Pierre Rolland, l’équipier devenu grand
Passé de l'ombre de Voeckler à la lumière de l' Alpe d'Huez, Pierre Rolland s'est définitivement affirmé comme la grande révélation de ce Tour de France 2011. Il tentera lors du contre-la montre de Grenoble de décrocher le maillot blanc du meilleur jeune de la compétition. Mais au delà de sa victoire éblouissante sur l'étape alpestre la plus prestigieuse, l'Alpe d'Huez a peut-être vue hier l'éclosion d'un des futurs grands champions cyclistes de la prochaine décennie.
Il y a quelques années, je me souviens avoir entendu quelques journalistes dire de Pierre Rolland que la France détenait un des futurs grands espoirs du cyclisme, un coureur complet au très fort potentiel capable de faire de grandes choses… et pourquoi pas un possible futur vainqueur du Tour. Je me rappelle avoir ricané dans mon coin, haussant les épaules et prédisant ironiquement un futur espoir qui allait grossir les rangs des déceptions françaises, prédisant à cet inconnu au mieux un destin à la Chavanel. Force est de constater que je m'étais planté en beauté. J'avais pris à la légère le destin de ce jeune coureur. Pierre Rolland est bluffant depuis le début de ce Tour 2011. A seulement 24 ans, il réalise des performances impressionnantes, se hissant à la hauteurs des meilleurs dans les prestigieux cols pyrénnéens et Alpestres. Il confirme que son potentiel entrevu dans les catégories de jeunes était bien réel.
Dès son plus jeune âge, un potentiel impressionnant est détecté chez le jeune coureur orléanais. Il dispute vite les championnats du monde juniors à l'âge de 16 ans. Le jeune homme décide ne pas brûler les étapes, il fait ses classes dans la prudence. Il marche aussi aux coups de coeurs et à l'affectif : Il rejoint d'abord l'équipe amateur bretonne de Stéphane Heulot avant de passer professionnel chez le Crédit Agricole de Roger Legeay. Un début de saison 2008 tonitruant lui fait avoir de nombreuses propositions alléchantes. L'équipe de Legeay est contrainte de mettre la clé sous le paillasson, faute de sponsor repreneur. Contre toute attente, Rolland signe chez Jean-René Bernaudeau dans l'équipe Bouygues Télécom pour un salaire bien moindre qu'on lui proposait ailleurs. Le discours lui plait. Il accepte aussi de progresser petit à petit. Il opte pour la prudence, le travail et la lucidité. Depuis ce dernier transfert, Rolland était un peu disparu de la circulation se contentant de faire quelques bonnes figurations sur les grands tours (21ème du Tour de France en 2009). Il apprend, travaille dans la discrétion, bien couvé par le Team de Bernaudeau. On avait presque oublié son statut d'espoir du cyclisme français, il s'était de lui-même un peu oublié, roulant dans l'ombre aux contact des capitaines de routes que sont Voeckler, Charteau ou Fedrigo. Contrairement aux leaders de son équipe qui sont des baroudeurs capables de coup d'éclats, Rolland s'entraine pour devenir un coureur capable de viser le classement général d'un grand tour. Bernaudeau lui ôte toute pression de résultats, il le laisse s'exprimer, se préparer, s'entrainer durment en le préservant des médias. Il sait qu'il détient un diamant brut. Car ils sont rares ceux capables d'être réguliers dans une course éprouvante de trois semaines. Il lui faut malgré tout progresser dans l'exercice du contre-la montre, sa principale faiblesse. Il ne lui reste qu'à s'affirmer, qu'à exploser.
Cette explosion viendra lors de ce Tour de France 2011. Voeckler décroche le maillot jaune grâce à l'une de ses célèbres échappées en plaine. S'ensuivra une défense acharnée de son leadership à travers les Pyrénées et les Alpes pendant 10 jours. Après 2004, la France replonge dans une seconde Voeckler-mania. Alors que l'on attendait Anthony Charteau pour préter main-forte au leader d'Europcar, c'est finalement Pierre Rolland qui se révélera et fera figure d'équipier modèle. Alors que Contador, Sanchez ou Evans se retrouvent ésseulés lors des arrivées au sommet, Voeckler lui, peut compter sur son fidèle lieutenant. Pendant les arrivées terribles de Luz-Hardiden, du plateau de Beille et du Galibier, Rolland abat un travail de titan. Il emmène l'alsacien dans sa roue pendant des épopées montagnardes incroyables où aucun des deux compères ne flanchera malgré les multiples dangers des gros bras du peloton. La France se met à réver que Voeckler puisse peut-être garder son maillot jusqu'à Paris. Mais hier, ce fut l'étape de trop. Malgré son panache, la succession des cols et des exploits harassants ont eu raison de sa volonté. Rincé, lessivé, se voyant incapable de rivaliser une fois de plus face aux meilleurs, il donne carte blanche à son acolyte afin qu'il puisse tenter de conquérir le maillot blanc du meilleur jeune. Rolland se permit de faire coup double puisqu'il remporta en prime l'étape la plus prestigieuse du Tour, se payant même le luxe de lâcher le Champion Olympique Samuel Sanchez et le triple vainqueur du Tour Alberto Contador dans le dernier col. Pour la première fois depuis Bernard Hinault en 1986, un français remporte l'étape de l'Alpe d'Huez. Pierre Rolland triomphe au sommet de l'ascension mythique aux 21 lacets.
Ce 22 Juillet a sonné le glas des espoirs de Voeckler qui a sans doute même fait malheureusement une croix sur le podium. Une fois encore, l'espoir de voir un français triompher à Paris pour la première fois depuis 25 ans dans la plus grande course du monde s'est envolé. Mais le cyclisme français peut pourtant se permettre d'entretenir un espoir encore plus fou. Désormais l'avenir appartient sans doute à Pierre Rolland.
A voir le reportage diffusé sur Canal+ : http://www.canalplus.fr/c-sport/pid2708-c-interieur-sport.html?vid=220989&sc_cmpid=FBShare
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