Afin de satisfaire à la politique éditoriale relative au « volume » des articles, j’ai pris le parti d’expurger celui-ci des développements théoriques relatifs à la consistance juridique du principe d’égalité.
Je me permets donc de joindre ci-après lesdits développements, tels qu’ils apparaissent dans l’article original.
- Le principe d’égalité, parce qu’il cristallise à lui seul l’ensemble des contradictions que recèlent les Droits de l’Homme, ne connaît pas d’absolu juridique : sa concrétisation exige le dynamisme de la loi. Aussi est-il conçu en droit français au travers d’une dualité de principes.
D’une part, l’article 1 de la Constitution de 1958 proclame solennellement « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion », principe dont les articles 225-1 et 225-2 du code pénal garantissent le respect par une prohibition des actes de discrimination à l’égard des individus. De l’autre, le Conseil constitutionnel prévoit que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »[9]. En d’autres termes, une loi peut s’affranchir de l’égalité abstraite que proclame la Constitution, sous réserve qu’elle témoigne du respect de strictes conditions de forme et de fond.
Sur la forme, une telle loi ne peut ainsi être le produit d’un amendement « opportuniste » : l’exigence d’un lien direct entre la mesure dérogatoire et l’objet de la loi veille à évacuer toute ambiguïté quant aux finalités poursuivies. Cette condition vise à réprimer la pratique dite du « cavalier législatif », qui consiste à contourner la procédure législative traditionnelle. De fait, lorsqu’un amendement se révèle dépourvu de tout lien direct avec la loi qu’il prétend modifier, le Conseil constitutionnel le censure en présumant qu’il n’a d’autre finalité que de soustraire un projet de loi aux exigences de la procédure législative régulière : consultation préalable du Conseil d’Etat, délibération du Conseil des ministres, passage devant une commission législative, inscription à l’ordre du jour...
Sur le fond, l’exception au principe d’égalité doit nécessairement se justifier par l’existence de différences de situation appréciables ou d’une nécessité d’intérêt général. Dans ces deux hypothèses, la loi s’acclimate aux situations objectives, elle instaure une inégalité en droit pour assurer l’égalité de fait. C’est notamment de ce pragmatisme juridique que sont nées les zones d’éducation prioritaire ainsi que les procédures de recrutement particulières à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris[10].
Au sein de l’ordre juridique français peuvent donc coexister l’égalité devant la loi et l’égalité par la loi, toutes deux réunies autour d’une cause commune : hisser la réalité sociale au niveau de la fiction juridique. C’est aux fins de garantir la sincérité de cette singulière cohabitation que le Conseil constitutionnel, en l’occurrence, a principalement justifié la censure de l’amendement relatif aux statistiques « ethniques ».
Notes :
9- Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988 ; Décision n° 96-375 DC du 9 avril 1996 ; Décision n°2006.535 DC du 30 mars 2006 Loi pour l’égalité des chances ; Décision n°2006-533 DC du 16 mars 2006 Loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
10- Décision n° 2001-450 DC 11 juillet 2001 Loi portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel.
PS : Ci-joint, un débat télévisé permettant d’y voir plus clair quant à la réalité pratique des statistiques « ethniques ».
http://toutes-les-france.rfo.fr/index-fr.php?page=player_video&id_article=42