Le football se lève à l’est
Il est de bon ton au vu des demi-finales de la Ligue des Champions de s’extasier sur l’excellente forme de la Premier League qui aura vu trois de ses représentants être présents à ce stade de la compétition. Il ne faudrait pas pour autant atténuer l’émergence de ces clubs venus du froid, et plus particulièrement de la Première Ligue russe où sont investis de plus en plus de fonds pour attirer entraîneurs et joueurs de qualité. Au-delà du simple aspect sportif, c’est aussi une aisance financière étalée au vu et au su du vieux continent : une façon comme une autre de prouver la bonne santé économique du pays.

Des résultats européens probants
Récemment le Zénit Saint-Pétersbourg est venu créer la surprise en piégeant le Bayern de Munich, un vieux briscard des coupes d’Europe pourtant, sur son propre terrain [1]. Si cela fut perçu comme un exploit par certains, d’autres n’en furent guère surpris. Il est vrai que la présence de ce club en demi-finale de la Coupe de l’UEFA est une redite, en plus aboutie, de la campagne 2005-2006 où l’équipe s’incrusta en quart de finale pour ne céder que devant le futur vainqueur de cette édition, le FC Séville. Comment ne pas mentionner aussi la victoire finale du CSKA Moscou au sein de la même épreuve en mai 2005 ? Le stade de Lisbonne accoucha d’un champion européen atypique sur un score sans appel face à un adversaire pourtant renommé.
Un championnat se bonifiant au fil des saisons
Il n’y a aucune volonté d’initier une polémique quant à une présumée possibilité de mesurer la santé d’une nation par le biais de ses résultats sportifs : un tel débat ne pouvant qu’être stérile et sans viabilité démonstrative. En revanche il est plus opportun de constater que le championnat russe a redressé la tête ces dernières années et qu’un certain complexe d’infériorité vis-à-vis de ses homologues européens a disparu avec sa montée en puissance dans les compétitions continentales, comme le rappelle le paragraphe précédent. Et ce phénomène n’est en rien dû au hasard... Bien sûr on peut évoquer l’appel à des joueurs étrangers d’expérience comme les Portugais Custódio et Bruno Basto, le Slovène Nastja Čeh, le Sud-Africain Matthew Booth, l’Argentin Guillermo Pereyra, l’Italien Ivan Pelizzoli, le Polonais Mariusz Jop ou encore le Serbe Savo Milošević qui, s’ils ne sont pas des stars scintillantes comme on en voit en d’autres ligues professionnelles, sont en revanche des sportifs solides et efficaces, ad hoc pour un jeu russe ne faisant guère dans la fioriture. Il faut aussi évoquer, du fait de leur importance tout aussi primordiale que ceux œuvrant sur le terrain, les entraîneurs. Ainsi peut-on évoquer Rolland Courbis et sa prise en main le temps d’une saison de l’Alania Vladikavkaz, tout comme Dick Advocaat s’occupant de l’actuel champion russe, le Zénit Saint-Pétersbourg. Le tout couplé à des joueurs et managers nationaux de qualité dont il serait trop long de faire la liste : citons juste Yegor Titov, Aleksandr Kerzhakov, Aleksandr Anyukov et Stanislav Cherchesov.
Un robinet à roubles desserré
Cependant, et à moins d’avoir un réservoir quasi inextinguible de jeunes talents comme le Brésil ou l’Argentine, il faut bénéficier d’un « coup de pouce » bienvenu pour gravir des paliers, soit en améliorant les infrastructures (rénovation, voire construction de stades et création de centres de formation), soit en attirant et/ou en retenant des joueurs de valeur dans le championnat local. Et là on retrouve plusieurs sponsors d’importance : le groupe financier VTB, le premier producteur de méthanol russe Metafrax, le complexe métallurgique Metalloinvest ou encore le poids lourd toutes catégories, Gazprom ! Ce dernier n’ayant pas hésité à investir massivement dans le club préféré des Pétersbourgeois depuis sa prise de contrôle en décembre 2005, prenant en charge la construction d’un nouveau stade de 62000 places [2] (pour la bagatelle de 250 millions de dollars, soit 160 millions d’euros !) ultra-moderne et répondant à tous les critères de l’UEFA dans l’optique avouée d’accueillir des finales européennes à brève échéance. En attendant la fin de sa construction, l’on peut considérer que l’argent placé le fut à bon escient puisque le Zénit s’empara de la couronne de champion de Russie en 2007 et réalise, comme précisé au début de cet article, des performances plus qu’honorables sur les pelouses européennes.
Le football, une affaire d’Etat désormais ?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, le président Vladimir Poutine s’est préoccupé il y a quelques mois de la question de la retransmission payante des matchs de football. Et preuve supplémentaire que l’on ne rigole pas avec cette discipline sportive, y compris au Kremlin, ce dernier ne s’est pas privé non plus de parler ouvertement de la trop grande proportion d’étrangers au sein du championnat, risquant d’étouffer la croissance des jeunes pousses russes à l’instar du championnat anglais qui ne produit guère de joueurs de grand niveau (et ça se ressent du reste dans les matchs de l’équipe nationale).
Les Russes futurs champions de la Ligue des Champions ? N’allons pas trop vite, le chemin est encore long avant d’espérer titiller les pointures anglaises [3], mais les possibilités financières de plus en plus ostensibles dans le championnat russe ainsi que les résultats de plus en plus probants sur la scène internationale des clubs incitent à émettre des hypothèses favorables à l’émergence d’une ligue professionnelle de poids à moyen terme sur le continent européen.
[1] Match retour prévu le jeudi 1er mai à 18h30 à Saint-Pétersbourg, avec l’avantage du but à l’extérieur pour le Zénit.
[2] A titre de comparaison, le stade Vélodrome de Marseille peut accueillir officiellement 60032 places, le stade Gerland 41044 places et le stade de France 80000 places.
[3] Soulignons tout de même que le fameux club londonien Chelsea bénéficie des largesses financières sans limites, ou presque, de l’oligarque russe Roman Abramovitch depuis 2003. Période coïncidant avec un nouveau souffle au plus haut niveau, l’affublant au passage d’un nouveau surnom faisant référence au magnat russe : Chelski.
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