La démocratie à la grecque et le droit à l’information
La fermeture soudaine de l’ERT (le service public grec de radio-télévision) par le gouvernement conservateur d’Antonis Samaras a suscité des vives réactions, colère, indignation et stupéfaction à travers le continent car il n’y a eu aucun précèdent de ce type dans l’histoire démocratique occidentale.
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Selon les décideurs politiques grecs, cette décision s’inscrit dans le cadre des engagements pris par la Grèce de poursuivre les réformes et de réduire le secteur public, dans la ligne d’action imposée par la troïka. Serait-il possible qu’ils aient sous-estimé l’attachement du public à cette institution et à ses valeurs et les réactions que sa fermeture pourrait engendrer dans l’UE ?
Le 12 juin 2013, l’écran noir qui s’affichait sur la chaîne de la télé publique grecque annonçait alors la fin des transmissions de trois chaînes de télévision et ses dix-neuf antennes régionales, et de quatre stations de radio nationales, par simple décision du gouvernement. Choqués par une telle pratique, les grecs se sont réunis devant le bâtiment de l’ERT pour protester et demander la réouverture de leur chaine publique nationale. Entre temps, bénéficiant d’un large soutien partout dans le monde, l’ERT a continué d’émettre ses émissions, uniquement en ligne.
Interprétée comme un « coup d’état » par certains, la décision du gouvernement de fermer la télé publique grecque du jour au lendemain ne cesse de diviser l’opinion publique européenne. Les réactions sont loin d’être unanimes et représentent un indice de la complexité du sujet.
Prise sous la pression des bailleurs de fonds internationaux, cette décision divise les partis à l’intérieur de la coalition au pouvoir et remet en cause la position du premier ministre. Celui-ci, considérant que l’ERT est une institution ingouvernable et complètement corrompue, a imposé sa nouvelle réforme qui entraîne la suppression d’environ 2000 emplois publics, tout en promettant un nouveau projet de loi de réorganisation de l’audiovisuel grec. Il espérait ainsi apaiser les esprits avec la promesse de la création, en septembre, d’une nouvelle radio et télé nationale, qui embaucherait 1200 anciens journalistes et personnels de l’ERT.
Il est vrai que ces dernières années, l’audience des chaînes publiques n’a cessé de décliner. Pourtant, la chaîne publique émettait des programmes de qualité, avait un rôle actif dans la vie culturelle grecque et représentait un lieu de débat national, permettant aux diverses voix de se prononcer. Que les accusations de clientélisme politique et de corruption contre l’ERT soient fondées ou pas, n’y avait-il pas pour autant d’autres moyens de la réformer que de couper les antennes de manière si brutale et inattendue ? Fermer un service public financé par les redevances des citoyens, sans aucune concertation, ne semble pas très démocratique.
Cette action du gouvernement semble d’autant plus grave que les alternatives offertes à la population, même si elles sont nombreuses, sont moins crédibles et moins qualitatives. Les chaînes privées abondent mais la qualité de leurs programmes reste douteuse. Financées par des groupes d’intérêts économiques, ces chaînes diffusent des programmes de téléréalité ou des séries qui apportent peu au niveau de la qualité de l’information par rapport à la chaîne publique. La profonde crise et l’austérité que la Grèce traverse ne devraient pas s’accompagner d’un abandon du pluralisme.
Vu de l’extérieur, les réactions ne se sont pas fait attendre. L’association de la presse internationale (API) a rappelé que selon les traités européens, « les systèmes de radiodiffusion publique des Etats membres sont directement liés aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société », estimant que la Commission a « le devoir d'agir ». La Fédération internationale des journalistes (IFJ) et la Fédération européenne des journalistes (EFJ) ont appelé le gouvernement grec à « annuler immédiatement sa décision sans précédent ».
Le service public joue ainsi un rôle essentiel dans la démocratie européenne. Mais si les dirigeants d’un pays ont le pouvoir de décider spontanément de fermer la télé publique, sans aucun avis et débat au préalable, nous nous retrouvons dans une situation qui pourrait dégénérer rapidement. Si l’état national ne peut plus être le garant de nos libertés fondamentales telle la liberté d’être informés, qui peut agir sinon les citoyens eux-mêmes ? Et comment peut-on prévenir et lutter contre les atteintes infligés par nos propres gouvernements aux fondements démocratiques tellement précieux ?
La solidarité entre les nations s’impose. Nous ne pouvons plus rester les bras croisés en nous disant que ça n’arrivera pas chez nous. Luttons ensemble pour défendre nos droits à une information libre et indépendante. Signez l’initiative citoyenne européenne pour le pluralisme des médias !
Photo : Flickr MGRFoto
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