L’Agora reçoit Alain Minc !
Six mois après la fin du monde... le bilan !
Espiègle & moqueur. C’est ainsi que Alain MINC s’est présenté à l’EDHEC Business School pour la centième conférence de l’Agora. Pour l’occasion, les 400 membres de l’assemblée ont été surpris d’apprendre que M. Minc ne serait pas la cible du piquant billet d’humeur. Epargné des balles persifleuses dont l’Agora s’est elle-même fustigée, Alain Minc est revenu sur tous les sujets d’actualité qui ont marqué la France et le monde depuis que nous avons échappé, fort heureusement, à la fin du monde.
Naïveté collective, c’est ce qui ressort de son discours sur la situation en Egypte avec la victoire des Frères Musulmans. L’essayiste n’espérait rien d’autre, la situation ne pouvait évoluer différemment. « L’Egypte connaissait des régimes polémiques à juste titre, mais qui néanmoins étaient les plus laïcs qu’on pouvait imaginer dans leur contexte », comparant cette naïveté à celle de G.W Bush qui comptait bâtir une économie de marché à l’occidentale après la chute du régime de Saddam Hussein. Comme en 2003, on ne pourra bâtir une démocratie en faisant abstraction de l’histoire du pays.
En interne, il critique vivement le gouvernement actuel, notamment Pierre Moscovici, « un très mauvais ministre » compte tenu de son « inaction lors de la crise chypriote, crise qui a été résolue par les Allemands avec une valeur ajoutée considérable du ministre des finances Finlandais ». Concernant l'affaire Cahuzac, Alain Minc avoue ne pas vitupérer. C’est au contraire une affaire très intéressante…. d’un point de vue médical. « C’est tout simplement un schizophrène ». Selon l’économiste, ce genre de fraude fait partie des risques de la société contemporaine. « On ne peut pas se protéger de ce genre de fraudes ». Pour réellement faire bouger la classe politique, il propose d’appliquer à tous les emplois électifs la règle présidentielle selon laquelle on ne peut pas faire deux mandats consécutifs. Outre l’aération politique que cela permettrait, cette solution conduirait les politiques à avoir une vie après leur mission et ainsi « éviter la démocratie à l’anglaise ». Conception du pouvoir que le Président semble bien avoir projetée à nos institutions. « Hollande se comporte en Roi de France. Il n’a pas encore compris qu’il dirige la France comme un chef d’un gouvernement en régime parlementaire. Cela lui lie les mains, et il n’a pas la politique européenne qui lui tient, en fait, à cœur ».
Alain Minc sait cependant féliciter certaines décisions du Président. Il soutient l’intervention au Mali en rappelant la performance exceptionnelle de l’armée française « intervenue en combattante bienvenue et intelligente », instrument même de la puissance que la France doit montrer. Mais son opposition naturelle avec le gouvernement revient au galop quand il condamne le fait que ce succès n’a pas suffisamment été vanté. Il est stupéfait de constater que le gouvernement n’a pas été capable de vendre cette performance à l’échelle internationale. « La France aurait dû utiliser cette victoire pour un bras de fer subtil avec l’Allemagne. Certes la France est dominée économiquement, mais elle reste une puissance politique ». La France dépense plus pour la défense que l’Allemagne, à ce titre, Alain Minc, estime qu’il s’agit là d’un service à l’ensemble de l’Europe et donc qu’il serait tout à fait plausible de déflaquer ce supplément aux 3% qui étouffe la France.
Ce féru de l’Europe ne croit même pas en la mort de l’euro. « Aucun chancelier Allemand ne prendra la responsabilité de mettre fin à l’euro ».
Quand les étudiants abordent l’élection du premier Pape Argentin, il rétorque que l’information plus importante encore est l’abdication du pape Benoit XVI. Il s’étonne qu’un conservateur du genre renonce pour des raisons terrestres à une fonction prophétique. Très au fait en matière de théologie, il affirme que cette fonction semble devenir un job. Le basculement géographique est selon lui une aubaine pour l’Eglise qui se comporte ici comme une entreprise qui va à la recherche de son marché. Eglise contrariée aujourd’hui avec la loi Taubira, que l’ami de Martine Aubry aurait voté sans état d’âme. Le mariage par principe mais aussi l’adoption qui, pour lui, existe déjà via l’adoption monoparentale. Et les tensions en ce moment ? Qu’on ne se morfonde pas, une fois promulguée, la loi ne sera plus discutée par la droite républicaine ; en effet, « se battre contre une loi promulguée est d’une démocratie très tangente ».
Quant au mur des cons, c’est une affaire qui tombe à point nommé : « Cela permet à l’opinon publique de voir qu’une partie de la magistrature est idéologiquement marquée. De toutes les manières, beaucoup de magistrats sont bêtes ». Si Alain Minc avoue qu’il aurait été vexé de ne pas y être, il ne comprend pas la raison pour laquelle les magistrats sont protégés par l’outrage à magistrat. Bien qu’il n’adhère pas aux propos d’Henri Guaino envers le juge Gentil, il s’indigne tout de même que dans une démocratie, un acte public ne puisse être critiqué.
Alors finalement, entre une guerre au Mali, des attentats à Boston, une crise chypriote-européenne et un climat de suspicion, … a-t-on réellement échappé à l’apocalypse ?
B.TELGA
Alain MINC
Essayiste, conseiller politique, économiste et dirigeant d’entreprise, Alain Minc multiplie les casquettes et nous proposera sa lecture des évènements récents. Après l’ENA, l’inspection des finances et après avoir présidé la Société des lecteurs du Monde, il est aujourd’hui à la tête d’AM Conseil et de SANEF. Il continue d’exprimer ses avis, incite Francois Hollande à entamer son « tournant de la rigueur », encourage le renforcement des liens franco-américains.