Mon article est avant tout réaction à des propos malvenus. Il n’appelle donc pas obligatoirement de réponse sinon de l’auteur desdits propos, lequel s’est déjà exprimé sur son blog et je l’en remercie.
Il n’en reste pas moins que, d’une manière générale, et si l’on excepte le moment d’émotion due à une disparition fort médiatisée, Aimé Césaire ne suscite pas chez le citoyen lambda un intérêt tel que ce dernier se précipite pour consulter les articles consacrés au poète et pour exprimer à son tour un sentiment quant à l’homme, une réflexion quant à sa pensée, une appréciation quant à son œuvre.
On le constate simplement en se reportant à la fréquence de consultation des divers articles parus ces jours derniers sur Agoravox et au faible nombre de réactions qu’ils ont suscitées.
Si je me réfère à la qualité moyenne de ces réactions (dont certaines sont proprement affligeantes !), je ne suis pas loin de penser que le silence n’est pas nécessairement la forme de réponse la moins respectable.
Peu d’autres ont tenté de le sortir de « ce pays mené de biais par les averses et meurtri dans son cœur par le fouet des rouliers... » et qui, hélas, retient parfois un peu trop la parole dont la force, en traversant les terres étrangères, prendrait force plus encore ! et je me prends à penser aux terres de la Drôme dont n’a jamais voulu se détacher Alain Borne...
Mais, revenant à René-Guy Cadou, j’aimerais certes rappeler que ses amis les plus proches, Jean Bouhier, Roger Toulouse, Michel Manoll, Marcel Béalu, l’ont toujours soutenu. Que Jean Rousselot, dernier à l’avoir aidé à franchir « la barrière de l’octroi », aura beaucoup fait pour le faire connaître, j’en témoigne. Mais après ? Quelques professeurs éclairés, amateurs de poésie, animateurs de revues ... Cadou mérite plus et mieux !
Christian Moncelet, dans un remarquable ouvrage « René Guy Cadou, Les liens de ce monde » (Ed. Champ Vallon, 1983) présente son œuvre avec la compétence de l’universitaire mais surtout avec la ferveur et la simplicité qui conviennent à cette œuvre toute de tendresse et d’attention au monde. Tu pourrais utilement ajouter le travail de Moncelet à ta bibliographie.
De même que la lecture subtile et sensible de quelques poèmes, autrefois enregistrée par Daniel Gélin, mériterait de figurer dans une discographie.
Je n’ai sans doute pas vu tous les articles que tu as consacrés à la poésie bretonne mais je regretterais que tu n’aies pas évoqué la haute présence de Paol Queinnec dont me restent en mémoire les « Hommes liges des talus en transes » :
"...j’imagine un pays d’étonnante fureur minérale
guettant l’odeur des fusils au cœur des capitales
un pays d’espoir et de rouges-gorges incendiés
descendant des collines vers les villes étouffées
-et les fleuves mus par les chaudières du vent
se scindent à son approche -
j’imagine que l’envahissent les arbres
arbres sauvages aux fruits épais comme des
chats huileux
arbres dépositaires du tronc des feuilles et de
nos racines
arbres bâtisseurs filtrant les soleils qui
bouillonnent par le delta de nos racines
arbres en ruine sur le terrains vagues grands
arbres sillonnés d’oiseaux et de chenilles
ifs nourris d’ossements et de vent pins jonchés
de sève chênes dont on fait chaloupes et
goélettes
et vous chouettes bulbeuses accrochées dans
l’espace de leurs branches piverts buvant
l’écorce par saccades buses rouges déchiquetant
le lichen des béliers en rut
arbres chauds et poitrinaires qui tendez les
naseaux dans les réseaux du vent
je contemple ce pays bâti de coteaux et de
criques
cerné de climats douçâtres
traqués de tourbes révolues
outrepassé de tumeurs pâles et de pustules
où il n’y a pas de place pour le paysan seigneur
des terres immobiles
pour le prolétaire en usine combattant les
négoces et les engrenages féroces... "
(Paol Quéinnec, « Hommes liges des talus en transes », P.J. Oswald, Honfleur, 1969)