La France est-elle raciste ?
La semaine dernière, l’Agora recevait sur le campus de l’EDHEC Business School Nabil Ben Yadir, le réalisateur du film « La Marche », accompagné de Toumi Djaidja, l’initiateur de la grande marche de 1983 ainsi que toute l’équipe du film : Jamel Debbouze, Tewfik Jallab, Nader Boussandel, M’Barek Belkouk et Philippe Nahon.
Suite à une année 1983 particulièrement violente, c’est un regain de fierté, d’humanisme et d’amour qui poussa les jeunes de la cité des Minguettes à traverser leur pays de bout en bout scandant l’égalité, et appelant à rejeter la haine. Ainsi fut créé l’esprit de la Marche. Et cet idéal est celui auquel Nabil Ben Yadir a voulu redonner naissance trente ans plus tard, en réalisant ce film, comme pour souligner le fait que la France n’est pas segmentée mais qu’elle est unie. C’est dans sa diversité et sa richesse qu’elle doit trouver son unité et sa force.
A les observer lors de la conférence, une complicité indéniable semble aujourd’hui lier les comédiens. Tous s’accorderont à qualifier leur participation de « fierté », « d’honneur » : cela semble les avoir soudés que d’avoir œuvré à faire renaître ce que Toumi Djaïdja et ses amis avaient entrepris en 1983.
Quand on leur demande s’ils auraient agi comme ces jeunes de la cité des Minguettes à leur place, ils n’hésitent pas à émettre certains doutes à l’instar de Jamel Debbouze qui dira : « Pour entamer ce genre de choses il faut avoir un objectif très fort, je ne sais pas si j’aurais pu trouver la force pour faire la même chose... C’est vraiment difficile ce qu’ils ont fait par amour de leur prochain ! ».
Sur la question du racisme en France, Jamel Debbouze soutiendra avec force que « L’image de notre pays véhiculée par certains vise à nous monter les uns contre les autres ». C’est dans la même perspective que Tewfik Jallab, premier rôle masculin du film, affirme partager ce même sentiment en assurant que « La France n’est pas du tout raciste ». Toumi Djaïdja, initiateur de la marche de 1983, expliquera ensuite l’importance du fait d’éviter de se méprendre quant à la réalité en France. Pour sa part, toutes ses idées préconçues lui furent ôtées au fil de la marche pour l’égalité. Les marcheurs ont, en effet, fait connaissance avec une France nouvelle grâce à leur entreprise. Ville après ville, village après village, ils ont été accueillis, soutenus et encouragés à poursuivre leur action pour l’égalité Les français se sont, chaque jour, joints à eux par dizaines et les marcheurs sont arrivés à Paris au nombre de 100 000.
Jamel Debbouze a confié dans l’amphithéâtre de l’EDHEC : « J’en ai marre de me justifier d’être français, je suis né ici, et j’ai grandi ici, la France m’a ouvert ses bras.... ». La France a, en effet, ouvert ses bras aux immigrés et à leurs enfants, qui le lui rendent en réalisant ce film : « un hymne à la vie, une déclaration d’amour à la France » dira Nabil Ben Yadir pour le décrire. L’esprit de la marche n’est pas celui qui sépare les coupables des victimes. La marche est cette entreprise visant l’union véritable de la France « black, blanc, beur ». La France qui ne se renie pas, fière de ses valeurs et de ses couleurs, celle qui respecte l’humanisme et la tolérance qu’elle défend à travers le monde. « J’aurais tout fait pour participer à ce film, c’est une claque » déclarera Jamel Debbouze. Au moment où les propos sur Christiane Taubira défraient la chronique, est-il la claque dont la France a besoin lorsqu’elle se laisse aller à des dérives qui remettent en cause ses idéaux et les valeurs mêmes de sa devise ?
R. Imadiouni