Il faut relancer l’économie grecque, dût l’euro en périr LE MONDE le 24.05.2012 Par Jacques Sapir, économiste, directeur d’études à l’EHESS :
« Le mémorandum signé entre la « troïka » et le gouvernement grec a démontré sa nocivité. Rajoutant la rigueur à l’austérité, il a plongé la Grèce dans une dépression sans égale. Cette politique est l’équivalent contemporain de la déflation des années 1930 dans son esprit comme dans ses mesures les plus concrètes (baisse autoritaire des salaires, diminution des prestations sociales). Elle conduira aux mêmes catastrophes.
En dépit des coups de menton de Berlin, Francfort ou Bruxelles, il n’existe pas de cadre légal pour expulser un pays de la zone euro. Les traités n’ont fixé aucun chemin pour en sortir. Ici encore, c’est un bel exemple d’intelligence politique !
L’Union européenne (UE) peut certes décider de suspendre son aide, mettant ainsi le gouvernement grec dans l’incapacité d’honorer ses dettes. Mais ce dernier peut alors prendre conjointement deux décisions lourdes de conséquences.
Tout d’abord, il peut répudier la totalité de sa dette. Les gouvernements de la zone euro, engagés directement à travers le Fonds européen de stabilisation financière, et la Banque centrale européenne (BCE), devront alors "prendre leurs pertes" (64 milliards d’euros pour la France). Il peut, dans le même temps, réquisitionner la banque centrale de Grèce et lui faire émettre autant d’euros que nécessaire pour couvrir ses besoins de financement à court terme. Cette mesure, illégale, n’en est pas moins techniquement possible. Pour l’essentiel, il s’agit de jeux d’écritures.
Les détenteurs de la dette grecque privée, en provenance des entreprises, ne seront que trop heureux d’accepter cet argent qui sur les comptes en banque n’est pas discernable des euros légalement émis ! La dette des agents privés serait ainsi considérablement allégée. Quant au déficit budgétaire, il est lié pour près de 75 % aux paiements des intérêts sur la dette. Une fois la dette répudiée, le déficit budgétaire serait substantiellement réduit et ne se monterait qu’à 3 % ou 4 % du PIB. A ce niveau, il est tout à fait possible de le financer durablement par des emprunts à la Banque centrale sans effets inflationnistes majeurs.
Le gouvernement grec a donc dans ses mains des instruments de rétorsion face aux menaces. Mieux vaudrait donc discuter et renégocier le mémorandum, ce qui est très précisément la position du chef de Syriza, le parti de la gauche radicale, Alexandre Tsypras.
Le glas de l’euro sonne déjà
Au-delà se pose la question de la compétitivité de la Grèce. Soit les pays de l’Union européenne sont prêts à investir dans l’économie grecque, lui permettant de combler une partie de son écart de compétitivité qui s’est accru de 35 % depuis 2002. Soit il faudra se résoudre à une sortie de la Grèce de la zone euro et à une lourde dévaluation (50 %) de la drachme.
Cette solution, pour pénible qu’elle soit, sera préférable à la poursuite de la politique du mémorandum. La dévaluation est en effet une solution possible pour la Grèce. Le déficit de la balance commerciale représentait, en 2011, environ 20 milliards d’euros. Le déficit hors effets des hydrocarbures représentait 15 milliards. Les importations incompressibles, on le voit, ne représentent qu’une partie (25 %) du déficit commercial actuel. Une dévaluation permettrait à la Grèce d’augmenter ses exportations, qui représentaient en 2011 l’équivalent de 27 % du PIB, dont 12 % de ce dernier pour les exportations de biens. Cela est loin d’être négligeable.
Une telle solution sonnerait probablement le glas de l’euro. Mais ce glas sonne déjà avec la crise espagnole et le retour de la crise irlandaise. Une solution à la crise grecque est possible, à la condition que l’on cesse d’en faire un point d’honneur. Les femmes et hommes politiques européens doivent faire preuve de pragmatisme. Sinon, les réalités économiques trancheront pour eux. »
Les dirigeants allemands ont dit très clairement qu’ils ne sont pas disposés à renégocier quoi que ce soit avec la Grèce. La chancelière allemande Angela Merkel a fait du respect des engagements, notamment la réduction des déficits et les réformes structurelles, un « préalable » au maintien d’Athènes dans la monnaie unique :
De plus les l’Allemagne refuse toute les mesures proposées dans l’urgence pour sauver la zone euro, telles que les euro-obligations. Je ne pense pas que les dirigeants allemands auront évolués d’ici la fin du mois de juin car, je crois, qu’ils ont secrètement décidés de débarrasser la zone euro des « malades » qu’elle contient, considérant que faire de l’acharnement thérapeutique sur ces malades seraient encore plus couteux, pour eux, sur le long terme.
Donc si l’Allemagne persiste dans son attitude intransigeante envers la Grèce et cela devrait être le cas, la probabilité qu’Alexandre Tsypras s’il arrive en tête aux élections législatives prennent les deux décisions lourdes de conséquences évoquées par Jacques Sapir est très forte.
La question est : « Combien de temps reste t-il au château de cartes de la zone euro pour s’effondrer ? »
La France s’est fortement désindustrialisée depuis la création de la zone euro et il faut savoir que cette désindustrialisation a concerné l’ensemble pays membres de la zone euro.
Donc une autre question est : Combien de temps reste t-il pour que ceux qui ont conçus le château de cartes de la zone euro admettent qu’ils ont fait une grosse bêtise ?
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération