« Comment gouverner à gauche face à la crise ? »
Pour sa première conférence de la rentrée 2013, l’Agora, la Tribune Etudiante de l’Edhec était fière et honorée de recevoir la semaine dernière un invité de marque, Monsieur le Premier Ministre Michel Rocard.
Plus de 800 étudiants et habitants de la métropole lilloise ont fait le déplacement pour assister au débat exceptionnel qui s’est tenu dans l’enceinte de l’auditorium de l’Edhec Business School. Référence incontestable de la vie politique française, Premier Ministre sous François Mitterrand, Michel Rocard, a répondu avec ferveur aux questions des deux interviewers de l’Agora. Une heure de débat et de partage aux côtés d’une pointure politique autour d’un thème s’accordant parfaitement aux tons de l’actualité : « Comment gouverner à gauche face à la crise ? ».
Du haut de ses 83 ans et après une longue carrière politique, l’humilité reste la première qualité dont Michel Rocard a su faire preuve dès l’ouverture du débat. Même pour le flatter, veillez à éviter le terme de « rocardisme » qu’il affirme lui-même « ne pas aimer du tout ». En effet, Monsieur Rocard se définit davantage comme l’héritier d’une grande tradition à laquelle il ne cessera de se référer : « la social-démocratie ». Celle qu’on appelle aujourd’hui « la gauche » est à ses yeux le fruit d’un mariage entre le marxisme et le jacobinisme, courants préoccupés par la volonté de décentraliser le pouvoir et d’accroître le dialogue avec les syndicats. Dialogue fortement mis à mal aujourd’hui et qui demeure « l’un des plus grands drames nationaux ». L’absence de véritables syndicats effectifs et actifs, déplorée par l’ancien Premier Ministre, interdit pour la France le chemin de l’accord mutuel et fragilise chaque jour davantage le climat non seulement politique mais aussi social.
Défenseur de l’allègement de la fiscalité, Monsieur Rocard n’a pas manqué de saluer les efforts récemment déployés par le Président de la République, mettant en exergue les avantages délivrés par le Pacte pour la Compétitivité qu’il perçoit comme une « source d’intelligence et de réussite pour soulager la fiscalité ». Acharné de la réduction du temps de travail, il appelle également avec force et conviction à un abaissement du nombre d’heures en France : 30 heures par semaine ! C’est d’un ton assumé qu’il qualifie alors les Lois Aubry de « maladresses administratives » ayant accompagné l’effervescente croissance du chômage en France ces dernières années. Un départ à la retraite plus tard, des cotisations plus longues et des charges moins élevées sont à ses yeux les clés d’une amélioration de la productivité française.
Par ailleurs, un détour par l’actualité internationale s’est imposé de droit. Michel Rocard a souligné la complexité et les tensions inhérentes à la crise syrienne. Les grands scandales internationaux à l’instar de l’invasion du Koweit par l’Irak en 1990 ou plus récemment le cas du Mali ont légitimement suscité l’action de la communauté internationale. Il doit en être de même aujourd’hui pour les syriens : « J’ai des convictions assez rigoureuses qui ne vont pas à l’indifférence. L’humanité a le devoir d’intervenir » a-t-il prononcé avec calme et gravité rappelant que le fond du problème réside toujours dans la question de l’utilisation armes chimiques.
En définitive, sur son territoire, en Europe ou sur la scène internationale, la France doit faire face à un véritable contexte de « crise ». Le dialogue semble être aujourd’hui l’unique et dernier recours de l’ensemble de la communauté internationale.
Lilia SFIHI