Imane Khelif et Lin Yu-Ting, ou l’épineux débat sur l’hyperandrogénie dans le sport
Des années après les polémiques qui ont jalonné la carrière de l’athlète sudafricaine Caster Semenya, de vifs débats de même nature agitent le monde sportif, et même au-delà. La cause de ces controverses : l’hyperandrogénie des boxeuses Imane Khelif et Lin Yu-Ting. Une anomalie qui n’a pas manqué de poser la question de l’équité de la compétition féminine des Jeux Olympiques de Paris...
Samedi 10 août : la boxeuse algérienne Imane Khelif décroche la médaille d’or de boxe féminine à l’unanimité des 5 juges dans la catégorie des moins de 66 kg au détriment de Yang Liu, championne du monde 2023. Comme les autres concurrentes opposées à l’Algérienne lors des tours précédents – toutes battues par abandon ou sur le score sans appel de 5 voix contre 0 –, la boxeuse Chinoise, malgré tout son talent et sa solide expérience, s’est montrée incapable de résister à la puissance de son adversaire maghrébine. À noter que le même parcours et les mêmes résultats écrasants ont été observés dans la catégorie des moins de 57 kg pour la Taïwanaise Lin Yu-Ting, vainqueure en finale de la jeune Polonaise Julia Szeremeta.
Dès le début de la compétition, la présence d’Imane Khelif et Lin Yu-Ting a été dénoncée par de nombreux observateurs de la boxe, mais également par l’encadrement des adversaires figurant dans le tableau de ces sportives, au motif que leur profil génétique serait « incompatible avec un déroulement équitable des combats ». En 2023, l’IBA (Association internationale de boxe) avait d’ailleurs disqualifié la Maghrébine et la Taiwanaise lors des Championnats du monde en arguant – sur la base de tests restés confidentiels – qu’elles avaient « échoué à se conformer aux critères d’éligibilité pour participer à la compétition féminine ». Sur quelle base ? Un patrimoine chromosomique sexuel anormal, de type XXY ? Ou plus probablement un taux de testostérone trop élevé ?
Le CIO (Comité international olympique), en conflit avec l’IBA*, est passé outre l’avis des instances dirigeantes de la boxe. Il a donc autorisé Imane Khelif – « née femme et élevée comme une femme », a tenu à souligner le président Thomas Bach – et Lin Yu-Ting à prendre part aux JO de Paris. Ainsi en a-t-il été, jusqu’à l’obtention par l’Algérienne et la Taiwanaise d’une victoire acquise, chacune dans sa catégorie de poids, sans qu’à aucun moment de la compétition l’une de leurs adversaires n’ait été en mesure de contester leur évidente supériorité physique. Comme l’on pouvait le craindre, ces participations n’ont pas manqué d’alimenter les polémiques et, plus choquant, les propos nauséabonds de personnalités transphobes, tels la romancière J.K. Rowling et le milliardaire Elon Musk.
Des taux de testostérone anormalement élevés
Aux yeux de ces censeurs, mais aussi de nombreux éditorialistes de la presse populiste et de commentateurs du web, Imane Khelif et Lin Yu-Ting seraient des sportifs « transgenre ». Autrement dit des personnes mâles qui auraient changé de sexe et profité de leur nouveau genre pour s’imposer « indûment » dans les compétitions féminines. Ces affirmations, le plus souvent formulées de manière péremptoire, et parfois délibérément malveillante, ne reposent sur aucun fait biographique avéré. La probabilité de cas d’hyperandrogénie est en revanche très élevée, ce que semblent indiquer les décisions prises en 2023 par les responsables de l’IBA sans toutefois que les résultats détaillés des tests effectués n’aient donné lieu à la moindre publication par cette instance.
Qu’en est-il de l’hyperandrogénie ? Pour faire simple, cette anomalie – qui peut avoir plusieurs origines – est notamment caractérisée par une présence excessive d’androgènes dans l’organisme : outre les hormones sexuelles qui leur sont propres (œstrogènes et progestérone), les femmes concernées produisent en effet des hormones masculines, en l’occurrence de la testostérone, en quantité supérieure à la normale. Chez une femme, le taux de testostérone normal peut aller de 0,3 à 3 nanomoles par litre de sang. Chez un homme, ce taux est compris entre 8 et 35 nanomoles. Or, il arrive que l’on constate chez certaines femmes atteintes d’hyperandrogénie des taux de testostérone pouvant s’élever à 30 nanomoles, ce qui n’est évidemment pas sans conséquences.
Tel est probablement le cas d’Imane Khelif et de Lin Yu-Ting. Deux femmes qui, au cours des dernières semaines, ont à l’évidence souffert au plan psychologique d’être, ici qualifiées de sportives « transgenre », là de personnes « intersexuées ». Deux femmes qui, de ce fait, ont été vilipendées de manière souvent très virulente, notamment sur les réseaux sociaux. Victimes, leurs adversaires l’ont également été, à la hauteur des frustrations qu’elles ont ressenties du fait de leur incapacité physique à contrer la puissance de sportives au profil génétique atypique. Dès lors, que faire pour statuer définitivement sur de tels cas ? Faut-il faire droit aux premières ? Ou bien se rendre aux arguments des secondes ? Seule certitude : il n’y a que des mauvaises solutions !
* En charge de la boxe amateur, l’IBA a été mise en cause par le CIO pour la gestion opaque des compétitions. Notamment pour la désignation des juges et des arbitres. Accusés de partialité, les 36 ayant officié lors des Jeux Olympiques de Rio en 2016 ont été écartés. En 2019, le CIO est allé plus loin en retirant à l’IBA la responsabilité d’organiser la sélection des athlètes aptes à concourir lors des JO.
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