Les petits pays sont de grandes nations !
Le sport sert dans certains cas à exprimer un patriotisme chez le public, plus ou moins relayé, voire entretenu artificiellement par les médias. Toutefois, en Europe du moins, il faut faire le tri entre le patriotisme de bon aloi, souvent issu des « petits » pays, pacifiques et ouverts, et le stato-nationalisme outrancier de divers « grands » Etats en mal d’hégémonisme et d’impérialisme plus ou moins post-colonial. Pour des résultats sportifs qui n’ont pas grand-chose à voir avec la taille des pays.
Puisque c’est d’actualité (en France surtout), parlons du tournoi international de tennis de Roland-Garros. Parmi les quatre demi-finalistes dames de cette année, on en compte trois issues de petite pays comparables à la Bretagne : la Belge Justine Henin (1e au classement WTP, lauréate du tournoi en 2005 et 2006), la Russe Maria Sharapova, et face à elles nous avons deux Serbes : Jelena Jankovic (5e WTA) et Ana Ivanovic (7e WTA, récente lauréate du tournoi de Berlin). Jelena Jankovic a même battu la coriace américaine Venus Williams. En Serbie, l’engouement grandit pour les deux Belgradoises dans un patriotisme sportif plus sain que certains relents de la guerre de l’ex-Yougoslavie (tiens, encore un grand Etat qui dominait plusieurs petits, quelle coïncidence !)... La Serbie n’est pas en reste cette année puisque Novak Dojkovic affrontera en demi-finale le jeune Rafael Nadal, n° 2 mondial, catalan de nationalité (tiens tiens, encore un « petit » pays de 5 millions d’habitants, ils sont partout ma parole !). L’autre demi-finale opposera le russe Nikolay Davydenko, tête de série n° 4, au numéro 1 mondial, Roger Federer (qui vient d’où ? de Suisse, encore un de ces « petits » pays). En matière de tennis, on pourrait encore citer d’autres petits pays comme la Croatie, la Tchéquie, la Suède...
J’ai pris l’exemple du tennis mais on pourrait parler de n’importe quelle discipline. En sports d’équipe, les « petits » ne sont pas en reste. Il n’est pas besoin d’être un Etat centralisé régnant sur diverses régions du continent ou même du globe pour se distinguer. Ainsi, en rugby, une bonne moitié de l’élite mondiale concerne des pays comprenant entre 3 et 5 millions d’habitants : Nouvelle-Zélande, Pays de Galles, Ecosse et Irlande. En football, parmi les finalistes des quatre dernières Coupes d’Europe des nations, on compte deux « grands », l’Allemagne et la France, et deux « petits » la Grèce et le Danemark, toujours de taille comparable à la Bretagne. Et encore : beaucoup de petits pays de taille comparable possèdent des sélections nationales que l’on n’autorise pas à jouer officiellement dans ces compétitions : Pays basque, Catalogne, Bretagne notamment, et qui se contentent de jouer des matchs amicaux qui avec la Serbie, qui avec le Nigéria, qui avec la Cameroun... Et cependant, d’autres, qui ne sont pourtant plus non plus des Etats indépendants, y ont droit : Pays de Galles et Ecosse, alors pourquoi pas eux ? Parce que les « grands » dont ils sont politiquement dépendants les en empêchent. Et pourtant, même certaines régions encore plus petites (moins de 1 million d’habitants) y sont représentés (et c’est leur droit) : Malte et le Luxembourg (moins de 500 000 habitants chacun), que le hasard de l’Histoire a bien voulu laisser indépendants de grands voisins au comportement guerrier. Même la région autonome des îles Feroe (moins de 50 000 habitants) a sa sélection qui participe à la Coupe d’Europe, la Coupe du monde... Il y a là des injustices patentes.
En réalité, il n’est pas de petits nations qui ne se distinguent dans au moins un sport : la Finlande en rallye automobile et en hockey sur glace (premiers européens sinon mondiaux), la Bretagne en voile, la Belgique en cyclisme, la Slovaquie ou les Pays-Bas en natation, la Suède ou la Norvège en sports d’hiver, la Hongrie, la Lituanie...
A l’inverse, ce n’est pas parce que l’on est un « grand » pays, riche et développé de surcroît, que l’on brille en matière sportive. L’exemple type est la France, qui compense sa médiocrité sportive centenaire en déifiant le moindre champion (il semble maintenant que Zinédine Zidane ait pris sa retraite et que décidément, en matière de tennis ou encore de cyclisme aucun champion français n’émerge depuis 25 ans, Laure Manaudou doive faire face à ce culte politico-médiatique). Citons aussi l’Angleterre qui, après un passé sportif particulièrement brillant, semble s’en tenir à un palmarès singulièrement médiocre.
Non, vraiment, il est mal venu pour les « grands » de mépriser les « petits ». Les réguliers cocoricos franchouillards politico-médiatiques sont sans doute les plus ridicules et mal venus d’Europe.
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