LES CINQUANTE VICTIMES D’HOMS :
L’OPPOSITION TENTE DE REBONDIR SUR DES MORTS
"Gouvernement et opposition radicale continuent de s’accuser du massacre d’une cinquantaine de femmes et d’enfants à Homs, dont les corps ont été, en quelque sorte, présentés à la presse via une vidéo d’opposants, lundi. Si l’on s’en tient à l’adage latin « Hic fecit cui prodest » (« A qui profite le crime » en adaptation française), force est de constater que la balance penche du côté de l’opposition : outre que le CNS a sauté sur l’occasion pour demander une « réunion urgente » du Conseil de sécurité, les Comités locaux de coordination, organisateurs de manifestations et fournisseurs de bilans à l’OSDH, ont appelé à une journée de deuil et de mobilisation. Of course, Hillary Clinton a, elle aussi, lancé un appel indirect à la Russie et à la Chine à changer de position sur la Syrie, et à soutenir enfin le « plan de paix » arabe recalé le 4 février au Conseil de sécurité.
Et son fidèle Juppé, avec l’arrogance qui lui sert d’identité politique, a lancé que les autorités syriennes devraient « répondre de leurs actes devant la justice internationale« .
Mais s’il y avait une justice internationale, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé devraient, eux, répondre de leurs actes en Libye.
1 - De l’utilité du mot « humanitaire »
Autre « effet-massacre », arrivé lundi à Ankara, Kofi Annan a commenté l’événement de façon implicitement accusatrice du pouvoir syrien : « La mort de civils doit s’arrêter maintenant« .
Une déclaration relayée par un autre ponte onusien, Paulo Pinheiro, président d’une « Commission d’enquête internationale sur la Syrie« , qui a dénoncé depuis Genève le fait que le gouvernement n’autorise qu’un accès « limité » aux organisations humanitaires, et estimé que la « situation désespérée » des civils présentait un caractère d’ »urgence absolue« . De façon plus modérée, Valérie Amos, en charge des questions humanitaires aux Nations-Unies, et qui revient d’une visite à Damas et à Homs, a invité le gouvernement syrien à d’avantage de « transparence« .
Dans toutes ces déclarations, les responsables de l’ONU font, c’est un trait récurrent chez les contempteurs du régime syrien, l’impasse sur la question des bandes armées, qui interdisaient, à Bab Amr notamment, un cessez-le-feu durable et l’acheminement de secours.
Et un gouvernement aussi maltraité depuis des mois par les instances internationales a sûrement tendance à se méfier de toutes les ingérences, mêmes humanitaires.
Après tout c’est au nom de
considérations humanitaires que l’OTAN a fait sa guerre et son coup
d’Etat, et c’est en invoquant des considérations humanitaires que les
atlantistes et les pétro-monarchies ont successivement ou simultanément
agité, à propos de la Syrie, une zone d’exclusion aérienne, des couloirs
humanitaires ou une franche intervention armée. Les secours doivent
arriver à Bab Amr, et ils ont commencé du reste à être distribués dans
certains secteurs de la ville par le Croissant-Rouge syrien.
Mais il y a encore des jusqu’au-boutistes à Homs, qui tirent. Et il y a toujours des cyber-truqueurs prêts à utiliser les déclarations ou impressions d’humanitaires de l’ONU pour charger leur ennemi politique. Ca n’excuse pas toutes les lenteurs administratives du régime à Bab Amr, ça les explique en grande partie.
Le gouvernement syrien doit dans les heures qui viennent donner sa réponse aux propositions de Kofi Annan – zones humanitaires, libération de prisonniers, ouverture d’un dialogue politique.
2 - Pétition d’indignés mondains
Nous parlions de l’utilité des massacrés de Homs pour l’opposition. Avec un timing assez impeccable – peut-être fortuit -, la presse française répercute lundi 12 mars un appel à priver « maintenant » Bachar al-Assad de son « permis de tuer » et signé par le gratin du droit-de-l’hommisme, du sionisme et du néoconservatisme international.
Il est significatif, et presque caricatural, que cet appel soit paru dans un premier temps dans le Financial Times, organe central des milieux d’affaires anglo-saxons, et ensuite dans le Figaro, dont on ne présente plus la ligne éditoriale.
Bien sûr, pas la moindre mention, dans ce texte d’ »indignés mondains », de la responsabilité partagée des violences en Syrie, ni du rôle ou même de l’existence des bandes armées radicales : le manichéisme bien pensant et pro-occidental tenant, une fois de plus, lieu d’analyse à ces « autorités morales »
. On accordera que le cas de Stéphane Hessel est un peu à part, mais dans son empressement à surfer sur les « bonnes causes » bien médiatiques, il se prête objectivement à la même mise en condition des opinions occidentales avant les guerres contre l’Irak et la Yougoslavie.
On trouve parmi les signataires trois ex-présidents connus
pour leurs positions atlantistes – le Brésilien Cardoso, le Sud-africain
de Klerk et l’Allemand von Weizsäcker -, un prix Nobel « politique » –
l’Iranienne Shirin Ebadi – un romancier à succès – Umberto Ecco – un
indigné à succès – Stéphane Hessel – et une grande conscience de la
gauche française, Robert Badinter.
Sur ce dernier, on observera
simplement qu’interrogé en janvier 2009 sur France Culture
par le journaliste Ali Baddou sur la possibilité d’engager contre
Israël des poursuites contre Israël pour crimes de guerre, notamment
dans la bande de Gaza, Badinter avait botté en touche au motif que le
Hamas avait tiré par le passé des roquettes contre l’Etat hébreu.
Certes, son positionnement « gauche morale » a en quelque sorte obligé Badinter à prendre position pour la création d’un Etat palestinien, mais, concrètement, il s’était démené pour qu’Arafat ne soit jamais reçu à Paris.
Et pour autant qu’on sache il n’a jamais signé un appel appelant à retirer son « permis de tuer » à Ariel Sharon ou, au temps de l’opération « Plomb fondu » contre Gaza, au président et premier ministre israéliens Shimon Peres et Ehud Olmert. Il y a des « permis de pétitionner » qui devraient être retirés, eux aussi…"
Louis Denghien, le 13 mars 2012
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