Anvers : pur diamant de la Flandre (1/2)
À Anvers, les diamants sont éternels. Ils scintillent de mille feux dans les alcôves feutrées du quartier des diamantaires, à deux pas de la gare, élégante dame de marbre drapée d’Art Nouveau et de rococo. À Anvers, son port fluvial, situé à l’embouchure de l’Escaut, se mire tel Narcisse. Plus de 250 millions de tonnes de marchandises y transitent chaque année, lieu de bénédiction pour les trafiquants de cocaïne qui profitent de l’essor du transport maritime pour satisfaire le consommateur européen. À Anvers, musées et architectures se télescopent dans un enchevêtrement de styles constants. Bijou baroque, écrin gothique, parure maniériste époque Renaissance, frises Art Déco sont autant de signes extérieurs d’authenticité séduisant le chaland ou le touriste en goguette.
La Gare d’Anvers et le quartier des diamantaires. Deux pôles indissociables de la cité flamande où se croisent le flux de ces petites pierres précieuses (70 % d’entre elles dans le monde proviennent d’Anvers) et les trésors du patrimoine flamand. Anvers vit en grande partie des tractations diamantaires sous couvert de ce qu’elles peuvent véhiculer parfois comme malversations fiscales et transactions en toute illégalité pour alimenter des conflits sur le continent africain notamment en Angola et dans la République démocratique du Congo. À Anvers, le diamant est roi, et cela depuis près de 500 ans lorsque les premiers diamants bruts furent importés d’Inde. Au point que pour honorer ses commandes l’illustre François 1er préféra les maîtres tailleurs d’Anvers à ceux de Paris. Bien que les premières traces de commerce local remontent à 1447, il a fallu attendre 1498 pour qu’une route maritime soit découverte par le navigateur portugais Vasco de Gama. La connexion Lisbonne/Anvers facilita les transactions. L’emplacement privilégié du port belge à l’embouchure de l’Escaut ne fit qu’accroître son aura auprès de filiales obscures et de clients fortunés. Environ 1700 exploitations fluctuent, faisant de la ville portuaire la plus grande plateforme de l’industrie diamantaire. Leurs principaux fournisseurs ne sont autres que les mines d’Afrique du Sud, d’Australie, de Russie ou encore du Canada.
Le port d’Anvers, rayonnement fluvial et coke en stock
Autre lieu de concentration de l’économie anversoise, son port dont la fusion en 2022 avec celui de Bruges, appelé dorénavant Antwerp-Zeebruges (en flamand), en fait un des axes majeurs de l’économie belge avec ses douze millions de conteneurs et ses milliers de bateaux dont l’ambition est de devenir « la porte énergétique de l’Europe en tant que port vert » en réutilisant après capture et stockage le CO2 comme matière première pour des clients gaziers (Total Énergie, Shell, Air Liquide…). Considéré comme le deuxième plus grand port d’Europe après Rotterdam avec ses 250 millions de marchandises transitant dans le monde, ce rayonnement fluvial et maritime peut difficilement occulter sa face sombre nommée cocaïne ou son « Anvers » du décor. Principale porte d’entrée du trafic de drogue en Europe, plus de 100 millions de tonnes ont été saisies en 2022, l’équivalent de 50 à 60 milliards de profits soit 10 % du PIB belge. Triste record. Et surtout une image que la ville tente d’édulcorer par une surveillance accrue au scanner des conteneurs. Sa facilité d’accès et de pleine ouverture sur l’Europe et le monde s’avère être aussi son propre talon d’Achille. Sa zone portuaire, l’une des plus étendues au monde, est un véritable terrain de Cocagne pour les trafiquants. C’est un peu le coke en stock au pays de la frite et de la Gueuze. Beaucoup moins enclavée que sa copine Rotterdam dont la marchandise est directement scannée aux portiques situés sur le terminal à conteneurs, le transporteur accostant au port d’Anvers amène le conteneur du terminal au scanner. Différence de taille. Un conteneur peut vite tomber du camion selon l’adage, avec un bakchich bien garni pour couvrir la chute...ni vu ni connu. Depuis peu, les rives de la zone portuaire font le bonheur de divers promoteurs immobiliers. Coquettes résidences, espaces verts, restos bistronomiques, bars branchés fleurissent avec une réelle volonté d’attraction pour les 150 000 employés contribuant chaque jour au rayonnement du port .
Un patchwork éclectique de styles
Le chic de cette ville portuaire, à l’instar de certaines villes du nord comme Bruxelles ou Amsterdam, est de pouvoir nourrir nos imaginaires. Ses pittoresques ruelles enchevêtrées serpentent entre des façades à pignons de maisons mises bout à bout où se télescopent une farandole d’architectures de tous styles. Patchwork de gothique, Renaissance, baroque, Art Nouveau, Art Déco...cocktail que l’on déguste le regard enchanté entre la fabuleuse Gare Centrale, surnommée « la cathédrale du rail » par les anversois, coiffée d’une imposante coupole influencée du Panthéon de Rome et d’un sol dallé de marbre jusqu’à la salle des pas perdus et la Grande Place (Grote Mark) cerclée de maisons autrefois occupées par les différentes guildes de la ville lors de grandes foires commerciales et au cœur duquel trône une imposante statue vert-de-gris représentant Brabo triomphant, un personnage mythologique emblématique de la ville qui, selon la légende, tua un dragon. À quelques encablures se dresse la cathédrale Notre-Dame d’Anvers. Chef-d’œuvre d’architecture gothique dont la tour nord, délicate dentelle de pierre, culmine à 123 mètres. L’édifice abrite pas moins de quatre chefs-d’œuvre de Rubens : l’Érection de la Croix (1609/10), la Descente de Croix (triptyque, 1612), la Résurrection du Christ (1612) et l’Assomption de la vierge (1626). Déception. Impossible actuellement de visiter la maison-musée du maître fermée pour rénovation. Aucune date de réouverture n'est envisagée à l'heure actuelle. On nous promet du beau, du neuf avec une extension côté jardin abritant un café, la bibliothèque Rubens et un centre de recherche. Le budget prévisionnel consacré à ces travaux se monterait à 22,7 millions d'euros pour la ville d’Anvers auxquels s’ajouteraient 3 millions supplémentaires de l'office régional du tourisme VisitFlanders. Autre perle du centre historique ? L’église Saint-Charles de Borromée, tenue autrefois par les jésuites et décoré par Pierre-Paul Rubens avec l’aide de son assistant Antoine Van Dyck. Un symbole vu comme l'expression du triomphe de la réforme catholique mettant fin à la progression du protestantisme. La curiosité vient de l’autel où le tableau, placé au-dessus, change au gré des fêtes religieuses. Un ingénieux système de poulies (une caractéristique que l’on trouvait dans de nombreuses églises jésuites) permettant de faire glisser de manière alternative une Élévation de la croix de Gérard Seghers et un Couronnement de la Vierge de Cornelis Shut.
Anvers, c’est aussi ses musées ancestraux, contemporains, son design, son éclectisme culturel ponctué de bars branchés et atypiques. Tout un parcours que vous gourmets et aficionados pourrez savourer dans un prochain numéro.
- La nuit approche sur la Grande Place, ©Harry Kampianne
Harry Kampianne
Pour toutes informations :
L’Office du tourisme de Flandre
https://www.visitflanders.com/fr
L’Office du tourisme d’Anvers
https://visit.antwerpen.be/
Visiter Anvers en toute quiétude
L’Antwerp City Pass vous permet de flâner dans la ville en profitant de réductions et d’entrées gratuites dans 16 musées, 3 églises historiques et 3 attractions.
https://visit.antwerpen.be/fr/antwerpen-city-pass-fr
- Entre chien et loup sur la Gtrande Place d’Anvers, ©Harry Kampianne
- le Cocoluche bar taverne. Bâtiment construit en 1618. Cuisine latino-américaine ©Harry Kampianne
- Le Bâtiment de pilotage, port d’Anvers, prise de vue du MAS, avec un effet brouillard, ©Harry Kampianne
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