Je trouve l’article inintéressant, car pour moi le parallèle n’est pas pertinent. On n’a pas besoin d’apprendre une nouvelle langue pour aller au cinéma. Alors que l’espéranto, on a besoin de l’apprendre. Et comme il est interdit presque partout, en tout cas à l’école, c’est pas facile. Le cinéma est-il interdit depuis 100 ans ? La comparaison ne va pas loin, la raison du prétendu « échec » est vite trouvée.
Pour aller plus loin, voici quelques raisons du relatif insuccès de l’espéranto à ce jour, tirées d’une FAQ de la toile :
* 1/ Il y a mille ans, la langue la plus couramment utilisée dans les échanges internationaux était le latin. Il y a un siècle, c’était le français. Aujourd’hui, c’est incontestablement l’anglais. Oserait-on en conclure que le français est une langue du passé ? Et qu’en sera-t-il de l’anglais dans un siècle ? L’espéranto est une langue jeune, qui a encore toute la vie devant elle !
* 2/ La notion d’échec est relative à l’objectif qu’on s’est fixé. Or, d’après la Déclaration de Boulogne (09 08 1905), l’espérantisme est l’effort fait pour répandre dans le monde entier l’usage d’une langue neutre, qui « ne s’imposant pas dans la vie intérieure des peuples et n’ayant aucunement pour but de remplacer les langues existantes », donnerait aux hommes de diverses nations la possibilité de se comprendre entre eux, qui pourrait servir pour les institutions publiques dans les pays où se trouvent des rivalités de langues, et dans laquelle pourraient être publiés les ouvrages qui ont un intérêt égal pour tous les peuples. Toute autre idée que tel ou tel Espérantiste pourrait lier à l’espérantisme est une affaire purement privée dont l’Espérantisme n’a pas à répondre.
o L’objectif peut être formulé aussi : tous ceux qui la parlent peuvent se comprendre (cf [Unua Libro]). On peut dire que cet objectif est largement atteint (argument loto) : tous ceux qui l’ont appris et le parlent peuvent mettre en pratique cette intercompréhension. Chaque année, des congrès rassemblent des milliers d’espérantophones originaires de tous les continents, chaque année des romans, poèmes, chansons, pièces de théatre, etc. sont publiés en espéranto. Sur l’internet, une recherche autour du mot « espéranto » donne 46 500 000 pages environ.
* 3/ L’espéranto fait partie des 4% de langues les plus parlées au monde. Et sur internet sa place est encore plus forte. Il y a malheureusement à travers le monde des milliers de langues qui ont moins de locuteurs que l’espéranto, dont un grand nombre sont menacées d’extinction. L’espéranto se porte donc plutôt bien, et, bien que le nombre de ses locuteurs ne soit pas facile à évaluer, il semble plutot augmenter : ainsi, les cours d’espéranto, aussi bien dans les clubs locaux que lors des congrès ou sur l’internet, ne désemplissent pas.
* 4/ Le succès d’une langue ne dépend pas de ses qualités linguistiques, comme l’a bien montré Umberto Eco ; il est avant tout lié à des conditions politiques et économiques. On ne peut pas reprocher à l’espéranto de ne pas avoir été adopté par l’ONU, par l’Union Européenne etc. La responsabilité de cette non-adoption en incombe à ces organisations, et à certains pays, qui ont mis leur veto chaque fois que la question a été mise à l’ordre du jour. La position de la France est à ce titre particulièrement édifiante. Chaque fois qu’elle a pu, et qu’elle en a l’occasion encore actuellement, alors même que le français a perdu son rang de première langue internationale, relégué au rang de langue régionale par l’anglais, la France s’oppose à l’introduction de l’espéranto au baccalauréat. Et c’est la France qui a enterré le rapport Nitobe à la Société des Nations en 1922.
o C’est vrai que l’espéranto touche pour l’instant un public très inférieur au potentiel. Il réussira vraiment le jour où on le prendra enfin au sérieux, où politiciens, linguistes, et tout simplement chaque citoyen s’y intéressera sans a priori et sans mauvaise foi. Pendant des décennies, les ministres successifs ont renvoyé aux associations d’espéranto le meme discours, les memes lettres, montrant qu’ils n’avaient pas pris la peine d’étudier la question. C’est encore souvent le cas aujourd’hui, meme si une campagne auprès des partis politiques a permis à certains de prendre conscience de leur erreur.
* 5/ Since 1905 it is held an Esperanto Universal Congress every year, which people from all over the world attend. In 1993 it was held in Valencia (Spain), then in Seul in 1994, last year it was held in Tampere (Finland), in 1996 in Prague ... 2007 Yokohama. Only a few thousands out of the millions which can speak Esperanto all over the world can meet in a city -every year a different one- due to economic, professional or political reasons, but they amount to a figure significant enough to prove that assertion is false. Source : http://storm.prohosting.com/jesuo/espefaq2.htm#failure
* 6/ Et vous, vous promettez de vous y mettre quand, à travers le monde, un million de personnes auront signé cette meme promesse ? Des sondages menés dans divers endroits (en France, en Russie) on montré que 33% des personnes interrogées étaient prêtes à apprendre l’espéranto si 10 000 000 de personnes faisaient la même promesse et 33% étaient prêtes à l’apprendre si elles savaient où et comment l’apprendre. Toujours est-il que même si on se contente de 30% de gens qui seraient prêts à l’apprendre soit tout de suite, soit quand 10 000 000 de gens font cette promesse, on arrive à 20 millions des français (sur 60 millions)...
Claude Piron :
* 7/Echec./ Montrer que l’Eo fonctionne parfaitement pour ceux qui l’ont appris, et ceux-ci sont répandus sur la terre entière. Pour ceux-ci, il a parfaitement réussi. Il fonctionne très bien sur internet. Les gens qui lui reprochent de ne pas avoir réussi ne considèrent pas le rythme lent de l’Histoire. Le système métrique a été proposé en 1660. Peut-on dire que 100 après c’était un échec, car il n’était utilisé nulle part ? Non, il n’avait alors *pas encore* réussi. Mais maintenant il a pratiquement conquis le monde. L’Eo, après un siècle, se révèle un plus grand succès que le système métrique après une durée similaire.
* 8/ On peut encore dire ceci : « Est-ce que pour vous réussir signifie que le monde entier doit l’adopter ? Diriez-vous que la 2CV fut un fiasco, car de nombreuses personnes n’ont jamais acheté une 2CV ? Selon moi, si ceux qui le désiraient pouvaient l’acheter l’utiliser, et en étaient contents, elle était un succès. »
* 9/ Il n’est pas exact de dire que l’Eo a eu sa chance et n’en a pas profité. Comparé au système métrique, qui n’était utilisé nulle part 120 ans après sa publication, son succès est impressionnant. L’Eo n’a jamais cessé de se répandre, sauf pendant la période hitléro-stalinienne, mais à un rythme très lent. Il est donc trop tôt pour l’appeler un échec. Il faut attendre voir. Source : message du 05 02 2006.
10/ Il n’est pas exact que l’Eo a échoué. J’ai traversé le monde pour l’OMS, et presque partout j’ai eu des contacts avec des locaux en Eo, dont mes collègues ne parlant que l’anglais n’ont pas pu profiter. C’est vrai, l’Eo est presque inconnu en Malaisie, à Singapour, en Indonésie, en Thailande et aux Philippines, ainsi que dans les pays arabes.
Mais je l’ai abondamment parlé en Chine et au Japon, et je reçois de nombreux courriels en Eo de l’Inde, de Corée du Sud, de l’Iran, et pratiquement du monde entier. En moyenne, six mois d’Eo conduisent à un niveau de communication qui nécessite 6 ans pour l’anglais. L’Eo est donc la langue avec le meilleur rapport efficacité/coût pour les situations internationales ou interculturelles.
La raison pour laquelle l’Eo est peu connu est purement politique, mais la situation évolue. Dans un rapport commandé par le gouvernement français, l’économiste François Grin conclut de ses recherches que l’Europe économiserait 25 milliards d’euros par an si elle adoptait l’espéranto pour résoudre ses terribles problèmes linguistiques. (http://cisad.adc.education.fr/hcee/documents/rapport_Grin.pdf, p. 7). On constate une étrange fossé entre la réalité de l’Eo, telle que je la vis chaque jour, et l’image de cette langue dans les médias. (Message du 29 12 2005)
Comme mentionné par Krokodilo, La question n’est pas binaire (succès/échec), il faut considérer la perspective historique (le « pas encore-isme »), et comparer avec d’autres grands combats (esclavage, droits des femmes, système métrique, paix...)
Cependant comme dit aussi, le phénomène espéranto est unique et incomparable, même avec ces autres grands combats. Jamais auparavant on a essayé de populariser une nouvelle langue destinée aux échanges internationaux ... On ne peut pas se référer à une autre expérience, un autre produit ou service, un autre phénomène. C’est sans précédent.
Umberto Eco :
Le problème de l’Eo ne dépend pas de l’Eo lui-même, mais d’événements politiques, qui dépassent la volonté des espérantistes.
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