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Tout foot le camp !

Hymne sifflé à l’aller, testicules pulvérisés au retour, Suisses et Turcs se sont affrontés pour une place en Coupe du monde. La Suisse obtient son billet, le foot y perd son latin. Et ses dernières illusions.

Numéro 10, hier essentiel à l’équipe de France et à la Juventus de Turin, Michel Platini occupe aujourd’hui de hautes fonctions dans le football. Il a ses entrées à la FIFA et briguera prochainement la présidence de l’UEFA.

Son combat actuel : changer l’image de son sport. Trop corrompu, dans tous les sens du terme, par le racisme, par le trop grand nombre de matchs par saison, par l’attitude de certains professionnels, arrogants ou antisportifs, qui ternissent l’histoire de ce spectacle ultrapopulaire.

Le football, c’est toutes les semaines, plusieurs fois par semaine même, des stades grands comme des villes qui s’emplissent de bruits et parfois de fureur. Le football, c’est quelques centaines de stars qui gagnent en une semaine plus d’un million de francs, près de deux cent mille euros, et qui, pour certains, font plus d ‘efforts pour être bons dans les spots de pub qu’efficaces sur le terrain. Le football, c’est des dizaines de milliers de spectateurs, des dizaines de millions de téléspectateurs, pas tous futés, pas tous rusés, pas tous éduqués, qui braillent leur amour du maillot ou leur haine des autres, parfois les deux.

Le foot, aujourd’hui, peut-être plus qu’à l’époque où le grand Michel faisait rêver la Juve, ce sont des matchs comme celui de mercredi, entre la Suisse et la Turquie. En jeu, une qualification pour la prochaine Coupe du monde, autrement dit un sésame pour une forme de paradis, et beaucoup d’argent à la clé.

Résultat de cette double confrontation : un hymne hué, des bus chahutés, des insultes racistes, et, pour finir, une bagarre de rue, un coup dans les roubignolles et des stadiers turcs qui s’en prennent même aux journalistes filmant le pugilat.

Le foot, ce cauchemar des ménagères de moins de cinquante ans, et de plus de cinquante ans même, ce tourment du couple moderne, ce spectacle permanent, jamais lassant quand on y adhère, incompréhensible quand on le rejette, est donc devenu ce reflet peu glorieux d’un monde qui lui-même part sérieusement en (coup de pied dans les) couille(s).

Racisme, intolérance, violence, cocktail qu’on retrouve assez souvent quand même dans les tribunes, sur les banderoles, voire sur les drapeaux, et bien sûr dans les « chants » des supporters qui « enculent » (excusez le terme), à tour de bras(sic !), qui « niquent » en veux-tu en voilà, j’en passe et des pires, des saluts nazis par ci, des jets de fumigènes par là.

On frise souvent la catastrophe, et parfois on y est, on l’atteint, comme au Heysel, il y a une éternité de cela, comme en Angleterre un peu plus tard, et comme donc, mercredi dernier, à coups de pieds mal placés, et ma foi très douloureux pour le joueur non protégé, en l’occurrence un défenseur de l’A.J. Auxerre.

Ce jeu en vaut-il la chandelle ?

Sans doute, oui, répondront les annonceurs, les chaînes de télévision qui sont prêtes à payer très cher pour retransmettre jusque dans les moindres détails des douches de vestiaire la plus minime des secondes de ces matches transpirants, mais souvent ennuyeux, souvent ternes.

Oui, le jeu en vaut la chandelle, répondront tous ceux, sans doute extrêmement nombreux, qui se battront pour obtenir un billet pour voir un, ou deux, ou tous les matchs de la prochaine Coupe du monde.

Oui, le jeu en vaut la chandelle, si cette chandelle est tenue par des magiciens comme Zidane, capables de reprendre de volée un ballon improbable pour donner la coupe d’Europe au Real Madrid, ou d’un coup de tête (de deux coups de tête même) salvateurs, de faire croire à la France qu’elle avait parfaitement réussi l’intégration de tous ses immigrés, sans exception.

Le football, ou l’art et la manière de transformer n’importe quel symbole en vérité, n’importe quelle vérité en axiome, n’importe quel geste en acte sacré, n’importe quelle mascarade en communion. Le football, ou l’art de mentir, de mener en bateau chacun d’entre nous, d’entre vous, capable de rester une heure et demie, plus les arrêts de jeu, tendu comme un arc en attendant que ce foutu ballon entre enfin dans ces foutus filets.

Le football, une sorte de miroir, tantôt déformant, tantôt pas tant que ça. Un sport universel, simplissime, abordable, joué par n’importe quel enfant pauvre de n’importe quel grand pays d’Amérique du Sud, ou petit pays d’Afrique noire, un sport dont quelques fulgurantes réussites font rêver, mais qui, pour la grande majorité de ceux qui le pratiquent, ne se révèle en fait qu’une suite d’efforts répétés pour un salaire honnête, sans plus.

Les stars multimillionnaires sont rares, comme le talent, et ne finissent pas toutes bien, comme Maradona, surdoué puis surdrogué, aujourd’hui reconverti dans l’opposition politique à George W Bush.

Alors, l’enjeu tue-t-il le jeu, pour reprendre la phrase favorite de Laurent Paganelli ?

Certaines fois, oui, mais pas mercredi. Mercredi, c’est la bêtise qui l’a emporté, la bêtise et la violence de gens qui n’ont rien à faire dans le sport tout court, et le foot en particulier. La Turquie doit être sanctionnée, mais la Suisse aussi, dont les supporters avaient eu l’inadmissible réflexe de siffler l’hymne turc.

Tant de connerie pour un simple match de foot laisse pantois, mais c’est sans doute que ce sport est devenu plus qu’un sport, plus qu’un divertissement, pour être aujourd’hui un exutoire, un canal pour exprimer ses rancoeurs, ses colères, ses frustrations.

Le foot d’aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec l’époque de Platini. Il est devenu bien plus... politique. Hier, le coup de la France « black blanc beur », aujourd’hui les échanges verbaux entre Thuram et Sarkozy, le foot, utilisé partout, depuis un moment déjà, pour vendre n’importe quoi, fait désormais partie du jeu politique. Et nul doute que ces vigiles qui faisaient tout leur possible, à coup de baffes ou de poings dans la gueule, pour empêcher les caméras de filmer la rixe dans les vestiaires, ne souhaitaient pas par ce geste nous éviter des images violentes, mais bien éviter de donner une mauvaise image de la Turquie en vue de son éventuelle entrée dans l’Europe, en 2030 ou plus tard.

Sécurité, racisme, violence, le foot a les mêmes symptômes que la société. Il est devenu, par un étrange effet buvard, son double. A être devenu si populaire, il est aujourd’hui le peuple. Qui vocifère, braille, casse, insulte ou exulte. Qui est moins là pour gagner que pour battre l’adversaire. Que le meilleur vive.

Comme le dirait Platini (ou plutôt sa marionnette des Guignols) : ni fait, ni à faire.


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6 réactions à cet article    


  • nico 18 novembre 2005 10:49

    Toujours très agréable de vous lire Lilian.


    • nirvador 18 novembre 2005 19:14

      Appel à témoin :

      en boucle sur l’équipe tv les mêmes images de la confrontation turco-suisse... On nous annonce les violences turcques et les deux seuls gestes filmés sont un coup de pied du 14 suisse à un membre de l’encadrement turc et une attaque virile à l’entrée du tunnel par ce même n°14... N°14 qui semble aussi être la victime hospitalisée ...

      Alors que c’est-il passé ?


      • totto (---.---.45.209) 19 novembre 2005 19:07

        votre article est intéressant mais on sent que vous n’y connaissez rien dans ce sport, donc il perd toute crédibilité dommage


        • ricardo (---.---.9.251) 22 novembre 2005 18:33

          et alors ? je ne vois pas pourquoi cet article n’est pas crédible. Il s’agit ici de l’image de ce sport. L’avis de gens qui n’y connaissent rien est d’autant plus intéressant à lire/écouter.


          • Adam (---.---.43.1) 5 décembre 2005 10:06

            On va laisser le mot « Sport » aux professionnels du foot et du vélo.

            Pour ceux qui souhaitent une activité physique et ludique, avec un bon esprit, sans enjeux d’argent, on va chercher un autre mot.

            Il faut arrêter la confusion.


            • florian (---.---.162.37) 5 décembre 2005 12:04

              c’est vraiment triste ce qui c’est passe en turquie. mais pour un match qui degenere, combien se passe bien ? il y a des debordements dans les stades, mais ils sont rares et avec les images videos et le nombre de delegues, il est facile de savoir ce qu’il s’est passe et prendre des sanctions. mais les instances n’osent pas prendre leurs responsabilites. les peines sont proportionnelles à la valeur marchande du club, du joueur ou de la federation. on critique les joueurs qui gagnent trop, mais les plus corrompus par l’argent sont les gens en costard qui entourent ceux en short. pourquoi les grands joueurs ne sont pas licencies quand ils font des fautes graves ? pourquoi l’inter de milan n’est pas condamne à un an d’exclusion de competition europeenne ? pourquoi les insultes racistes sont tolerees ? le foot se pourrit par le haut, pas par le bas. il suffit de voir l’angleterre, les dirigeants ont comme priorite le foot !

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