ère de fortes turbulences à la Casa Blanca, dont Perez ferait les frais en 2006 par effet boomerang ...
Le Real Madrid mettrait douze ans à conquérir la Decima après la Novena de Glasgow en 2002, avec le gâchis de tant de recrutements comme Wesley Sneijder ou Arjen Robben, joueurs de talent qui trouvèrent le nirvana ailleurs, à l’Inter Milan en 2010 puis au Bayern Munich en 2013, deux clubs qui profitèrent de l’intervalle pour regagner la Ligue des Champions.
Mais depuis 2014, la concurrence fait pschitt … et les amateurs de football 2.0 en ont pour les yeux, l’OVNI Cristiano Ronaldo empile les buts comme des perles, tandis que ceux pour qui le Real Madrid représente la madeleine de Proust depuis l’ère Di Stefano (1956-1960) retrouvèrent le club merengue au climax de l’Europe, ce Real version Zidane ayant décidé de siffler la fin de la récréation et de creuser à nouveau l’écart sur son dauphin historique de l’AC Milan, avec désormais 13 Coupes aux Grandes Oreilles contre 7, nouvel Everest madrilène qui ne cesse de grimper vers le firmament …
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