Mon désamour ovale
Le Rugby des robots ...
L'ennui d'aujourd'hui n'est pas l'épopée d'antan.
Il fut une époque où, pour rien au monde, je n'aurais manqué un match du tournoi des six nations. J'avoue que la formule n'est pas tout à fait fidèle à la réalité puisque c'est par courtoisie pour nos amis italiens que le compte va jusqu'à six. L'usure du temps ou bien de l'âge, le gavage télévisuel des sports, dernier refuge au manque d'imagination des médias télévisuels, ont sans doute amplifié ce désamour ovale.
Mais diable, que cette équipe de France m'ennuie, qu'elle est fade et sans âme ! Adieu les envolées impossibles, les renversements improbables, les injustices caractéristiques des arbitres anglo-saxons ! Tout s'est normalisé, s'est affadi, s'est noyé dans un jeu de perce-murailles robotisés et lobotomisés.
Pire encore, le jeu se noie dans les mêlées à répétition quand le Français surtout, truqueur par excellence, s'évertue à jouer la rouerie plutôt que l'épreuve de force loyale. Les coquins poussent en travers, devancent l'ordre de l'arbitre, esquivent une épaule, font écrouler l'édifice quand ils sont dominés … C'est si fréquent que grande est notre surprise quand une mêlée n'est pas rejouée. Et de toute manière, c'est un tel bazar que jouer derrière est impossible.
Plus épouvantable est le jeu au pied, la stratégie des canonniers sans précision ni imagination. À toi, à moi, à toi, et malheur à celui qui commet une erreur de main ou prend le moindre risque. Un jeu d'épiciers en gros qui aèrent le cuir à défaut du jeu. Autant aller voir un match de tennis : le filet laisse planer un peu plus d'incertitude …
Pour pimenter le tout de ce supplément d'âme qui faisait jadis le rugby épique, notre brave sélectionneur nous gratifie d'un discours digne des enterrements de première classe. Le ton monocorde, le propos sans chaleur, les commentaires sans imagination ; sa langue de bois me laisse de marbre et me fait fuir sa sélection cosmopolite.
Pour rester au niveau du tout, les commentaires des journalistes sportifs de la télévision publique sont un modèle de potion soporifique, mêlée d'imprécisions techniques et de propos creux et inutiles. C'est un festival de médiocrité qui se met en phase avec la production proposée sur la pelouse. Le ronron habituel depuis quelques années.
Nous aimerions nous enthousiasmer, retrouver un esprit cocardier, nous perdre parfois dans les délices du chauvinisme, vibrer aux cavalcades romantiques, sourire à une belle empoignade qui faisait jadis les délices de ces combats en culottes courtes. Plus rien de tout ça : nous nous assoupissons devant ce spectacle insipide.
Il n'y a pas lieu de s'en étonner. Ce jeu est à l'image d'une société où les experts, les statisticiens, les calculateurs ont pris le pas sur les rêveurs et les aventuriers. Le sport n'a pu échapper à la dictature des pourcentages, de la mesure et du contrôle permanent de la vidéo. Suivre désormais une rencontre sportive c'est être gavé de tableaux, de données chiffrées, de schémas savants. La belle science que voilà ….
Le joueur est sous les projecteurs de vidéastes sourcilleux qui intègrent, dans une machine, pratiquant la délation la plus rigoureuse, l'ensemble de ses comportements. Tout est mesuré, étiqueté, calibré et nous, nous nous décrochons la mâchoire à force de baîller. Je n'aime plus ce rugby de robot, ce jeu sans imagination, ce déroulement sans surprise, ces petits garçons aux mouvement si étriqués.
Il faut accepter ce terrible constat et ne plus sacrifier au rituel du tournoi. Comme la coupe du Monde se profile, pour ne pas m'exaspérer d'avantage, je ferme le poste et délaisse ma passion ovale. Il n'est plus temps de vibrer aux exploits de ceux qui faisaient chanter le cuir et la boîte à claques. Les voyous sont devenus des gentlemen bien trop sages !
Désespérément leur.
31 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON