Week-end à Prague, la ville aux cent clochers
Au château de Prague, Kafka est encore parmi nous !
« Armés » de vieilles chaussures pratiques, nous avons sillonné Prague à pied et en métro (efficace, propre et économique). L’après midi de notre arrivée, nous nous sommes limités à nous promener sur le pont Charles. Le point de vue est magique, avec son fleuve la Vltava étonnamment large, les trente statues baroques des saints patrons de la ville ou du christ complètement noirci comme de l’ébène par les injures du temps, une vue idyllique sur le château, qui domine la ville en haut de sa colline.
Nous avons cherché ensuite un restaurant pour dîner et nous reposer de la fatigue du voyage. Nous avons choisi un restaurant plein de Tchèques, ce qui aurait potentiellement dû nous permettre de goûter la cuisine Tchèque telle que la mange les Tchèques, mais cela a été le plus mauvais repas que nous ayons fait depuis des années….Les spécialités Tchèques (goulasch & co) n’avaient aucun goût et étaient servies avec de méchantes tranches de pain peu cuit, le tout nageant dans une sauce insipide. On était visiblement mal tombé, d’ailleurs on ne connaissait pas les bons coins où aller, et demander conseil à quelqu’un était difficile car la plupart des Tchèques à qui nous nous étions adressés ne parlaient que le Tchèque, qui est du Turc ou du Tchèque, justement, pour nous.
Langue étonnante d’ailleurs, gutturale, avec fréquemment plus de 3-4 consonnes qui se suivent. Comment font-ils pour prononcer ces tas de consonnes en enfilade ? En tout cas, dans notre ignorance du Tchèque (problème commun à tous les Européens de l’Ouest d’ailleurs), on parlotait en anglais/français/italien, en montrant les photos où l’on souhaitait aller, et on nous répondait en Tchèque par gestes….Pas simple, mais on arrivait à se débrouiller.
Le lendemain, on s’est levé tôt pour aller visiter le fameux château de Prague (en tchèque : Pražský hrad) qui est le plus grand château médiéval au monde par sa superficie. C’est le château fort où les rois tchèques, les empereurs du Saint-Empire romain germanique, les présidents de la Tchécoslovaquie, puis de la République tchèque, siègent ou ont siégé. Les joyaux de la couronne de Bohême y sont conservés, dont la merveilleuse couronne de St. Venceslas datant de 1346, le Sceptre royal et le Globe impérial du XVI è siècle.
Le château est à l’intérieur de trois cours qu’il faut franchir progressivement : à l’entrée de la première on peut voir la relève de la garde version tchèque, dans la deuxième nous attendait la plus grande queue jamais faite de notre vie pour les billets aux différents musées/monuments historiques du château….Dieu merci, il ne faisait pas trop chaud, alors on avait pris notre mal en patience (il en faut beaucoup). Peu de caisses étaient ouvertes même si nous étions le samedi de Pâques, et ceux qui voulaient l’audioguide devaient encore faire la queue pour se les procurer, coincés au milieu de centaines de touristes malheureux….On a renoncé à l’audioguide, on avait déjà assez souffert comme ça…..Billets en main, on accéda finalement à la troisième et dernière cour du château, celle qui donne accès au Graal (vue la queue, cela serait justifié).
La splendide église de Saint Guy dresse fièrement ses tours gothiques vers le ciel, pendant qu’en bas, devant nous, des milliers de touristes faisaient la queue pour y entrer...Nooooooon !!!!! Encore une queue monstrueuse à faire ! Les gosses ont alors explosé (ils avaient déjà été étonnamment patients). On décida alors de ne faire la queue (inévitable et Kafkaienne) seulement là où elles étaient relativement menues…..On entra plutôt rapidement (au paramètre Tchèque) au cloître Saint-George (National Gallery), qui abrite une collection d’œuvres d’art de la fin du XVI ème siècle à la fin du XVIII ème siècle, essentiellement Tchèque, dont de belles œuvres de Vaclav Brozik (1851-1901).
Requinqués, on est parti à l’attaque de la queue pour entrer à la basilique Saint-Georges datant de 920 a.c. fondée par Vratislaus I de Bohême, dotée d’une très belle façade baroque du XVII siècle encadrée de deux tours romanes. Cela allait assez vite et on accèda enfin à l’étonnant cercueil en bois peint de Premyslid Duke Vratislav dans la nef et à la tombe de Boleslaus II de Bohême, ainsi que la chapelle de Sainte Ludmilla, la première martyre chrétienne tchèque enterrée dans la basilique.
Arriva l’heure de déjeuner, aussi y-avait-il moins de queue à la cathédrale St. Guy : on décida alors d’ y faire l’énième queue car ça avait l’air d’avancer assez rapidement. Avec une patience infinie (autres 40 minutes) on arriva finalement dans le saint du saint et je dois dire que cela en valait la peine : le vitrail de Mucha, datant de 1931, est merveilleux (aussi bien dans son dessin que dans ses couleurs). Il raconte la légende de Cyrille-et-Méthode, les Apôtres des Slaves, les deux frères qui ont évangélisé les peuples slaves de l’Europe centrale.
On alla ensuite admirer le tombeau en argent massif de St. Jean Népomucène (achevé en 1736 et qui a nécessité 2 tonnes d’argent le plus pur pour le réaliser) qui dépasse en beauté l’imagination la plus folle : c’est une pure merveille qui laisse bouche bée d’admiration. Ce n’était pas fini, on eut droit enfin au graal promis et mérité (après toutes ces queues absurdes) : la chapelle de Saint-Venceslas Ier de Bohême (Václav en tchèque, né aux alentours de 907, saint patron de la République tchèque) qui laisse pantois d’admiration : cette chapelle - contenant le tombeau du saint - a ses murs décorés de fresques médiévales ou la couleur rouge et dorée dominent, représentant la vie du saint sur la partie supérieure et incrustées de pierres semi-précieuses sur la partie inférieure à hauteur des yeux. C’est une digne héritière des splendeurs byzantines. C’est ahurissant de beauté. Nous fûmes finalement en paix avec nous-même pour avoir supporté toutes ces horripilantes queues.
On décida alors de redescendre du château vers la ville basse, en passant par la caractéristique Ruelle d’or, car on était épuisé : on n’a jamais fait autant de queues de notre vie (et pourtant on est habitué à Paris) et on en avait ras-le-bol : on voulait reprendre notre liberté de marcher tranquillement là ou nous en avions envie, au lieu de stagner impuissant sur quelques mètres carrés.
Certes, ce que nous avons vu était extraordinaire, mais nous avons aussi eu l’impression d’être protagonistes du roman homonyme de Kafka, par l’absurdité de ses incessantes et incontournables queues. Un jour, peut-être y retournerai-je, mais cela sera en hiver, sous la neige, où je crois sa magie à son plus haut niveau de séduction dans une ville beaucoup plus vide....
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