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Accueil du site > Culture & Loisirs > Voyages > Descente dans la dépression du Danakil ethiopien

Descente dans la dépression du Danakil ethiopien

Premier récit de la série Voyage au bout de la Terre, une aventure en pays Afar là où la vie n'a pas changé depuis des millénaires et où les hommes vivent toujours selon leurs rudes traditions. Un voyage au point le plus bas de la Terre dans le cratère de Dallol et au sommet d'un des seuls volcans actifs en permanence, le volcan Erta Ale. Un dépaysement complet et des émotions très fortes.

La Dépression du Danakil, connue également sous le nom de triangle Afar dans le Nord-Est de l'Ethiopie, est le point le plus bas de la terre à une altitude de -155 mètres sous le niveau de la mer. C'est aussi l'endroit le plus chaud au monde avec des temperatures atteignant des moyennes de 60 degrés celsius à certaines périodes de l'année. C'est également une des régions les plus spectaculaires au monde avec Erta Ale, un des seuls volcans actifs que l'on puisse approcher de près, et les paysages lunaires de l'ancien cratère de Dallol. Un véritable paradis pour les géologues, vulcanologues et aventuriers dans l'âme. Le visiteur moyen ne pourra supporter cet endroit qu'entre Novembre et Mars, lorsque la plupart des voyages y sont organisés.

A cause des conditions de vie rudimentaires et des menaces terroristes toujours présentes, le Danakil est une destination difficile où l'on ne peut s'aventurer seul et sans préparation rigoureuse. Il est d'ailleurs conseillé de voyager en groupe et en voiture 4x4 avec des guides et des chauffeurs expérimentés connaissant bien la région. Les infrastructures sont inexistantes et les ressources extrêmement limitées ; il faut tout emporter avec soi : l'eau, la nourrriture, les médicaments, les matelas, les couvertures ainsi que les éventuelles pièces de rechange pour les voitures. On y voyage en convoi à deux véhicules minimum pour pouvoir pallier à des pannes mécaniques toujours possibles. Une expédition en terra incognita.

J'ai profité de la visite de mes amies Hélène et Isabelle, toutes deux résidentes en France, pour entreprendre ce périple dont je rêvais depuis mon arrivée en Ethiopie. Gina, une amie irlandaise également résidente à Addis nous rejoignit à la dernière minute. Notre voyage débuta par le vol Addis Abeba-Mekele, la capitale provinciale de la région du Tigray au nord de l'Ethiopie. De là, partent tous les convois vers la plaine du Danakil, y compris les caravanes de chameaux dont l'unique but est d'aller chercher des plaques de sel à Dallol pour les revendre ensuite à Mekele. Leur voyage ne durent pas quelques heures comme le nôtre en 4x4 mais des journées entières dans des conditions plus que pénibles et en pleine chaleur. Après un déjeuner traditionnel composé d'injera, la galette de tef typiquement éthiopienne, et d'un assortiment de légumes cuits dans des épices, nous partîmes pour Berhale, première étape de notre aventure et passage obligé pour obtenir tous les permis nécessaires pour entrer dans le territoire Afar. Berhale est au bout de la route, physiquement et mentalement. C'est ici que finit la route d'asphalte et que de nouvelles règles s'appliquent. Le peuple Afar est réputé en Ethiopie pour avoir ses propres coutumes ancestrales et souvent cruelles, comme de devoir tuer un maximum d'ennemis pour être considéré un homme. Ils ont aussi pour tradition de devoir présenter les testicules de leurs victimes à leur futur beau-père pour pouvoir obtenir sa fille en mariage. Ce sont des pasteurs semi-nomades qui se déplacent d'un camp à l'autre pour faire brouter ou paître leurs animaux, et qui contrairement aux Chrétiens orthodoxes des hauts-plateaux, sont musulmans. La propriété privé n'existe pas dans leurs règles, la terre Afar est la maison de tous les Afar, et c'est pour cela qu'ils exigent une rémunération de la part de tout visiteur étranger pénétrant sur leur territoire.

C'est ce que nous fîmes à Berhale : acheter les permis d'entrée en pays Afar et contracter un membre de la milice locale pour nous accompagner tout au long du voyage. Berhale est aussi un centre de négoce sur la route des caravanes, où les caravaniers vendent le sel en provenance de Dallol s'ils n'arrivent pas jusqu'à Mekele sans besoin supplémentaire de fonds. Lors de notre bref arrêt là-bas, nous eûmes la grande chance de pouvoir observer quelques chameliers à l'oeuvre, dégageant leurs chameaux de quelques dizaines de plaques de sel pour les vendre le plus rapidement possible. Après ce premier spectacle exotique, nous nous rendîmes au village de Malabeday, à moins d'une heure de Berhale, pour y passer notre première nuit.

Je souris encore quand je pense à l'expression d'Isabelle lors ce qu'elle découvrit que le camping de Melabeday indiqué sur le programme, n'était rien d'autre que de simples lits de camp en corde tressée plantés au milieu d'un hameau. Pas d'autre infrastructure, pas d'hotel, pas de chambre, pas de sanitaires, le dénument complet. C'est dans ce genre d'endroit que l'on comprend ce qu'englobe le concept de pauvreté : pauvreté matérielle par manque de ressources, mais aussi et surtout pauvreté de l'esprit par manque total d'horizon et de possibilité d'en sortir. Passée la première surprise, nous nous habituâmes à nos lits de camp Afar et adoptâmes cette solution comme étant plus hygiénique et plus confortable qu'un vieux matelas infecté de puces posé à même le sol. Ainsi, chaque nuit nous nous endormîmes en contemplant le ciel abondemment étoilé. Une cuisinière qui faisait partie de l'équipe, nous préparait tous les repas et ne manquait pas de talent pour faire varier les plats avec le peu d'ingrédients qu'elle avait emporté avec elle, la place en voiture étant limitée. Un des coffres avait été rempli avec les centaines de litres d'eau que nous avions dû emporter avec nous. Dans ces régions, on compte environ quatre litres d'eau par personne per jour. En guise de toilette, nous devions nous contenter de la nature environnante, c'est à dire d'une vaste plaine sans aucune végétation pour nous donner un peu d'intimité. Les Afar ne s'en offusquent pas, c'est ce qu'ils doivent faire pour leurs besoins les plus élémentaires. D'ailleurs, les hommes n'urinent pas debout mais en position accroupie comme les femmes. Ils portent un long sarong qui masque leurs parties génitales même dans cette position. 

à suivre...

Salambo

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5 réactions à cet article    


  • cevennevive cevennevive 19 septembre 2013 14:19

     « C’est dans ce genre d’endroit que l’on comprend ce qu’englobe le concept de pauvreté : pauvreté matérielle par manque de ressources, mais aussi et surtout pauvreté de l’esprit par manque total d’horizon et de possibilité d’en sortir. »


    Bonjour Salambo,

    Pauvreté matérielle oui, certes, en regard de notre civilisation de la pléthore et du gaspillage. Mais êtes-vous sûr que ce soit de la pauvreté de l’esprit ? Se contenter de ce que l’on a, en tirer profit et en vivre, garder les habitudes ancestrales, semble, au contraire, une richesse de l’esprit...

    Dommage, votre remarque « fiche » un peu par terre votre belle évocation d’une région du monde si atypique, et dont parle très bien Henry de Monfreid dans ses oeuvres. Mais lui parlait aussi des multiples ethnies peuplant tout l’est et le sud de l’Ethiopie, et ne mettait pas l’accent sur la pauvreté de l’esprit de ces gens.

    Cordialement.

    • salambo salambo 19 septembre 2013 16:20

      Merci Cevennevive d’avoir réagi à mon récit, et merci aussi de l’avoir lu ! Peut-être que je me suis mal exprimée en parlant de « pauvreté de l’esprit », je voulais surtout évoquer le manque d’horizon et le manque de possibilité d’améliorer ses moyens de subsistance, pas le manque de culture. Oui Henri de Montfreid a parlé de ces ethnies, mais il a aussi écrit dans les années 1930, et donc il y a plus de 70 ans, à une époque ou il n’y avait pas encore 7 milliards d’habitants sur la planète se battant pour les meme ressources. Oui, nous devrions faire en sorte que les traditions ancestrales et les cultures des différents peuples soient préservées, mais à quel prix ? Au prix d’une famine chronique ? Je crois que le débat doit se déplacer et se concentrer plus sur l’équilibre à trouver entre la préservation des cultures et du patrimoine humain et la sécurité alimentaire pour tous. Malheureusement, et vous le lirez (j’espère) dans le récit suivant, c’est l’exploration industrielle etrangère de mines de potasse qui va très rapidement contribuer à la sédentarisation du peuple Afar. Nous sommes chacun les témoins de l’époque dans laquelle on vit...


    • alinea Alinea 20 septembre 2013 00:40

      J’ai été choquée aussi comme cevennevive ! mais j’ai lu votre explication ; à votre deuxième tome donc, je m’instruis puisque je ne connais rien de ce lieu ni de ces gens !


      • cedricx cedricx 20 septembre 2013 14:43

        Comme Alinea je ne connais rien de ce peuple sinon qu’il me semble avoir entendu quelques fois parler d’« afars et d’issa »(?) mais c’est très flou donc je m’instruis aussi, en attente du deuxième.


        • salambo salambo 22 septembre 2013 22:06

          Oui Cedricx, merci de votre interet....en quelques mots, les Afars sont une ethnie vivant dans le dénommé triangle Afar, cette région desertique au nord est de l’Ethiopie qui englobe aussi une partie de Djibouti et de l’Eritrée. Les Issas sont un clan des Somalis, ce peuple qui vit en partie a Djibouti (justement les issas), en Somaliland, en Somalie et dans l’Ogaden, région d’Ethiopie chère à Rimbaud (j’y reviendrai plus tard quand je parlerai de Harar). La Somalie est justement une question epineuse en ce moment et le terrain de revendications politiques parce que partagée entre plusieurs Etats (Ethiopie, Kenya, Somalie et Somaliland). 

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