Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir
Ovale, oh faiblesse ennemie !

La déculottée magistrale.
Il est sans doute facile d'écrire après coup ce qui, pourtant, était si prévisible, que l'envie m'en prenait souvent, bien avant la déroute de Cardiff. Cependant, à bien relire quelques textes, j'avais déjà expliqué mon désamour ovale pour un jeu qui ne cessait d'aller vers un affrontement stérile de monstres sans imagination et pour une équipe de France totalement fourvoyée dans des principes qui devaient la conduire au néant.
Ce qui me navre dans cette affaire c'est surtout la volonté manifeste des médias de couvrir d'un silence complice ce que chacun subodorait afin de continuer à vendre un produit, avarié depuis près de quatre ans. Il fallait maintenir l'espoir, entretenir le patriotisme sportif pour conserver des audiences capables de faire entrer quelque argent dans les caisses.
Alors, tous les experts, spécialistes et commentateurs n'ont eu de cesse que de laisser entendre qu'un miracle était toujours possible, que les joueurs étaient capables de rébellion et qu'ils pouvaient faire douter l'ogre néo-zélandais. L'audience, mon bon monsieur, impose quelques jolis mensonges, de belles pirouettes langagières et des propos ironiques.
Au soir de la déroute encore, il est important de maintenir les apparences, de sauver la face sans pousser plus avant l'analyse d'un échec industriel massif. Car enfin, c'est toute la formation des jeunes joueurs qui est en cause dans ce camouflet magistral durant lequel chacun a pu voir les carences techniques des uns et l'aisance absolue des autres. C'est encore un échec éducatif quand des jeunes gens en rouge pour ce match de la honte appliquent sottement et à la lettre des consignes ridicules alors que, de l'autre côté, des virtuoses se laissent aller à l'improvisation, certes dans un cadre défini, mais en toute liberté d'action.
Pour avoir eu le privilège d'entraîner quelquefois des joueurs venant de l'hémisphère sud, j'ai pu mesurer à quel point ils étaient capables de réflexion, de compréhension et d'adaptation quand leurs camarades, sortis de nos écoles de rugby, avaient toujours un avis sur tout et étaient plus prompts à rechigner qu'à tenter des choses nouvelles. Notre rugby tricolore meurt d'un conservatisme de petits bourgeois qui ne veulent surtout pas perdre leur place. Les tricheurs sont plus nombreux que les amoureux du jeu.
Je n'évoquerai pas les instances dirigeantes, engluées dans un processus absolument pas démocratique où les mêmes personnages tiennent le haut du pavé depuis des lustres, vivent de banquets et de voyages en dépit de résultats qui sont simplement catastrophiques. C'est la loi des barons et du silence ; c'est les coups tordus entre amis qui gouvernent ce monde interlope et dépassé. Plus conservateurs que nos amis en pardessus, ce n'est pas possible !
Et sur les terrains, les gamins qui apprennent le jeu sont poussés par des éducateurs,sans imagination ni ambition, à imiter le jeu vu à la télévision. Les Golgoth en culotte courte se rentrent dedans à la pauvre copie des plus grands, apprennent des gestes de bataille quand ils ne savent ni courir ni manier le ballon. Et pour castrer un peu plus encore leurs envies de grands espaces, ils pratiquent un jeu étriqué où seule la victoire compte.
Cela fait des années que nous étions quelques vrais éducateurs à crier au loup. Les années passent, les enfants grandissent et souvent le rugby est davantage une école de la bière et de la fête que du sport. Aucune culture physique chez eux, sauf pour les quelques gamins qui se perdent dans l'espoir de devenir des pros et se gavent de produits interdits pour faire du muscle. C'est la seule référence dont ils disposent.
On va encore me dire que je crache dans la soupe, que tout ceci n'est pas vrai. Il est évident que notre top 14 est le meilleur championnat du monde simplement parce qu'on y fait venir les plus glorieux retraités de la planète ovale pour pratiquer un jeu étriqué, fait de tricheries en mêlée, de pénalités recherchées et de coups de pied. Le cuir ne chante plus sur les pelouses du pays ; le coq, les deux pieds dans le fumier se dresse toujours sur ses ergots sans que rien ne change, faute de courage et de volonté.
Alors oui, « noir c'est noir et il n'y a plus d'espoir » de voir ce rugby champagne et romantique. Les robots poussent la fonte et appliquent à la lettre le fameux rentre-dedans stérile que nous voyons partout tous les dimanches. Voilà un jeu de ballon où une grande proportion de pratiquants ne dispose d'aucune habileté gestuelle à l'engin que les doctes penseurs qualifient de « référentiel rebondissant ».
Il y a belle lurette qu'il rebondit toujours en notre défaveur ; l'hémisphère nord est moribond et ce n'est, hélas, pas qu'un symptôme exclusivement rugbystique. Cela en dit beaucoup sur le retrait dramatique de la vieille Europe, son incapacité à penser un monde nouveau, sa fatuité et sa persévérance à s'imaginer encore centre de tout, en dépit de la réalité. L'heure est venue de sonner l'hallali, pas celle de ce pauvre Saint-André, mais celle d'un système vérolé et devenu obsolète.
Ovalement vôtre.
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