La pimbêche de l’air
Elle aime se faire tirer l'oreille.
Qui pense qu'un voyage intérieur en avion pour se rendre en Corse n'est que de tout repos, se trompe lourdement. Les aléas sont nombreux, la météo peut se mêler de la partie tandis que les impondérables ont bonne mine. Vous pensez gagner en temps et en fatigue et voilà que la mécanique s'emballe pour transformer votre voyage en une pénible aventure.
Comme il est recommandé de se présenter trois heures avant l'embarquement, vous respectez stupidement une consigne qui ne tient naturellement pas compte des quatre heures moins quelques minutes (pour éviter le remboursement) que vous aurez à faire le pied de grue sans vous envoler. Les oiseaux sont sur ce point moins embarrassés que nous !
À l'heure du premier départ supposé, une annonce précise qu'un problème technique a laissé l'avion prévu en rade sur l'aéroport de Bastia. La nouvelle peut surprendre car un tel événement ne se constate pas à moins d'une heure du départ d'Orly. La consternation se lit déjà dans les visages des candidats passagers …
Les annonces se succèdent, il est question d'un autre vol à remplir, d'une possibilité plus tardive pour ceux qui ne seront pas les heureux élus de la sélection. Au fil de l'attente, des noms sont appelés pour venir quérir un billet pour un autre vol qu'il convient de remplir. C'est assez drôle, au début il n'y a que des noms à consonance insulaire et chacun se dit qu'il y a là une préférence territoriale qui n'a rien de scandaleuse finalement …
Puis la liste s'allonge et devient fort importante. Plus de Quatre vingts passagers changent ainsi en dernière minute de vol et le doute s'installe dans les esprits retors à hélice. Si l'avion est resté à terre, ne serait-ce pas une mesure d'économie, compte tenu de la possibilité de remplir les deux vols suivants qui ne sont pas surchargés ? Des voyageurs partis de Toulouse et qui font escale ici pour se rendre à Bastia nous disent qu'ils n'étaient que vingt dans la carlingue.
L'attente se fait interminable dans cet aéroport qui tient du coupe gorge pour les prix pratiqués pour une restauration de survie. Le mieux est de jeûner pour ne pas accroître le coup carbone de la plaisanterie. Enfin, le départ suivant se profile et les heureux bénéficiaires du tirage au sort rejoignent les passagers du vol suivant.
Installés dans un appareil bourré à craquer, nous patientons. L'heure initialement prévue est largement dépassée car un nouvel incident est à déplorer. Un passager ne s'est pas présenté à l'embarquement alors que son bagage est en soute. Il convient d'envoyer une équipe de bagagistes déminer la situation dans la soute. C'est donc avec un nouveau retard conséquent que l'appareil prend enfin ses ailes à son cou.
Le voyage se passe sans encombre si ce n'est qu'une passagère semble solliciter exagérément le personnel. Les aller et retour vers la jeune dame sont nombreux. Voilà sans doute quelqu'un qui aime à être au centre des préoccupations. La suite attestera cette hypothèse. À l’atterrissage, il convient de patienter afin que les passerelles avant et arrière soient installées.
Le temps une nouvelle fois file un mauvais nuage cotonneux. Les passagers en quête de liberté et souvent chargés d'un retard conséquent piaffent dans une allée centrale totalement surchargée. Parmi cette foule, un bébé de moins d'un an pleure à chaudes larmes. Placée à l’arrière, la petite fille espère l'ouverture de la porte arrière qui ne parviendra pas à se réaliser. La loi des séries ….
C'est l'encombrement et les pleurs de l'enfant résonnent. J'interviens en demandant aux occupants du couloir de vouloir bien laisser passer les parents, hélas, c'est à cet instant que la pimbêche se lève et prend ses affaires dans le coffre de la cabine. Elle prend tout son temps, fait bouchon et même obstacle. Des passagers lui demandent de s'écarter pour laisser la petite passer. C'est le drame, la dame en question souffre des oreilles et les pleurs de la gamine lui font souffrir le martyr. Consternation des passagers devant pareille mauvaise foi.
Des cris, une bousculade et c'est le drame. L’IPad de la donzelle se retrouve à terre et la grand-mère qui voulait s'infiltrer dans la brèche aurait mis le pied dessus. Le centre du monde se révolte, appelle le personnel de vol. Elle refuse de bouger, exigeant des excuses et même réparation. La tension monte et les hurlements ne sont plus l'exclusivité de la petite.
La future hôtesse de l'air car c'est ainsi que se présente cette calamiteuse passagère fait de nouveau blocage devant le commandant de bord pour exprimer sa réprobation devant les souffrances que ses pauvres tympans ont dû endurer à cause de passagers qui lui crient après. Pire, des gens placés plus en avant ont donné raison à la plaignante pour la plus grande consternation de ceux qui ont assisté à la scène.
Finalement, le bouchon d'oreille saute et la queue de la file peut enfin accéder à la passerelle avant. Je pense en avoir fini de l'algarade quand je retrouve le centre du monde saisir des représentants des autorités portuaires. Avec une autre passagère nous venons relativiser les plaintes de cette malheureuse outragée dans sa dignité de reine des cieux.
La chose se reproduira peu de temps après la récupération des bagages. L'insupportable greluche a fait appel à des policiers pour qu'ils verbalisent les deux accompagnateurs de la petite qui ayant retrouvé sa poussette, dort profondément. Les vociférations de la grand-mère attestent que nous sommes arrivés en territoire méridional.
Devant la tournure de la chose, je me présente devant les policiers pour exprimer mon indignation devant le comportement de cette femme insupportable. Une fois encore, elle hurle son mécontentent, le calvaire qu'elle a subi à cause de la petite et de tous ceux qui ont pris la défense de l'enfant trop bruyante. Devant pareil mauvaise foi, je préfère tourner les talons, ce que feront peu de temps après les représentants de l'ordre qui ont mieux à faire que de prendre en compte les récriminations d'une pimbêche de l'air.
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