La FIFA contre les supportrices « sexy » : victoire du féminisme... ou du Qatar ?
Nous avons vu, avec les cas du véganisme et de l'anti-racisme, comment des intentions louables, si elles vont au bout de leur logique, si elles ne sont pas tempérées, produisent des comportements assez monstrueux. Nouvelle illustration avec le féminisme.
Dans mon article du 11 juillet, portant sur les réactions politiques (inappropriées) à la qualification de la France pour la finale de la Coupe du Monde de football, j'avais intégré cette image de joie d'une supportrice argentine, que je trouvais très belle. Une image qui montrait, à mon sens, ce qu'une victoire ou un but pouvait provoquer de plus pur (et qui ne réclamait aucun commentaire extra-sportif parasite).
Quelle ne fut pas ma surprise, le lendemain, d'apprendre qu'une telle image était dans le viseur de la Fifa, qui a demandé aux diffuseurs télé de réduire les gros plans sur les jolies spectatrices pendant les matchs de la Coupe du Monde en Russie !
La télévision russe est particulièrement visée, nous dit-on, notamment depuis le match d'ouverture face à l'Arabie saoudite. Une rencontre durant laquelle une supportrice particulièrement glamour avait eu souvent les faveurs du réalisateur.
Lutter contre le sexisme ?
La raison invoquée par la Fifa ne peut manquer de surprendre : si elle veut limiter les gros plans sur les femmes "sexy", ou simplement jolies, c'est pour lutter contre le sexisme. « Ce sera l'un de nos axes de développement, c'est normal. Nous avons étudié les images, et ce sexisme était assez flagrant », a ainsi déclaré le responsable du programme diversité de la Fifa, Federico Addiechi.
Pourtant, comme l'a remarqué la sénatrice Laurence Rossignol, il y a là comme un malentendu ; en effet, "le sexisme n’est pas le fait des femmes, de leur tenue ou de leur impudeur, mais des comportements qu’elles subissent au prétexte de leur tenue".
Gros malentendu sur la lutte contre le sexisme. Le sexisme n’est pas le fait des femmes, de leur tenue ou de leur impudeur mais des comportements qu’elles subissent au prétexte de leur tenue. Bientôt un code vestimentaire pour accéder aux tribunes ? https://t.co/PHig1yz04G
— Laurence Rossignol (@laurossignol) 13 juillet 2018
Dire qu'il ne faut pas montrer une jolie femme à des mâles en rut, si celle-ci ne veut pas être victime de sexisme, rappelle la logique qui veut qu'en terre d'islam une femme doive porter le voile si elle aspire à ne pas être importunée. Si l'on en croit l'une de ses victimes supposées, Tariq Ramadan aurait même déclaré : "soit vous êtes voilée, soit vous êtes violée". Dans les deux cas, si l'on comprend bien, dévoiler sa beauté signifierait aux violeurs potentiels et autres harceleurs que c'est open bar ?
En route vers le Mondial au Qatar
Sur Twitter, de nombreux observateurs (pas du tout classés à l'extrême droite, ce qui est d'autant plus significatif) ont tissé un lien entre cette décision de la Fifa et l'organisation de la prochaine Coupe du Monde, en 2022, au Qatar.
C'est le cas, par exemple, du journaliste au Figaro Alexandre Devecchio...
Pas de doute, la #FIFA sera prête pour la coupe du monde au Qatar...
"Lors d'un briefing mercredi, le responsable du programme diversité de #FIFA a demandé aux diffuseurs télé de réduire les gros plans sur les jolies spectatrices." https://t.co/KHIFiPCjJf— Alexandre Devecchio (@AlexDevecchio) 13 juillet 2018
... de la journaliste Françoise Laborde...
Cest pour préparer la #CoupeDuMonde au Quatar ? Quand l’argent des petromonarchies s’attaque à la liberté des femmes ? https://t.co/6yfuUgAe2W
— Francoise Laborde (@frlaborde) 13 juillet 2018
... mais aussi du sénateur de Paris (UDI) Yves Pozzo di Borgo...
C’est le Qatar qui a déjà pris le pouvoir à la #FIFA ?
— Yves Pozzo di Borgo (@YvesPDB) 12 juillet 2018
... ou encore de l'historien Christian Delporte...
Tiens, brusquement, la #FIFA devient féministe (féminisme qui était jusqu'ici le cadet de ses soucis)... juste quatre ans avant la Coupe du monde au Qatar. La FIFA nous prendrait-elle pour des quiches ? https://t.co/4MkoeaHhGx
— Christian Delporte (@chdelporte) 13 juillet 2018
La prochaine Coupe du Monde ayant lieu au Qatar, le Fifa commencerait donc à appliquer les règles religieuses imposées par les émirs sous le prétexte fallacieux du "féminisme" ? Avouez que ce serait assez ironique... mais pas tellement surprenant, tant le féminisme est de nos jours instrumentalisé par l'islamisme.
Le 9 juillet, AJ+ avait dressé le portrait de Fatma Samoura, qui se trouve à la tête du secrétariat général de la Fifa depuis 2016 ; musulmane, elle a fait de la lutte contre le sexisme dans le football l'une de ses priorités. Ceci expliquerait-il cela ?
Elle s'appelle Fatma Samoura, elle est Sénégalaise et à la tête du secrétariat général de la #FIFA depuis 2016. Portrait. pic.twitter.com/RP4pxlOt3S
— AJ+ français (@ajplusfrancais) 9 juillet 2018
Pour rappel, AJ+ est un nouveau média qui s'adresse aux "générations connectées et ouvertes sur le monde", mais qui, derrière sa façade progressiste, s'avère être une succursale d'Al-Jazira, la chaîne télé détenue par la famille royale du Qatar. Le 25 avril dernier, Marianne avait publié un long article qui montrait comment la propagande du Qatar se cachait derrière un progressisme féministe et LGBT.
Bienvenue dans le fémino-totalitarisme !
Sans pointer du doigt l'islam et le Qatar, d'autres observateurs ont dénoncé l'invocation du progressisme, de la lutte contre le sexisme, pour justifier la décision de la Fifa. C'est le cas de la (très jolie) journaliste Apolline de Malherbe...
La prochaine étape c’est d’interdire aux filles « sexy » d’aller au stade ou même de sortir dans la rue ? Ou d’imposer une longueur de jupe et les bras couverts ? Et on nous dit que c’est progressiste, que c’est pour luter contre le sexisme ?!?? 😡 #FIFA https://t.co/ZEcGTALLZJ
— Apolline De Malherbe (@apollineWakeUp) 13 juillet 2018
... ou de Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France...
Refusons tous ce nouveau sexisme qui, sous couvert de "progressisme", cherche à culpabiliser notre liberté chérie. Les communautaristes ne supportent pas que les femmes soient heureuses, épanouies, "sexy" si elles le souhaitent, toujours belles car libres. https://t.co/3t9CyoUFTx
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) 13 juillet 2018
Comme on le voit, nombreux sont ceux qui ont vu que le progressisme affiché n'était ici que le faux-nez d'un authentique sexisme qui ne dit pas son nom. Et l'on dénonce à bon droit une "régression", de la "pudibonderie", ou encore un "féminisme castrateur" et "totalitaire", marqueur d'une bien "triste époque".
Vivre dans un monde dans lequel, au nom d’un #féminisme castrateur et d’un #puritanisme braillard, la #FIFA en vient à interdire les gros plans sur "les supportrices sexy". Cacher la beauté de certaines femmes pour épargner les autres, bienvenue dans le fémino-totalitarisme ! pic.twitter.com/zD9Ugyij0U
— Kevin Bossuet (@kevinbossuet) 13 juillet 2018
La Fifa ne veut plus que les réalisateurs filment les jolies femmes supportrices dans les stades. Cette pudibonderie digne de l'Angleterre victorienne est une pathétique régression. pic.twitter.com/tGCg5o9aSW
— Gabriel Robin (@gabirobfrance) 12 juillet 2018
Tout de meme révélateur d'une époque très triste. C'est toujours réjouissant de voir un beau visage féminin. Mais puisqu'il faut fabriquer des générations de robots sans émotion, je comprends la démarche.
— La Tota (@MichaelLaTota) 12 juillet 2018
La censure des belles images de supportrices est déjà en marche. Fin juin, l'agence Getty a retiré sa sélection de photos des « fans les plus sexy de la Coupe du monde » suite à des critiques sur les réseaux sociaux. L'agence a ensuite qualifié la sélection de « regrettable erreur de jugement ».
Résistance !
Mais tout n'est pas perdu. De nombreux médias ont malgré tout publié des sélections de « jolies supportrices [qui] enchantent les tribunes », même si ces choix éditoriaux sont de plus en plus controversés.
Saluons notamment la sélection de Maxifoot, dont voici, en guise de résistance au Nouvel Ordre Pudibond, quelques clichés où se déploie la beauté féminine venue des quatre coins du monde (Tunisie, Russie, Croatie, Japon, Iran, Portugal...) :
Le Tour de France dévoile, même à ceux qui n'aiment pas le vélo, les merveilles des paysages français. La Coupe du Monde, jusqu'ici, dévoilait, même à ceux qui n'aiment pas le foot, la variété des beautés féminines.
Les plans sur les supportrices datent, en fait, du Mondial 1998 en France, et avaient justement permis de rapprocher le foot du public féminin, qui, auparavant, était perçu comme un sport de "beaufs". La parenthèse authentiquement féministe dans le football n'aura-t-elle duré que 20 ans ?
Message à la #FIFA de la part des jolies supportrices...
⚽️👀🖕🏻 pic.twitter.com/2VAgBSTJRJ— Nancy Redmond (@heliotrope4) 13 juillet 2018
De la FIFA au PAF : vers la révolution des "boudins" ?
Dans un article paru ici même le 13 juillet, Nicolas Kirkitadze prenait la défense de l'initiative de la Fifa, et faisait cette remarque :
« Quant à ceux qui gloussent du qualificatif "sexiste", ils devraient y réfléchir à deux fois. Les filles que les caméramans montrent sont toujours légèrement habillées et ont toujours la vingtaine, un air glamour et correspondent affreusement aux canons de beauté occidentaux. Pas une seule fille à lunettes, bien en chair ou âgée de plus de trente ans. Ces messieurs préfèrent des bimbos maigrelettes et adolescentes peinturlurées. »
Cette réflexion me semble bien naïve. Oui, les réalisateurs nous montrent de jolies jeunes femmes, bien plus souvent qu'ils ne nous montrent des femmes laides ou vieilles. Car c'est la règle à la télévision, qui est avant tout un spectacle. Et la beauté attire et fait sans doute grimper l'audimat. Voyez comment sont composés les publics, dans n'importe quelle émission, "On n'est pas couché" par exemple : on s'arrange toujours pour que plusieurs jolies jeunes femmes soient bien visibles derrière les invités (les vieilles et les laides sont mises au second rang, dans l'ombre, afin qu'on ne les voie pas immédiatement).
D'ailleurs, si le public (venant spontanément) ne convient pas (pas assez beau, pas assez jeune), on place des figurants (recrutés et rémunérés) dans le public. Comme l'explique le responsable communication de l'agence Cassandra (qui recrute entre 18 et 30 ans) :
« Etre figurant sur un plateau Tv, c’est être « acteur » du show. Le figurant est là pour dynamiser, embellir ou rajeunir un public. »
Il en est de même partout. Avez-vous déjà vu une femme vieille et laide présenter le journal de 20h ou la météo ? Non, elles sont toujours fraîches et agréables à regarder. Qui peut, sans mentir, dire qu'il regarderait avec le même plaisir et surtout la même régularité une émission présentée par un "boudin" ? Aucun patron de chaîne ne s'amusera à prendre un tel risque.
Cette réflexion sur la télévision pourrait s'étendre : on sait bien qu'on n'invite pas (sauf exception), même dans les émissions un brin culturelles, les gens les plus intelligents, ceux qui ont réellement une œuvre, mais les bons clients, les beaux parleurs, les rares intellos aptes à s'exprimer en peu de mots, avec des formules chocs, et à susciter des clashs. D'où le succès d'un Michel Onfray, pourtant méprisé dans les milieux académiques, ou d'un Alain Soral dans les années 1990, parfaitement adapté à la télé de Thierry Ardisson, Evelyne Thomas ou Mireille Dumas. L'immense majorité des universitaires restent dans l'ombre, parfois dans l'aigreur, n'étant jamais invités, parce qu'ils ne tiennent tout simplement pas la route en termes de spectacle, en comparaison d'un Onfray, d'un BHL ou d'un Finkielkraut.
Véganisme, (pseudo-) féminisme et... islamisme : même combat ?
Mais revenons à nos moutons, je veux dire à nos pseudo féministes. Finalement, la décision de la Fifa semble préparer le terrain en vue du Mondial qatari et fait l'affaire des "féministes islamistes", pour lesquelles les femmes sont libres de se cacher. Mais ce n'est pas tout ; elle est aussi soutenue, là est la surprise, par le réseau « Osez le fémninisme ! ». Sa porte-parole, Raphaëlle Rémy-Leleu, a dit tout le bien qu'elle en pensait ; elle estime que les gros plans sur les jolies femmes lors des matchs les "objectifient", les transforment en "femmes objets", et que les commentaires qui les accompagnent les "sexualisent".
Hey la bande de gros rageux et agresseurs depuis mon passage aux @GG_RMC : assumez vos frustrations et remballez vos violences. Quand je regarde #CM2018 c'est pour voir du beau foot pas des femmes objets !
— Raphaëlle Rémy-Leleu (@RaphaelleRL) 13 juillet 2018
A noter cependant une voix discordante au sein du collectif « Osez le fémninisme ! », celle d'Agnès Setton, qui critique la décision de la Fifa.
Le féminisme de la #FIFA.
Un peu comme l'écologie de Mosanto. Ou l'altruisme de Neslé.
Les mecs, couchez vous directement devant le Qatar pour 2022 mais arrêtez de nous prendre pour des débiles mentales. https://t.co/DPZUmWm5Wx— Agnès Setton (@DrAgnesSetton) 13 juillet 2018
Cette alliance, surprenante au premier abord, de progressistes radicaux (féministes) et de conservateurs radicaux (islamistes) se retrouve sur le thème du véganisme.
Dans la Tribune de Genève du 2 juillet, au moment même où des militants végans caillassent des boucheries artisanales entre Genève et Nyon, Virginia Markus, militante antispéciste, Elisa Keller, déléguée suisse de l’association 269 Libération animale, et Pia Shazar, présidente de l’association Pour l’Égalité animale, nous expliquent pourquoi l’abattage rituel halal et casher, impliquant pourtant l’égorgement de l’animal sans étourdissement, ne fait pas partie de leurs cibles :
« Au vu du contexte d’islamophobie inacceptable dans lequel nous vivons, taper sur une population déjà stigmatisée ne serait vraiment pas anodin. De plus, tenir un discours critiquant l’abattage rituel en particulier risquerait d’être relayé par des mouvements xénophobes, ce que nous voulons éviter à tout prix. »
« C'est délicat de militer en tant que Blanc et de dire à des personnes racisées ce qu'elles doivent faire. »
« Chez certaines communautés migrantes (...), la nourriture est un bagage très important, c'est quelque chose qui rassure. Notre but est de rendre véganes les populations qui ont la possibilité de le devenir. C'est complètement envisageable pour un Suisse de classe moyenne supérieure d'arrêter de consommer des produits animaux, ça l'est moins pour une personne noire, qui doit déjà s'intégrer, qui parle une autre langue. »
Commentaire désabusé de l'essayiste Éric Guéguen :
« Les végans, nouveaux complices de l'islamisme » ? La question est posée.
Ce qui est sûr, c'est que certains végans sont prêts à tout pour nous dégoûter et nous culpabiliser d'être omnivores :
Véganisme et féminisme, dans leur version radicale, puritaine, sont comme les deux mâchoires idéologiques qui veulent nous amputer des (rares) plaisirs de la vie. Les uns veulent nous retirer viandes et poissons de nos assiettes, les autres rêvent de rendre invisibles les jolies femmes dans les stades (et sans doute partout ailleurs). Par une ironie dont l'Histoire est coutumière, ces deux mouvements, très offensifs d'ordinaire, se retrouvent inoffensifs devant l'islamisme (qui est pourtant aux antipodes de leurs valeurs), fort compréhensifs, en un mot, complices.
L'enfer, comme chacun sait, est pavé de bonnes intentions.
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