Jean-Michel Aulas est un personnage qui ressemble beaucoup à Nicolas Sarkozy, dont il est je crois un soutien fidèle. L’un comme l’autre ont l’art et la manière d’accuser les autres à chaque échec. Ainsi J.M. Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, fait preuve d’une mauvaise foi évidente quand il affirme que l’échec de Lyon c’est celui du football français qui prône l’égalitarisme au lieu de favoriser l’élitisme. Certes il fait semblant de reconnaître une part de responsabilité personnelle dans le fait que l’Olympique Lyonnais ne parvienne pas à franchir le cap des 1/8 de finales en Ligue des Champions, mais au fond de lui-même il est convaincu que ce n’est en aucun cas à cause de sa politique sportive et managériale.
D’ailleurs, aussitôt la défaite consommée contre le F.C. de Barcelone, J.M. Aulas a appelé très clairement les dirigeants (clubs et fédération) à prendre conscience des faiblesses du football français à l’échelon international. Voilà qui est dit, sans complexe pour parler comme le journal l’Equipe. Et effectivement ce ne sont pas les complexes qui troublent la vie de ce dirigeant, encensé et loué par la presse pour sa gestion sportive depuis bientôt deux décennies. A ce propos, j’en profite pour dire que je ne mésestime le rôle de J.M. Aulas, qui a fait de son club une véritable référence au niveau national, et a fait connaître l’Olympique Lyonnais au niveau européen. En revanche, lui qui se veut un gagneur invétéré, n’arrive pas à faire de Lyon ce que Porto ou Villareal ont fait avec des moyens infiniment plus faibles.
Certes Porto ou Villareal n’ont pas rencontré en 1/8 è de finale deux adversaires du calibre de Barcelone. Certes l’an passé Lyon a été éliminé par le futur vainqueur de l’épreuve, Manchester United, mais le résultat est là : Lyon est éliminé. Curieusement ce n’est pas le tirage au sort qu’accuse J.M. Aulas alors qu’il pourrait le faire. Non il en veut à tout le monde (ou presque) et dénonce le système, c’est-à-dire le manque de moyens dont disposent les clubs français à l’échelle européenne. C’est d’autant plus curieux que J.M. Aulas a presque toujours tout obtenu des instances sportives et politiques de son pays, jusques et y compris la possibilité d’introduire son club en Bourse…avec la réussite que l’on connaît. Ceux qui ont souscrit à des actions du Groupe Olympique Lyonnais s’en souviendront longtemps !
C’est cela qui me gêne le plus dans la démarche et les déclarations de J.M. Aulas. S’il n’était pas aussi mégalomane, il aurait d’abord essayé de faire grandir son club de manière rationnelle. Par exemple en faisant des efforts pour donner à son club une véritable politique sportive…adaptée à ses moyens. Quoiqu’il fasse, l’Olympique Lyonnais ne suscitera jamais la ferveur qui est celle du Barça à Barcelone, du Real à Madrid, de Manchester United à Manchester, de l’AC Milan et l’Inter à Milan ou de la Juventus à Turin. C’est ainsi et pas autrement, et ces clubs que je viens de citer ont une histoire que n’a pas l’Olympique Lyonnais. Ils sont au sommet du football européen depuis plus de 50 ans…alors que l’Olympique Lyonnais est au sommet du football français depuis moins de 10 ans. Un peu de modestie et de réalisme feraient parfois du bien à J.M. Aulas !
La non-qualification est un échec certes, mais ce n’est pas le drame que le président lyonnais veut nous faire avaler. Son club a été battu par une équipe qui a de fortes chances de remporter l’épreuve, au même titre que Liverpool, Chelsea ou Manchester United, trois des quatre clubs anglais encore qualifiés. Et cela m’amène à une remarque dont J.M. Aulas ne parle pas, à savoir qu’à coté de ces grands clubs, il y a Arsenal, le Bayern de Munich, mais aussi Porto ou Villareal, clubs à l’effectif en valeur absolue loin d’être supérieur à celui de Lyon. J’ajoute même qu’aux dires des techniciens, ce que je ne suis pas, l’effectif lyonnais a plus de qualités individuelles que celui des clubs que je viens de citer.
Prenons l’effectif de Villareal, et qui trouve-t-on ? Deux ou trois grands joueurs dont Cazorla, Senna et un autre âgé aujourd’hui de 36 ans, mais qui tient encore remarquablement bien sa place, Robert Pirès. Au fait, pourquoi J.M. Aulas qui a dépensé 18 millions d’euros pour Keita il y a deux ans, n’a-t-il pas fait venir Robert Pirès à Lyon ? Voilà une bonne question sur laquelle devrait méditer J.M. Aulas. Et qu’il ne vienne pas nous dire que c’est une question de moyens car Pirès n’aurait pas coûté cher, surtout pour un club qui vend chaque année ses meilleurs joueurs, comme Diarra, Tiago, Essien, Abidal et Malouda qui ont dû rapporter ensemble entre 2006 et 2007 plus d’une centaine de millions d’euros.
Il y a un autre joueur français qu’aurait pu acheter J.M. Aulas et qui n’aurait pas, lui non plus, coûté très cher, à savoir Aly Cissokho. C’est un défenseur qui évolue aujourd’hui au F.C. Porto et qui va lui aussi disputer les ¼ de finales de la Ligue des Champions. En 2007-2008, il jouait à Gueugnon, club de Nationale 2 en France. Il a été remarqué par les recruteurs portugais de Setubal, puis ensuite par le F.C Porto qui lui trouve beaucoup de qualités (rapidité, tonicité etc.) et lui fait signer un contrat en janvier de cette année. L’histoire est belle pour ce jeune joueur que certains voient très rapidement en Equipe de France. Cela étant, elle est moins belle pour Lyon…qui a cherché en décembre et janvier derniers, sans le trouver, un arrière latéral pour pallier les blessures de Grosso, Reveillère et Clerc. Un vrai gâchis, n’est-ce pas Monsieur Aulas ?
Et cela me fait dire qu’au lieu d’essayer d’acheter Eto’o ou Drogba en faisant du déficit, peut-être que l’Olympique Lyonnais devrait garder ses techniciens plus longtemps pour que ceux-ci puissent travailler dans la durée, au lieu de les mettre à la porte comme J.M. Aulas l’a fait l’année passé avec Perrin…après un doublé Coupe-Championnat. Dans le même ordre d’idées, peut-être aussi que J.M. Aulas devrait comprendre que dans son club la partie sportive doit être séparée de la partie administrative, par exemple comme à Barcelone où Guardiola a les pleins pouvoirs sur la gestion de l’effectif qui lui est attribué .Peut-être enfin que l’O.L. devrait davantage insister sur la formation maison qui lui a déjà donné des joueurs comme Ben Arfa et surtout Karim Benzema, aujourd’hui son meilleur joueur, même s’il ne vaut pas 100 millions d’euros comme le clame J.M. Aulas. Toujours ce souci de l’exagération !
Et puisqu’on parle d’exagération, est-ce que J.M. Aulas n’exagère pas quand il affirme que l’Espagne a des lois fiscales qui font que les meilleurs joueurs viennent chez elle et que l’écart avec les meilleurs clubs espagnols est énorme . Par exemple qu’a fait le Real contre Liverpool ? Et puis combien y-a-t-il de clubs italiens encore qualifiés en Ligue des Champions ? Zéro, comme chez nous en France où nos clubs brillent au moins en Coupe de l’UEFA, ce qui n’est pas le cas des clubs italiens (même le Milan AC a été éliminé !). Alors Monsieur Aulas, faites en sorte de repartir sur de bonnes bases et essayez d’imiter Porto ou Villareal, ce qui vous permettra peut-être de gagner la Ligue des Champions comme l’avait fait le F.C. de Porto* en 2004…en battant Monaco en finale, Monaco qui avait éliminé le Real et Chelsea. Porto et Monaco plus riches que Lyon ? Cela m’étonnerait.
Michel Escatafal
* Porto a gagné la Coupe de l’UEFA en 2003, la Coupe d’Europe (C1) en 1987, la Ligue des Champions en 2004.