Le Tour de France 2009, parti de Monaco samedi 4 juillet, qui marque le retour au plus haut niveau du héros américain Lance Armstrong, septuple vainqueur de l’épreuve, en a fini hier avec la traversée des Pyrénées, et c’est un Italien, Rinaldo Nocentini, qui a le maillot jaune. Après une semaine de course éprouvante dans le Sud de la France, quels enseignements devons-nous tirer de ces premières étapes ? Que peut-on espérer pour la suite du périple ? Surtout, Lance Armstrong est-il en mesure de s’imposer sur les Champs-Elysées pour la huitième fois ?
Le spectacle au rendez-vous
Incontestablement, le parcours tracé par les organisateurs était propice à de nombreuse passes d’armes entre baroudeurs et puncheurs, mais aussi entre les principaux favoris. Dès le contre-la-montre à Monaco (première étape), le ton était donné : les deux principaux favoris de l’épreuve, l’Espagnol Alberto Contador et l’Australien Cadel Evans, se tenaient en cinq secondes, l’un arrivant second et l’autre cinquième de l’étape. Quant au revenant Lance Armstrong, il entamait son "show" en prenant la dixième, tout près des meilleurs.
La deuxième joute du Tour 2009 opposait deux jours plus tard, entre Marseille et La Grande-Motte, un groupe d’une trentaine de coureurs, détaché du peloton à 25 kilomètres de l’arrivée, et dans lequel figurait Lance Armstrong, aux équipes des principaux leaders qui n’avaient pas parvenu à prendre la roue des meilleurs (Evans, Contador, Menchov, Sastre, les frères Schleck, Kreuziger, etc...). Finalement, le peloton rejoignait La Grande-Motte avec un retard de 40 secondes, ce qui replaçait Lance Armstrong devant ses principaux adversaires au classement général.
La quatrième étape renouait avec la tradition du contre-la-montre par équipes, oublié depuis 2005, et s’avérait très spectaculaire, entre les très nombreuses chutes (sur les 178 coureurs du peloton, 17 sont tombés sur un parcours très sinueux, dont le Russe Denis Menchov, récent vainqueur du Tour d’Italie) et la démonstration de force de l’équipe Astana (qui compte dans ses rangs Lance Armstrong, Alberto Contador, Levi Leipheimer, ou encore Andreas Klöden...).
La première explication entre favoris était attendue à la station de ski d’Arcalis, ville d’arrivée de la septième étape, vendredi 10 juillet, mais l’ascension finale, pas assez pentue pour que de réels écarts se créent, n’eut d’autre intérêt que de voir Alberto Contador placer une attaque à deux kilomètres du sommet, attaque à laquelle personne ne réagit, même Lance Armstrong qui, coéquipier de Contador au sein d’Astana, ne pouvait se permettre de ramener le reste des favoris sur l’Espagnol. A l’issue de cette étape, Contador prenait la deuxième du classement général et devançait Lance Armstrong de deux petites secondes.
Les deux étapes pyréennes de samedi et de dimanche, escamotées par la passivité et le manque de jugeote des adversaires de l’équipe Astana (evans, Menchov, les frères Schleck...), ne furent pas le théâtre d’un grand bouleversement au classement général.
Astana : l’extase avant l’ecstasy ?
Quatre ans après la disparition de l’équipe Discovery Channel, véritable arsenal chargé entre 1999 et 2005 d’accompagner Lance Armstrong dans les cols, baptisée "dream team" ou "train bleu" en raison de sa remarquable efficacité, il semble que le Tour de France 2009 soit le témoin de la renaissance d’une très grande équipe capable de contrôler la course et d’imposer le respect auprès du peloton, Astana. En effet, alors que trois de ses coureurs figurent dans les quatre premières place du classement général après la traversée des Pyrénées (Contador deuxième ; Armstrong troisième ; Leipheimer quatrième), Astana paraît intouchable, à tel point que le second des éditions 2007 et 2008, l’Australien Cadel Evans, parle déjà d’une troisième place comme objectif à Paris.
De cette façon, le premier concurrent sérieux pour Astana, Andy Schleck, figure déjà à une minute et quarante secondes d’Armstrong et Contador... Ce début de Tour aura donc sérieusement réduit le nombre de vainqueurs potentiels, qui semble maintenant se résumer aux deux leaders d’Astana. L’Espagnol et l’Américain, dont il se murmure qu’ils ne s’adressent guère la parole, sauront-ils privilégier l’intérêt de l’équipe sur leur ego personnel ? Rien n’est moins sûr, d’autant plus que Lance Armstrong, fin tacticien et le plus expérimenté des deux, a confié qu’il se sentait mieux chaque jour : "Il faut un peu de temps pour que la forme vienne. C’est mon plan", a-t-il assuré aux journalistes à l’issue de l’étape d’hier.
Outre l’intérêt de savoir lequel des deux coureurs d’Astana pourra l’emporter au bout, il est important de signaler que cette année 2009 marque probablement la fin de la période nette et insoupçonnable de l’équipe sous licence kazakh. En effet, Alexandre Vinokourov, coureur contrôlé positif pour dopage sanguin sur le Tour de France 2007, et qui bénéficie du soutien du gouvernement du Kazakhstan, véritable propriétaire de l’équipe, a récemment annoncé son intention de rejoindre l’équipe Astana. "Je compte profiter de ce départ à Monaco pour rencontrer et négocier avec Johan Bruyneel. En décembre 2008, il n’avait rien contre mon retour. Si aujourd’hui il ne le veut pas, il devra partir, quitter Astana même si son contrat porte aussi sur l’année 2010.", a-t-il ainsi annoncé le 2 juillet lors d’une conférence de presse. Or si l’équipe actuelle est un exemple de ce que la mondialisation peut faire de mieux (deux coureurs américains, un coureur kazakh, un coureur ukrainien deux coureurs espagnols, un coureur portugais, un coureur suisse et un coureur allemand), il est presque certain que "Vino" voudra renationaliser son équipe, son "bébé", comme il l’appelle, et les affaires louches et divers trafics devraient se multiplier. Cette dimension politique, en marge de ce tour 2009, rend la course plus palpitante encore et nous rend déjà nostalgiques de cette formidable équipe qui ne manquera de se dénaturer avec le retour de Vinokourov.
Un cyclisme français conquérant
L’autre élément à retenir de ce début de Tour 2009 est la grande forme des coureurs français. Déjà victorieux trois fois (Thomas Voeckler le 8 juillet, Brice Feillu le 10 juillet et Pierrick Fédrigo le 12 juillet) -ce qui ne s’était pas produit depuis 2001-, ceux-ci se montrent sans complexe et promettent beaucoup pour la suite du Tour. Ainsi, ils ne sont pas moins de neuf dans les cinquante premiers au classement général, et c’est la formation française Ag2R La Mondiale qui fait la course en tête au classement par équipes, juste devant Astana.
Cette première semaine a donc été marquée par la domination outrageuse de l’équipe Astana, mais aussi par la rivalité ostensible entre le jeune Alberto Contador, vainqueur en 2007 et Lance Armstrong, le vétéran septuple vainqueur de l’épreuve. Les deux hommes ont déjà disputé un Tour de France en commun, c’était en 2005, année où Armstrong prenait sa retraite après un septième succès. Son rival, alors âgé de 22 ans, avait fini trente-et-unième, très loin de l’Américain. Qu’en sera-t-il cette an 2009. En tous les cas, les deux hommes sont en forme et devraient en découdre dans les Alpes en troisième semaine. En attendant, place aux étapes vallonnées et aux attaquants !
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