Sotchi, jeux de vilains ?
La popularité a un prix : Poutine a payé 37 milliards d’euros pour les Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi, afin de tenter de redorer son blason, mais aussi de faire oublier qu’il tient son pays d’une main de fer, refusant toute contradiction.

Après avoir mis à feu et à sang la Tchétchénie, refoulant les combattants restants dans les montagnes, Poutine affirme qu’il n’y a pas de « menace réelle » d’attentat pour les visiteurs des jeux (lien) ce qui permet de s’interroger alors sur la quantité effarante de force de sécurité mise en place : 100 000 personnes, gendarmes, militaires, forces spéciales, sont en effet déployés sur tout le territoire, avec mission de surveiller routes, ciel : missiles de défenses aériennes en alerte, gare filtrée, et personne ne doute aujourd’hui que, jusqu’au 23 février, le risque majeur d’un attentat perdurera.
La ville peuplée déjà de 350 000 habitants, attend 120 000 visiteurs, (lien) et il parait difficile de ne pas imaginer qu’un groupe de tchétchènes déterminés ne puisse mener une action violente, d’autant que Dokou Oumarov, l’un des leaders tchétchène a appelé à empêcher la tenue des JO « par tous les moyens » et promet un attentat, comme on a pu le découvrir le 20 janvier, dans une vidéo diffusée par des islamistes du Caucase russe, rappelant qu’il en a déjà commis plusieurs, dont un à l’aéroport de Moscou qui a fait 37 victimes.
Au delà des patrouilles qui se multiplient, et des militaires montant la garde au pied de chaque télésiège (lien), des milliers de chiens errants ont été euthanasiés. lien
Mais le risque zéro n’existant pas, il y a fatalement des failles possibles : récemment, il a été question de s’inquiéter du risque d’explosif dans les tubes de dentifrice…faudrait-il interdire tous les tubes de dentifrices que les voyageurs ont fatalement dans leurs bagages ? C’est un peu « mission impossible » (lien), d’autant qu’un autre danger viendrait des « veuves noires », épouses devenues kamikazes pour venger leur maris. lien
N’ayons pas la mémoire courte, et rappelons que Poutine avait déclaré vouloir « buter les Tchétchènes jusque dans leurs chiottes », (lien) et que la guerre qu’il a mené là bas, pendant 8 longues années a provoqué la mort de 13 000 combattant tchétchènes, (vidéo) les ONG ajoutant que les civils tués pendant ces 2 guerres seraient entre 100 000 et 300 000. lien
Pour bien comprendre la situation géopolitique sur le sujet, le journal « Le Monde » à réalisé une courte vidéo très pédagogique. lien
De la chute du mur, à celle de Gorbatchev, puis à celle d’Eltsine, (lien) la Russie est aujourd’hui dans les mains de l’ancien patron des renseignements, et cet homme a voulu, pour montrer la grandeur de son pays, des jeux Olympiques, à Sotchi, entendant faire de ses jeux la vitrine de la Russie, pour la plus grande gloire de son chef, au prix de folles dépenses (37 milliards d’euros), et d’une dévastation écologique de l’un des plus beau site classé du territoire russe, tout ça pour le plus grand plaisir de 3 milliards de téléspectateurs. lien
Rappelons que les jeux de Vancouver en 2010 avaient couté 1,4 milliards d’euros.
Rappelons aussi que le territoire de la République indépendante de Tchétchénie, depuis 1996, depuis les accords de Khassav-Iourt, a été « intégrée » depuis 2003, à la fédération de Russie, à la fin de la guerre, Poutine réécrivant ainsi l’histoire.
Ceux qui ont présidé ce pays, au moment de son indépendance, sont passés « aux oubliettes », et aujourd’hui, le premier président Tchétchène officiel est Kadyrov…exit Doudaev (1991-1996), exit Maskhadov, élu en 1997 et tué en mars 2005, (lien) à tel point que la date de la proclamation de l’indépendance, 1er novembre 1991 et celle du 6 septembre, jour de la fête nationale de la Tchétchénie ne font plus partie du calendrier des fêtes.
Tous les opposants tchétchènes à la Russie de Poutine se voient accrocher des casseroles, le successeur de Maskhadov est montré du doigt comme un « lâche preneur d’otage », Oudougov, chargé de la propagande islamo-indépendantiste est décrit comme un « menteur invétéré », et Bassaev, un « psychopathe assoiffé d’argent », comme l’écrit Aude Merlin dans son remarquable mémoire paru récemment : « Tchétchénie, un « après-guerre sans paix ». lien
On commence donc à en savoir un peu plus sur ce qui s’est passé lors des guerres de Tchétchénie, grâce, entre autres, à un reportage réalisée par Mylène Sauloy « Tchétchénie, la vidéo qui accuse », dont l’origine est plusieurs films tournés par Volodia, un soldat russe.
Il a tout filmé, « pour le plaisir », pour montrer ses images à ses copains, sa famille…comme le jour ou ils ont encerclé le village de Komsomolskoïe, dans lequel des combattants tchétchène ont été piégés.
Après le bombardement du village, il filme les ruines, remuant du bout du pied un cadavre dans les décombres…puis découvrant une tête apeurée sortant d’un trou, il déclare : « je vais te sortir par les couilles, ordure ». vidéo
Poutine avait promis : ceux qui se rendront seront épargnés…ils se sont rendus, et ont été obligés de creuser les fosses dans lesquels, une fois exécutés, ils ont été jetés. lien
Alors bien sur, on imagine sans peine la soif de revanche des quelques survivants…certains se sont rendus en Syrie, aux cotés de l’opposition (lien)…d’autres sont en exil…ou cachés dans les montagnes.
Récemment, l’un de ces combattants tchétchène, Saif Al-Islam, est mort en martyre en libérant la prison d’Alep. lien
L’un d’eux, qui se fait appeler Abou Hamza, refusant qu’on lui colle l’étiquette « djihadiste » explique les raisons de sa présence en Syrie : « je suis en Syrie parce que j’ai vu les vidéos d’enfants et femmes innocents se faire tuer. Je voulais combattre le régime syrien et rejoindre l’opposition. Je voulais tuer Bachar ». lien
Mais revenons aux jeux, outre les sommes pharaoniques dépensées, il faudrait aussi se pencher sur la question de l’environnement.
Evgueni Vitishko, un ingénieur géologue de 41 ans, président de l’association écologique Ecovahta, (les vigilants écologiques) a été condamné à 3 ans de camp pour avoir dénoncé le désastre environnemental provoqué par les JO de Sotchi, affirmant que 2000 hectares de la zone protégée ont été détruits, et que 2000 autres hectares de zone humide naturelle ont été sacrifiés.
Ce site a été classé comme parc naturel, inscrit au Patrimoine de l’Unesco pour sa grande diversité, et était protégé par la législation depuis des décennies…ce qui manifestement n’a pas servi à grand-chose car pour contourner la loi, Poutine a fait voter par le parlement russe tous les amendements nécessaires.
Vitishko ajoute : « outrepassant l’avis des experts considérés comme des gêneurs, les responsables ont gaspillé de l’argent, un gaspillage qui s’ajoute à la corruption. Nous leur avions dit, par exemple, que l’emplacement du tremplin de saut était à la fois destructeur du milieu naturel et mal choisi. Résultat, il a été victime de glissements de terrain, et il a fallu le refaire 4 fois, et son coût à été multiplié par 8 ». lien
Un autre scandale couve : à 10 petits kilomètres du site olympique se trouve depuis des années, une énorme décharge à ciel ouvert, et il est probable que sur les pentes de cette montagne, aucun skieur n’ira s’entrainer.
Elle a été fermée précipitamment, au moment ou Dmitry Chernyshenko, président du comité d’organisation des jeux déclarait fièrement : « nous fiers d’annoncer que nous avons rempli l’un de nos principaux objectifs : organiser des jeux ayant un impact minimum sur l’environnement ». lien
Dans un autre domaine, s’il faut en croire l’américaine Ronda Roussey, le village des athlètes est un véritable lieu de luxure pendant les jours de compétition, et pour les athlètes, c’est surtout la fête du slip, un grand lupanar ou tous les sportifs se donnent du bon temps. L’alcool coule à flot, et on se lâche : 100 000 préservatifs ont été commandés, et d’autres records devraient êtres battus. lien
A Sydney, en 2000, les 70 000 capotes avaient été rapidement épuisées, et il avait fallu en commander 20 000 supplémentaires. lien
Pour les jeux d’hiver de Sotchi, rien ne change, , à croire que le froid est un bon stimulant, et un skieur raconte avoir vu aux JO de Vancouver « des allemands, canadiens, et autrichiens se rejoindre pour un bain de minuit qui s’est transformé en une orgie de minuit ».
Cette vidéo en dédicace a Poutine pour qui l’homosexualité ne serait plus un problème.
Pour revenir sur la question « sécurité », Mathieu Crépel, le champion de snowboard, commentateur pour France TV, a bien constaté la présence de « l’œil de Moscou », la multiplication des caméras de surveillances, et les dirigeables présents dans le ciel, déplorant « les fuites d’eau dans le hall de l’hôtel, les chauffages défaillants, les poignées de porte peu robustes » ajoutant « tout n’est pas rose dans la clairière rouge. Les travaux ayant été réalisés dans un temps record, tout ne pouvait être parfait ».
Il s’inquiète aussi pour « l’après-jeu », regrettant les « maisons en carton pate », concluant « on est loin de la devise de Coubertin. Mais l’effervescence est là. Le spectacle va commencer… ». lien
Comme dit mon vieil ami africain : « cafard n’aime pas amusement où on soulève tapette ».
L’image illustrant l’article vient de « citizenzoo.wordpress.com »
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
Un peu d’humour gorafien sur ce lien, avec Poutine qui s’exprime sur les homosexuels…et sur cet autre lien. (gratiné)
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