Pelé, la légende entachée
Depuis le 29 décembre 2022 et le décès du footballeur Pelé, les hommages et les récupérations politiques n’ont pas cessé.
Du président brésilien (logique) au président Macron, en passant par tous les footeux et compagnies, chacun tente de récupérer un peu de la gloire (supposée ou réelle) de la « légende » Pelé.
J’ai envie ici d’aller à contrecourant de ce mouvement, afin de tenter - dans cet océan d’hommages et de flagornerie -, d’arriver à un équilibre dans l’hubris dans laquelle le monde entier se complait.
Je ne nie pas le talent du footballeur. Loin de moi cette idée.
Par contre les hagiographies, loin de moi : personne n’est « saint en ce bas monde » comme dirait mon grand-père.
En effet, parmi ces nombreuses génuflexions, j’ai quand même trouvé quelques voix critiques de l’attitude du « roi ».
Pelé a entretenu tout au long de sa vie des rapports complexes avec la politique. Beaucoup lui ont reproché une passivité pendant les années sombres de la dictature brésilienne.
RMC avec BFM[1] rapportent également un de ses derniers faits politiques majeurs, à savoir le soutien apporté par l’« icône » à Bolsonaro, aux dernières élections brésiliennes. Les deux médias nous disent : « Une mine radieuse, son mythique maillot immaculé de Santos et ces quelques mots en guise de dédicace : "Pour le président Bolsonaro. Affectueusement." Au Brésil, l’image est restée. Et certains auront bien du mal à lui pardonner un jour. En novembre 2020, alors que le pays est confronté à une explosion des cas de coronavirus et au déni persistant de son président d’extrême droite face à l’épidémie, Pelé choisit d’apporter son soutien à Jair Bolsonaro, évidemment ravi de pouvoir compter sur un tel appui. »
Le Monde[2] rapporte également : « Pelé, « roi » du football, mais aussi des polémiques. Célébrée dans le monde pour ses performances sportives exceptionnelles, la star du ballon rond aura aussi été la cible d’intenses critiques au Brésil. En cause : des positions controversées tenues durant et après sa carrière de joueur. Entre passivité, dérapages, conservatisme et indifférence aux grands enjeux de la société de son pays.
Le principal grief concerne la période de la dictature militaire (1964-1985). Arrivé au pouvoir en 1969, le général Emilio Garrastazu Médici accentue la répression sur un Brésil où les libertés sont suspendues et la torture des opposants généralisée. Pour masquer ses crimes, la junte a besoin d’un succès éclatant à l’international. La victoire au Mondial mexicain de 1970 devient sa priorité.
A presque 30 ans, Pelé est au sommet de son art. « Il était la figure humaine la plus connue du monde. Pour Médici, il était crucial de s’approprier son image », rappelle Euclides de Freitas Couto, spécialiste des liens entre football et politique. A l’approche du tournoi, la dictature appose la figure du « roi » du football sur les affiches de sa propagande, accompagnée de slogans nationalistes (« Le Brésil, tu l’aimes ou tu le quittes », « Personne ne peut retenir ce pays ! »…). »
En réalité, après sa carrière sportive, Pelé s’est éloigné totalement de la situation sociale de son pays et du monde, des droits de l’homme, de la lutte contre le racisme ; il vivait dans sa bulle, transformé en homme sandwich pour vanter l’« humanisme » des grandes compagnies qui en retour le payaient grassement et pour vanter le libertarisme (sciemment ou pas).
D’ailleurs, en 2018, Lilian Thuram avait taclé la légende brésilienne en l’appelant à utiliser davantage son image pour lutter contre le racisme. « Il ne s'est jamais positionné sur les problématiques du racisme au Brésil, regrettait l’ancien défenseur des Bleus dans un entretien accordé à la chaîne brésilienne Sportv. Et pourtant, c'est quelqu'un qui aurait pu faire avancer les choses. Je ne le connais pas, mais je pense qu'il faut dépasser un certain égoïsme. Peut-être que Pelé n'a pas cette grandeur d'âme, parce que, avec l'image qu'il a, je pense qu'il aurait dû faire autre chose. Je reste persuadé qu'à la fin de sa vie, c'est quelque chose qu'il va regretter[3]. »
Toujours Le Monde : « D'autres critiques émergent début 2014 lorsqu'il s'en prend aux manifestants qui défilent dans les rues au Brésil pour dénoncer les dépenses faramineuses liées à l'organisation du Mondial. "C'est une opportunité pour le pays de gagner de l'argent, de développer le tourisme et c'est important que les manifestations n'abîment pas tout cela. (...) Lors de la Coupe des confédérations (en 2013, au Brésil), il y a eu des manifestations. J'ai alors lancé un appel pour que les jeunes respectent l'équipe du Brésil. Ce n'était peut-être pas le bon moment pour manifester. La Seleçao fait la promotion du Brésil et ce n'est pas de sa faute s'il y a de la corruption au Brésil." »
Enfin, un autre célèbre footballeur brésilien, Romario, résume assez bien la vie de Pelé au niveau sportif et social : Romario avait eu cette sortie en 2013 : « Pelé est un idiot. Quand il ne parle pas, c'est un poète. Mais quand il parle, il ne dit que de la merde. » Mais jeudi 29 décembre 2022, l'ancien attaquant avait déclaré : « Aujourd'hui, le Brésil fait ses adieux à l'un de ses fils les plus illustres : Pelé, le roi du football. Il a fait plier le monde devant son talent, emmenant le football brésilien sur l'autel des dieux. Tout au long de sa vie, Pelé a inspiré des générations d'athlètes et mérité tous les honneurs. Et qu'il repose en paix. »
[1] https://rmcsport.bfmtv.com/societe/mort-de-pele-entre-ambiguites-et-frilosite-l-engagement-politique-conteste-du-roi_AV-202212300237.html
[2] « https://www.lemonde.fr/sport/article/2022/12/29/mort-de-pele-les-ambiguites-politiques-du-roi-du-football-loin-des-terrains_6156025_3242.html?xtor=EPR-32280629-[a-la-une]-20221230-[zone_edito_1_titre_1]&M_BT=46139476780011
[3] Idem
32 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON