Panique sans l’oreillette
Seule perturbation prévue dans ce calme plat, l’essai d’une journée sans oreillette. Je trouvais l’expérience intéressante. Depuis que les cyclistes sont des machines pour lesquels on injecte un peu de ceci puis un peu de cela, avant de stocker des réserves de sang par ici qu’on remet en petites doses ces jours-là, l’élément humain avait disparu de ce sport. L’incertitude aussi : Indurain était vainqueur avant même d’avoir commencé à pédaler, puis Armstrong qui voudrait bien décrocher une huitième fois la Lune.
La fin des oreillettes, c’était réintroduire un peu de spontanéité dans ce monde aseptisé composé d’une proportion affolante d’asthmatiques chroniques. La glorieuse incertitude du sport reprenait ses droits. On ne dirait plus aux avant-postes de ralentir la cadence pour que le leader en train de pisser violet puisse réintégrer le peloton facilement.
Eh bien, c’est Tintin. Par un bel élan de solidarité, les machines ont tourné au ralenti jusqu’à quelques kilomètres de l’arrivée, obéissant bien sagement aux directives des directeurs sportifs qui se sont étranglés de la perte de leur pouvoir stratégique. Sous quel prétexte : la sécurité. Ah mais oui, l’argument qui tue. Celui qui ouvre les portes du pouvoir : la sécurité ; il suffit de prononcer ce mot pour que le débat soit clos. On ne joue pas avec la sécurité, affirme le directeur sportif moyen qui ferme les yeux sur les dizaines d’années d’espérance de vie qu’on élimine pour le cobaye cycliste par des injections variées.
La sécurité doit se créer par l’extérieur donc. On ne peut plus demander au cycliste pro de redoubler de prudence. C’est à se demander s’il n’y a pas un problème de vase communiquant : plus on augmente les capacités physiques du cycliste, moins il a de capacités mentales ? Sinon, comment expliquer que le cyclisme soit devenu un sport télécommandé, dont le but est de supprimer toute spontanéité, toute prise de risque, toute initiative, tout effort personnel de réflexion ? N’est-ce pas retirer au sport son essence même ?
Van Breukelen, pas prêt de rebrancher son téléviseur ces jours
- Crédit photo : l’alsace.fr
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