Quand la torche s’éteint à Paris, le torchon brûle à Pékin
Avec la bénédiction du Clergé international olympique, cette année, ceux qui ont orchestré le relais de la flamme olympique, délicieusement baptisé le “Périple de l’harmonie”, ont souhaité organiser une sorte de tournée mondiale très marketing, scénarisée avec soin pour présenter en grande pompe l’émergence sur la scène mondiale de la puissante Chine. Sonnez trompettes, roulez chars, tournez caméra, silence on tourne ! On va nous mitonner un péplum olympique du tonnerre de Dieu. On lancera le “Périple de l’harmonie” tout autour de la Terre et tous les peuples se tiendront par la main dans l’allégresse et la joie, et on portera l’olympisme au pinacle en psalmodiant "Vive le sport !” et on oubliera tout... Amen. Seulement voilà, n’est pas Leni Riefenstahl qui veut ; le scénario grandiose ne s’est déroulé pas comme prévu.
Quand la torche s’éteint à Paris...
Au grand désespoir de nos
médias télévisés à l’instar de France 2 qui se soucie des droits de
l’homme comme d’une guigne, le relais de la torche, le 7 avril 2008 a tourné en eau de boudin.
Dessinateur : Serge-Henri Bouvet
Date : 19 avril 2008 Site : Sergenry.fr.tc
Et pour cause, la chaîne publique, qui ne regarde pas à la dépense, avait déboursé près de 45 millions d’euros pour les droits de retransmission des Jeux. Jolie somme qui renforcera à n’en point douter, une fois de plus l’objectivité et le pluralisme de la presse télévisée sans subodorer baleine sous gravillon. Au regard du synopsis de notre péplum olympique, la flamme aurait dû marquer une pause face à une batterie de caméra devant l’immeuble de la chaîne, à 13 heures, pour le "JT". Mais le charivari de protestations et de calomnies ignobles qui ont troublé le trajet de la flamme ont rendu le “Périple de l’harmonie” rocambolesque et réduit à néant la formidable publicité d’auto-célébration de la chaîne.
Zut. “La fête est gâchée” répétaient à satiété les journalistes de France 2. Alors moi, pauvre téléspectateur, je culpabilisais, vous comprenez, prêt à battre ma coulpe ou me fouetter le dos pour le grand ordonnateur des sports du service public, Daniel Bilalian ! Mais j’étais trop benêt pour saisir la nuance de leur propos, de quelle fête s’agissait-il au juste : celle de l’olympisme ou la leur ?
Le problème, c’est qu’on a piraté le script du péplum olympique. En effet, des scénaristes importuns ont singé, voire gâché le manuscrit de la saga olympique, comprenez des électrons libres, des ânes bâtés peu versés aux subtilités de la Chine, des anarchistes qui ont outragé le logo des jeux Olympiques de Beijing, des racistes anti-chinois et par-dessus le marché des agitateurs pro-tibétains, des casseurs d’ambiance, des ennemis du sport, des saboteurs casse-cou sur la tour Eiffel, des séparatistes - allez soyons fous, des blasphémateurs, des mécréants, des apostats, des infidèles, des impies sans respect pour le Saint Esprit olympique, et la flamme olympique dont ces derniers se torchent sans vergogne.
... le torchon brûle à Pékin
Depuis l’épisode fâcheux de Paris, un prodige s’est opéré sur la toile
chinoise et par voie de conséquence dans la rue depuis le 17 avril. Les images des manifestations autour de la flamme olympique,
auparavant sévèrement censurées ou tronquées, ont été diffusées
en Chine. Par contrecoup, les citoyens chinois peuvent enfin
s’exprimer librement sans risque de censure. Alléluia ! C’est un
miracle !
Ainsi, sur les forums de discussion, de chat, de blog ou de la plate-forme web comme you.video.sina.com.cn, la liberté de parole et
d’expression bat son plein : on tombe sur des écrits , des chansons
patriotiques ou de jolies documentaires tendant à clouer au pilori la
presse française, mais aussi la presse anglo-saxonne, tout ce qui se
rapproche de près ou de loin à un à une société made in France dont
Carrefour est devenu le bouc émissaire idéal - un peu comme chez nous,
à une époque, avec Mac Donald et le rebelle José Bové. Une chasse à
l’homme a même été lancée, en ligne, contre l’un des agresseurs de la
martyre Jin Jing, l’athlète chinoise handicapée, devenue la sainte
Blandine du péplum olympique chinois dans les médias chinois (voir la vidéo des premières actualités chinoises du relais de la flamme de Paris "sans censures"). Des artistes en herbes peuvent
enfin se lâcher en délivrant des chansons fustigeant la France ou CNN... On flambe des drapeaux français en traitant Jeanne d’Arc de "prostituée" (lire Manifestation anti-française en Chine).
Une chose est sûre, la flamme éteinte à Paris a mis le feu aux poudres en Chine ; béni soit le miracle des jeux Olympiques...
Vau-l’eau pitoyable d’un péplum olympique voué à son naufrage
C’est bien joli tout ça, mais cela ne respecte pas le scénario de base
du “Périple de l’harmonie”. Appelons un chat un chat, et le relais de la
flamme un vaste et monumental fiasco. Depuis le 27 mars 2008, date de la cérémonie d’allumage de la flamme à Olympie, la pauvre
flamme poursuit son chemin chaotique monopolisant plus de milices, de
polices, de soldats, d’agents de sécurité, de manifestations plus ou moins violentes que de sportifs ; jeudi 17
avril pas moins de 15 000 policiers avaient été déployés à New Delhi !
Bonjour l’esprit sportif !
Aux jeux Olympiques de 1936 à Berlin, grâce à une idée de l’officier allemand Carl Diem, Joseph Goebbels fit lancer le premier relais de la torche olympique. Fin stratège de la communication, il savait ce que cette flamme avait d’exaltant pour la masse populaire, combien elle pouvait déchaîner de passions au détriment de la raison. Cette passion de masse qui fut canalisée pour glorifier le IIIe Reich (Lire l’article du New York Time à ce propos).
Depuis samedi 19 avril, des manifestations pro-chinoises, voire nationalistes en Chine, se déroulent de concert un peu partout dans le monde : à Londres, Paris, Berlin, Vienne et à Los Angeles, entre autres, pour contrer les appels au boycott des jeux Olympiques de Pékin ou mettre au banc des accusés la presse occidentale qui "désinforme le public" ou pratique la "propagande anti-chinoise".
Et pourtant, au CIO, on garde la tête froide en rassurant le public, en le berçant d’homélie angélique. Wang Hui, porte-parole du Comité olympique de Pékin, nous avait prévenu de la vertu unificatrice du “Périple de l’harmonie” en nous faisant grâce d’un laïus pas piqué des vers : « La flamme olympique appartient aux peuples du monde entier ».
De l’autre côté du Pacifique, même son de cloche de la part de Neville Isdell. Ce PDG à la tête du groupe Coca Cola animé d’une profonde abnégation qui force le respect, tint à peu près ce langage jeudi 17 avril à propos du relais de la torche : "Cela représente l’ouverture. Cela représente l’espoir". Toujours dans la même ferveur, le président du Comité olympique indien (IOA), Suresh Kalmadi le même jour, en Inde à New Delhi, y allait de sa litanie fraternelle : "L’esprit des jeux Olympiques est universel et doit être soutenu par l’ensemble du monde".
Voilà de bien belles phrase qui exhortent au respect absolu taxant
implicitement d’hérésie au passage tous ceux qui n’y croiraient point...
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